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21/05/2002 | FRANCE | N°98BX01936

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3e chambre, 21 mai 2002, 98BX01936


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 6 novembre 1998 sous le n° 98BX01936, présentée pour M. Christian X..., demeurant 21, passage Albert Camus, Bâtiment 21, Toulouse (31100) ; M. X... demande que la cour :
- annule le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 juillet 1998, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 juin 1995 refusant sa réintégration dans les effectifs de l'Office public d'aménagement et de construction (O.P.A.C.) de Toulouse ;
- annule cette décision et ordonne

sa réintégration ainsi que la reconstitution de sa carrière ;
Vu ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 6 novembre 1998 sous le n° 98BX01936, présentée pour M. Christian X..., demeurant 21, passage Albert Camus, Bâtiment 21, Toulouse (31100) ; M. X... demande que la cour :
- annule le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 7 juillet 1998, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 juin 1995 refusant sa réintégration dans les effectifs de l'Office public d'aménagement et de construction (O.P.A.C.) de Toulouse ;
- annule cette décision et ordonne sa réintégration ainsi que la reconstitution de sa carrière ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 73-986 du 23 octobre 1973 ;
Vu le décret n° 93-852 du 17 juin 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 2002 :
- le rapport de Mme Boulard, premier conseiller ;
- les observations de M. X... ;
- et les conclusions de M. Heinis, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X... a été recruté par l'Office public d'habitations à loyer modéré (O.P.H.L.M.) de Toulouse comme "préposé au nettoyage" par un contrat en date du 23 mars 1983, puis en qualité d'"auxiliaire de bureau" par un contrat en date du 10 septembre 1984, à durée indéterminée ; que, par une décision en date du 18 septembre 1991 prise par la présidente du conseil d'administration de l'O.P.H.L.M. de Toulouse, il a été licencié "pour fautes graves" à compter du 1er décembre 1991 ; qu'il a saisi en 1992 le conseil de prud'hommes de Toulouse d'une demande tendant, à titre principal, à sa réintégration et au paiement de ses salaires ainsi qu'au versement d'une indemnité en réparation de son préjudice moral et matériel et, à titre subsidiaire, au cas où cette réintégration ne serait pas prononcée, au paiement d'indemnités de congés payés et de licenciement ; que par jugement du 1er février 1995, le conseil de prud'hommes a condamné l'O.P.H.L.M. de Toulouse à payer à M. X... la somme de 200 000 F pour "tous dommages confondus et les demandes de congés payés et d'indemnités de licenciement" et a débouté les parties du surplus de leurs demandes ; que l'office public a fait appel de ce jugement par voie d'appel principal ; que M. X... a également fait appel de ce jugement par voie d'appel incident ; qu'il a ainsi repris, devant la cour d'appel, sa demande tendant à sa réintégration ou, à défaut, au paiement de sommes à titre d'indemnités de licenciement et de dommages-intérêts ; que, par son arrêt du 31 mai 1996, la cour d'appel, jugeant le licenciement de M. X... comme étant "dépourvu de cause réelle et sérieuse", a condamné l'office public à lui verser "la somme de 72 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 5 410,71 F à titre d'indemnité de licenciement" ;

Considérant que, par une lettre en date du 15 mai 1995, M. X... a demandé à l'office public sa réintégration ; que, par une lettre en date du 15 juin 1995, le responsable des ressources humaines de l'office a expressément rejeté cette demande ; que M. X... a saisi le tribunal administratif de Toulouse, par un mémoire enregistré le 21 septembre 1995, d'une demande visant à sa réintégration, puis par mémoire enregistré le 4 mars 1997, de demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision susmentionnée du 18 septembre 1991 prononçant son licenciement et de celle précitée du 15 juin 1995 refusant de le réintégrer et d'autre part, au paiement d'indemnités ; que, par jugement du 7 juillet 1998, le tribunal administratif a annulé la décision de licenciement prise le 18 septembre 1991 par la présidente de l'O.P.H.L.M. de Toulouse, en relevant que n'était pas établie la matérialité des faits qui le fondaient, mais a rejeté les autres conclusions de M. X... comme se heurtant à la chose jugée par le juge judiciaire ; que M. X..., qui demande à la cour de prononcer sa réintégration du Afait de l'annulation de la lettre de licenciement du 18 septembre 1991", doit être regardé comme faisant appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a rejeté ses conclusions visant à sa réintégration ; que, par la voie de l'appel incident, l'Office public d'aménagement et de construction (OPAC) de Toulouse, issu de la transformation par arrêté interministériel du 25 août 1994 de l'O.P.H.L.M. de Toulouse, conteste le jugement du tribunal administratif de Toulouse, en ce qu'il a annulé la décision de licenciement du 18 septembre 1991 ;
Sur les conclusions incidentes de l'OPAC relatives au licenciement de M. X... :
Considérant que la décision du 18 septembre 1991 prononçant le licenciement de M. X... ne comportait pas l'indication des voies et délais de recours ; que, par suite et en vertu des dispositions de l'article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors applicables, suivant lesquelles Ales délais de recours contre une décision déférée au tribunal ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision , aucun délai de recours ne pouvait être opposé à M. X... ; qu'est sans incidence sur l'application des dispositions de l'article R. 104 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la double circonstance que M. X... a saisi, dans les conditions susrappelées, le juge judiciaire et qu'il a demandé sa réintégration à l'office public puis au tribunal administratif ; qu'ainsi, à la date du 4 mars 1997, à laquelle M. X... a demandé l'annulation de son licenciement, cette demande ne pouvait être regardée comme tardive ; que cette demande, qui expose les faits et les moyens sur lesquels elle s'appuie, est suffisamment motivée ;
Considérant que la demande présentée par M. X... devant le conseil de prud'hommes de Toulouse, puis devant la cour d'appel de Toulouse, n'avait pas le même objet que celle tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de son licenciement ; que, par suite, l'autorité de la chose jugée par le juge judiciaire ne s'opposait pas à ce qu'il soit fait droit à cette demande d'annulation ;

Considérant que la décision de licencier M. X..., qui avait alors la qualité d'agent public de l'O.P.H.L.M., est motivée par des "fraudes au pointage", "un refus d'exécuter l'ordre donné" et un "abandon de poste" ; que la matérialité d'aucun de ces faits n'est établie, ce que ne conteste d'ailleurs pas l'office ; qu'ainsi, cette décision est illégale ; que, par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par M. X... à l'encontre de l'appel incident de l'O.P.A.C. de Toulouse, cet office public n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision de licenciement prise le 18 septembre 1991 par la présidente du conseil d'administration de l'O.P.H.L.M. de Toulouse ;
Sur les conclusions aux fins d'exécution présentées par M. X... :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicable : "Lorsqu'un jugement ou un arrêt implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure, assortie le cas échéant, d'un délai d'exécution, par le même jugement ou le même arrêt" ;
Considérant que si M. X... a présenté le 21 septembre 1995 devant le tribunal administratif une demande tendant à sa réintégration sans formuler de conclusions expresses d'annulation, il a par son mémoire précité du 4 mars 1997 demandé explicitement l'annulation de son licenciement ainsi que du refus de le réintégrer et a repris, dans ses dernières écritures enregistrées les 8 avril 1997 et 17 juin 1998, ses conclusions initiales à fin d'injonction en les présentant comme découlant de l'annulation de son licenciement ; que, dans ces conditions, les conclusions, suffisamment motivées, de M. X... visant à ce que soit prescrite une mesure d'exécution étaient recevables sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 8-2 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant que l'annulation, que confirme le présent arrêt, du licenciement de M. X..., décision qui doit être réputée n'être jamais intervenue, implique nécessairement que sa réintégration soit prononcée rétroactivement à la date de son éviction illégale ; que la demande de réintégration que M. X... a initialement présentée devant la juridiction judiciaire ne reposait pas sur la même cause juridique que celle qui fonde sa demande de réintégration devant la juridiction administrative et qui procède, à titre de mesure d'exécution, de l'annulation du licenciement prononcée par le juge de l'excès de pouvoir ; que, par suite, ce qui a été décidé par le juge judiciaire, en admettant qu'il se soit prononcé sur ce point, ne s'oppose pas à ce que le juge administratif accueille les conclusions de M. X... visant à sa réintégration à la date de son éviction ; qu'ainsi, l'exception de chose jugée opposée par l'office public doit être écartée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 juillet 1998, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à sa réintégration ;
Considérant que M. X... demande en appel que sa réintégration s'accompagne d'une "reconstitution de sa carrière" ; qu'en sa qualité d'agent contractuel à la date de son licenciement, il ne peut prétendre à une "carrière" proprement dite ; que, toutefois, l'effacement rétroactif de son licenciement implique nécessairement qu'il soit non seulement replacé dans la situation qui était la sienne à la date de son éviction, mais aussi que soient envisagées les mesures que l'évolution de cette situation aurait appelées en l'absence d'éviction ; qu'en particulier, la situation de M. X... devra être rétroactivement examinée au regard des droits que lui confèrent les dispositions combinées du décret du 22 octobre 1973 relatif aux OPAC institués par transformation d'O.P.H.L.M. et du décret du 17 juin 1993 portant règlement statutaire des personnels ne relevant pas du statut de la fonction publique territoriale employés par les OPAC ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu'en condamnant l'O.P.A.C. de Toulouse à verser la somme de 3 500 F à M. X... sur le fondement de l'article L. 8-1 du code du tribunal administratif et des cours administratives d'appel alors applicable et en écartant la demande de l'office présentée sur le même fondement, le tribunal administratif de Toulouse n'a pas fait une inexacte application des dispositions de cet article ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative actuellement applicables font obstacle à ce que M. X..., qui ne succombe pas dans la présente instance, soit condamné à payer à l'O.P.A.C. de Toulouse la somme que cet établissement demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Il est enjoint à l'O.P.A.C. de Toulouse de réintégrer M. X... à compter de son éviction et de reconstituer l'évolution que sa situation aurait connue en l'absence d'éviction.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 7 juillet 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le recours incident de l'O.P.A.C. de Toulouse est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 98BX01936
Date de la décision : 21/05/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

PROCEDURE - JUGEMENTS - CHOSE JUGEE - CHOSE JUGEE PAR LA JURIDICTION JUDICIAIRE.

PROCEDURE - JUGEMENTS - CHOSE JUGEE - CHOSE JUGEE PAR LA JURIDICTION JUDICIAIRE - CHOSE JUGEE PAR LE JUGE CIVIL.

PROCEDURE - JUGEMENTS - EXECUTION DES JUGEMENTS.

PROCEDURE - JUGEMENTS - EXECUTION DES JUGEMENTS - EFFETS D'UNE ANNULATION.


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R104, L8-2, L8-1
Décret du 22 octobre 1973
Décret 93-852 du 17 juin 1993


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Boulard
Rapporteur public ?: M. Heinis

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2002-05-21;98bx01936 ?
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