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28/05/2002 | FRANCE | N°98BX00268

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2e chambre, 28 mai 2002, 98BX00268


Vu la requête, enregistrée le 24 février 1998, présentée par M. Jean-Louis Y..., demeurant ... ;
Le requérant demande à la cour :
1) d'annuler le jugement en date du 15 janvier 1998 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes dirigées contre les arrêtés en date des 16 novembre 1993 et 7 avril 1994 du maire de Millau modifiant les conditions de stationnement des véhicules sur le boulevard de l'Ayrolle et contre la décision du maire de Millau de passer un marché public de travaux avec l'entreprise Sévigné pour la réfection des trottoirs ;
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) d'annuler les arrêtés et la décision précités ;
3) de débouter la comm...

Vu la requête, enregistrée le 24 février 1998, présentée par M. Jean-Louis Y..., demeurant ... ;
Le requérant demande à la cour :
1) d'annuler le jugement en date du 15 janvier 1998 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes dirigées contre les arrêtés en date des 16 novembre 1993 et 7 avril 1994 du maire de Millau modifiant les conditions de stationnement des véhicules sur le boulevard de l'Ayrolle et contre la décision du maire de Millau de passer un marché public de travaux avec l'entreprise Sévigné pour la réfection des trottoirs ;
2) d'annuler les arrêtés et la décision précités ;
3) de débouter la commune de Millau de toutes ses demandes et conclusions ;
4) de condamner la commune à payer au requérant la somme de 7 000 F sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des communes ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 avril 2002 :
- le rapport de Mme Merlin-Desmartis ;
- et les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;

Sur la légalité de l'arrêté du maire de Millau en date du 16 novembre 1993 :
Considérant que, par arrêté en date du 16 novembre 1993, le maire de Millau a modifié les modalités de stationnement sur le boulevard de l'Ayrolle, côté impair, entre la rue Saint-Martin et la place Bompaire, ce stationnement se faisant désormais longitudinalement et non plus en épi ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, cet arrêté n'est pas entaché d'un vice de nature à le faire regarder comme inexistant ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-29 du code des communes, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : "Les arrêtés du maire ne sont exécutoires qu'après avoir été portés à la connaissance des intéressés, par voie de publication ou d'affiches, toutes les fois qu'ils contiennent des dispositions générales ( ...). Dans les communes de 3 500 habitants et plus, les arrêtés municipaux à caractère réglementaire sont publiés dans un recueil des actes administratifs dans des conditions fixées par décret en conseil d'Etat" ; que le décret précité relatif notamment aux recueils des actes administratifs des communes est intervenu le 20 septembre 1993 ; qu'aux termes de l'article R. 122-11 du code des communes : "Dans le cas prévu à l'article L. 122-29, la publication des arrêtés du maire est constatée par une déclaration certifiée du maire ( ...)" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'outre l'affichage en mairie, dont il est établi qu'il est intervenu le 18 novembre 1993, l'arrêté contesté devait faire l'objet d'une publication au recueil des actes administratifs de la commune ; que la commune ne produit pas à l'instance la déclaration certifiée du maire attestant d'une telle publication ; que, dans ces conditions, aucun délai n'était opposable au requérant pour contester l'arrêté du maire de Millau en date du 16 novembre 1993 ; qu'ainsi le jugement en date du 15 janvier 1998 du tribunal administratif de Toulouse doit être annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevables parce que tardives les conclusions de la demande tendant à l'annulation de cette décision ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur ces conclusions ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-11 du code des communes alors applicable : "Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints, et, en l'absence et en cas d'empêchement de ses adjoints, à des membres du conseil municipal" ; qu'en application de ces dispositions, le maire ne peut déléguer simultanément les mêmes fonctions à deux adjoints ou conseillers municipaux sauf à préciser l'ordre de priorité des personnes autorisées à agir aux lieu et place du maire dans un champ déterminé ;

Considérant que, par arrêté en date du 28 mars 1989, M. Z..., premier adjoint, et M. X..., sixième adjoint, ont, sur le fondement des dispositions précitées, simultanément reçu délégation du maire de Millau pour exercer les mêmes fonctions, en particulier celles relatives à la police municipale, sans qu'ait été prévu entre les deux adjoints un ordre de priorité ; qu'est irrégulier un tel arrêté, qui ne permet pas d'identifier, à un moment donné et pour une catégorie déterminée d'acte, le titulaire de la délégation ; que, par suite, M. Y... est fondé à soutenir que l'arrêté en date du 16 novembre 1993, signé par M. X..., a été pris par une autorité incompétente et doit être annulé ;
Sur la légalité de l'arrêté du maire de Millau en date du 7 avril 1994 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant que, par arrêté en date du 7 avril 1994, complétant le précédent et également signé par M. X..., le maire de Millau a modifié les modalités de stationnement sur le Boulevard de l'Ayrolle, côté impair, entre la rue Droite et la rue Saint-Martin ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le requérant, qui, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, était recevable, s'agissant d'un moyen d'ordre public, à invoquer à tout moment de la procédure le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte, est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande dirigée contre ce second arrêté ;
Sur la légalité de la décision du maire de Millau de passer un marché de travaux publics avec l'entreprise Sévigné :
Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 422-2 ajouté au code de l'urbanisme par la loi n° 86-13 du 6 janvier 1986, les constructions ou travaux exemptés du permis de construire, à l'exception de ceux couverts par le secret de la défense nationale, font l'objet d'une déclaration auprès du maire de la commune avant le commencement des travaux ; qu'il est spécifié au troisième alinéa du même article que lorsque ces constructions ou travaux sont soumis par des dispositions législatives ou réglementaires "en raison de leur emplacement ou de leur utilisation à un régime d'autorisation ou à des prescriptions dont l'application est contrôlée par une autorité autre que celle compétente en matière de permis de construire, la déclaration mentionnée au premier alinéa tient lieu des demandes d'autorisation exigées par ces dispositions" ; qu'il est précisé au quatrième alinéa de l'article L. 422-2 que si l'autorité consultée manifeste son désaccord ou assortit son accord de prescriptions, l'autorité compétente en matière de permis de construire, selon le cas, s'oppose à l'exécution des travaux ou notifie les prescriptions dont l'accord est assorti ; qu'en revanche, en cas d'accord manifesté par l'autorité consultée, l'absence d'opposition de l'autorité compétente en matière de permis de construire tient lieu des autorisations prévues par les dispositions législatives ou réglementaires mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 422-2 ; que, dans son dernier alinéa, ce même article laisse à un décret en Conseil d'Etat le soin de fixer notamment les modalités de réponse des autorités concernées ;

Considérant que, sur le fondement de cet alinéa, le décret du 14 mars 1986 a ajouté au code de l'urbanisme un article R. 422-8 selon lequel, dans le cas où les travaux objet de la déclaration, sont soumis à un régime de contrôle dépendant d'une autorité autre que celle qui est compétente au titre du permis de construire, il est fait obligation au service chargé d'instruire la déclaration préalable de travaux de consulter la ou les autorités ainsi concernées ; que celles-ci font connaître à l'autorité compétente leur opposition ou les prescriptions qu'elles demandent ; que ces formalités s'appliquent, notamment, au cas visé par l'article R. 421-38-4 du code de l'urbanisme aux termes duquel : "Lorsque la construction est située dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, le permis de construire ne peut être délivré qu'avec l'accord de l'architecte des bâtiments de France" ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que, pour des constructions ou travaux soumis en principe au régime du permis de construire, mais qui en sont exemptés dans les conditions et suivant les modalités définies par les articles L. 422-2 et R. 422-8 du code de l'urbanisme, l'autorisation requise par le premier alinéa de l'article 13 bis de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques, en cas de transformation ou de modification de nature à affecter l'aspect d'un immeuble situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit relève, non de la compétence qu'exerce le préfet sur le fondement des dispositions de l'article 13 ter de la loi du 31 décembre 1913 dans leur rédaction issue du décret du 7 juillet 1977, mais de celle de l'architecte des bâtiments de France ;
Considérant que les travaux de réfection des trottoirs du boulevard de l'Ayrolle, confiés à l'entreprise Sévigné par bon de commande en date du 4 mars 1994, relèvent du régime de déclaration de travaux soumis aux dispositions combinées des articles L. 422-2, R. 422-8 et R.421-38-4 du code de l'urbanisme ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, ces travaux devaient faire l'objet, non d'une autorisation du préfet mais de l'accord de l'architecte des bâtiments de France ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 4 mars 1994 ;
Sur la condamnation de M. Y... à payer 3 500 F sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que, par délibération en date du 22 février 1996, le conseil municipal a donné au maire le pouvoir d'intenter les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle en particulier dans le domaine de la police ; que la même délibération prévoit qu'en l'absence du maire, le premier adjoint, M. A... et le deuxième adjoint, M. B..., sont Ahabilités à signer pour la totalité des attributions ayant fait l'objet de la délégation du conseil municipal au maire ; que, pour les motifs exposés ci-dessus, une telle délégation simultanée de fonctions à deux adjoints est irrégulière ; que, par suite, M. A... n'avait pas compétence pour signer le mémoire en date du 12 décembre 1997 de la ville de Millau tendant à ce que M. Y... soit condamné à verser à la commune la somme de 3 500 F sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a prononcé à son encontre une telle condamnation ;
Sur les conclusions de la requête tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de ne condamner la commune de Millau qu'à verser à M. Y..., qui n'a pas eu recours au ministère d'un avocat, une somme de 80 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Article 1er : Le jugement en date du 15 janvier 1998 du tribunal administratif de Toulouse est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de M. Y... dirigées contre les arrêtés en date des 16 novembre 1993 et 7 avril 1994 du maire de Millau et en tant qu'il condamne M. Y... à verser à la commune de Millau la somme de 3 500 F sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 2 : Les arrêtés en date des 16 novembre 1993 et 7 avril 1994 du maire de Millau sont annulés.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 98BX00268
Date de la décision : 28/05/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

135-02-01-02-02-03-04 COLLECTIVITES TERRITORIALES - COMMUNE - ORGANISATION DE LA COMMUNE - ORGANES DE LA COMMUNE - MAIRE ET ADJOINTS - POUVOIRS DU MAIRE - DELEGATION DES POUVOIRS DU MAIRE


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code de l'urbanisme L422-2, R422-8, R421-38-4
Code des communes L122-29, R122-11, L122-11
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret du 07 juillet 1977
Décret du 14 mars 1986
Loi du 31 décembre 1913 art. 13 bis, art. 13 ter
Loi 86-13 du 06 janvier 1986


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Merlin-Desmartis
Rapporteur public ?: M. Rey

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2002-05-28;98bx00268 ?
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