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20/06/2002 | FRANCE | N°98BX01232

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1e chambre, 20 juin 2002, 98BX01232


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 10 juillet 1998, par laquelle la société anonyme "LE POPULAIRE DU CENTRE", domiciliée ..., demande que la cour :
- annule le jugement rendu le 14 mai 1998 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 novembre 1992 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a autorisé le licenciement de M. X... ;
- rejette la demande de M. X... devant le tribunal administratif de Limoges ;
- condamne M. X... à lui payer la som

me de 10.000 F (1.524,49 euros) en application de l'article L.761-...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 10 juillet 1998, par laquelle la société anonyme "LE POPULAIRE DU CENTRE", domiciliée ..., demande que la cour :
- annule le jugement rendu le 14 mai 1998 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 novembre 1992 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a autorisé le licenciement de M. X... ;
- rejette la demande de M. X... devant le tribunal administratif de Limoges ;
- condamne M. X... à lui payer la somme de 10.000 F (1.524,49 euros) en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 mai 2002 :
- le rapport de M. Bec, conseiller ;
- les observations de Me Dudognon substituant Me Hervy, avocat de la société anonyme "LE POPULAIRE DU CENTRE" ;
- les observations de M. X..., présent ;
- et les conclusions de M. Pac, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en application des articles L. 425-1, L. 436-1 et L. 236-11 du code du travail, tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel, d'un membre du comité d'entreprise, ou d'un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, est obligatoirement soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement ; qu'un tel licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ;
Considérant qu'en vertu de ces dispositions, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du 2 novembre 1992 par laquelle le ministre du travail de l'emploi et de la formation professionnelle a autorisé le licenciement pour faute de M. Pierre X..., membre suppléant du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, à la suite du refus par ce dernier d'accepter les modifications substantielles de son contrat de travail imposées par son employeur, la société anonyme "LE POPULAIRE DU CENTRE", à titre de sanction de plusieurs manquements professionnels ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant en premier lieu que si la société requérante soutient que le tribunal administratif de Limoges aurait fondé son jugement sur un moyen non invoqué dans la requête, il ressort des pièces du dossier de première instance que le tribunal administratif de Limoges s'est fondé exclusivement sur les moyens développés par M. X... ; que la société anonyme "LE POPULAIRE DU CENTRE" n'est par suite pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait irrégulièrement soulevé d'office le moyen sur lequel il a fondé l'annulation de la décision du ministre ;
Considérant en second lieu que l'appréciation de la faute qu'aurait commise M. X... en refusant la modification, à titre de sanction, de son contrat de travail dépend nécessairement de l'appréciation de la gravité des fautes sur lesquelles repose cette sanction ; que la société anonyme "LE POPULAIRE DU CENTRE" n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait dénaturé le moyen tiré par M. X... de l'insuffisante gravité des faits ayant justifié la sanction prise à son encontre, en en tirant les conséquences quant à la légalité de la mesure de licenciement intervenue en conséquence du refus par le salarié de la modification de son contrat de travail ;
Sur la légalité de la décision du ministre :

Considérant en premier lieu que l'appréciation par l'administration de la faute que commettrait un salarié en refusant la modification substantielle de son contrat de travail infligée par l'employeur à titre de sanction, repose nécessairement sur l'appréciation des faits ayant motivé la sanction ; qu'en l'absence d'un jugement du juge judiciaire passé en force de chose jugée portant sur la sanction ainsi infligée, le salarié demeure recevable devant le juge administratif à contester les faits sur lesquels repose cette sanction ;
Considérant que si la société anonyme "LE POPULAIRE DU CENTRE" reproche à M. X... d'avoir à deux reprises conservé un véhicule de fonction au-delà des nécessités de service, elle n'établit pas la réalité des faits allégués ; que si plusieurs articles rédigés par M. X... comportent des erreurs, les sujets traités ne confèrent pas à ces négligences un caractère de gravité de nature à justifier une mesure de rétrogradation ; qu'il est constant que la collaboration de M. X... à d'autres publications était connue de son employeur, lequel, ayant constaté un développement de cette collaboration, ne pouvait par suite la regarder comme fautive au seul motif qu'elle ne lui aurait pas été notifiée dans les formes requises par la convention collective applicable aux journalistes ; que ces différentes lacunes ne présentaient pas, dans les caractères de l'espèce, un caractère suffisant de gravité pour justifier la rétrogradation de M. X... de rédacteur principal à secrétaire d'édition ; qu'ainsi, le refus de M. X... d'accepter cette sanction ne constitue pas de sa part une faute ; que par suite la société anonyme "LE POPULAIRE DU CENTRE" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision en date du 2 novembre 1992 par laquelle le ministre du travail de l'emploi et de la formation professionnelle a autorisé le licenciement de M. X... ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation."
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que M. X..., qui n'est pas dans la présente instance la partie qui succombe, soit condamné à payer une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société anonyme "LE POPULAIRE DU CENTRE" à payer à M. X... la somme de 1.000 euros ;
Article 1er : la requête de la société anonyme "LE POPULAIRE DU CENTRE" est rejetée.
Article 2 : la société anonyme "LE POPULAIRE DU CENTRE" est condamnée à payer à M. X... la somme de 1.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 98BX01232
Date de la décision : 20/06/2002
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01-04-02-02 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION - LICENCIEMENT POUR FAUTE - ABSENCE DE FAUTE D'UNE GRAVITE SUFFISANTE


Références :

Code de justice administrative L761-1
Code du travail L425-1, L436-1, L236-11


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bec
Rapporteur public ?: M. Pac

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2002-06-20;98bx01232 ?
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