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25/06/2002 | FRANCE | N°99BX01703

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2e chambre, 25 juin 2002, 99BX01703


Vu la requête enregistrée le 22 juillet 1999 au greffe de la cour, présentée pour M. Jamal X..., demeurant à Ambarès (Gironde) ;
M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 20 avril 1999 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier régional de Bordeaux soit condamné à réparer le préjudice subi à la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée dans ce centre ;
2°) de condamner le centre hospitalier régional de Bordeaux à lui verser une indemnité de 1 930 000 F ;
3°) de con

damner le centre hospitalier régional de Bordeaux au versement d'une somme de 10 ...

Vu la requête enregistrée le 22 juillet 1999 au greffe de la cour, présentée pour M. Jamal X..., demeurant à Ambarès (Gironde) ;
M. X... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 20 avril 1999 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier régional de Bordeaux soit condamné à réparer le préjudice subi à la suite de l'intervention chirurgicale pratiquée dans ce centre ;
2°) de condamner le centre hospitalier régional de Bordeaux à lui verser une indemnité de 1 930 000 F ;
3°) de condamner le centre hospitalier régional de Bordeaux au versement d'une somme de 10 000 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2002 :
- le rapport de M. de Malafosse ;
- les observations de Maître Coulaud, avocat de M. X... ;
- les observations de Maître Y..., collaborateur de Maître Le Prado, avocat du centre hospitalier régional de Bordeaux ;
- et les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;

Sur la faute :
Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité matérielle, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'une arthrodèse lombaire destinée à réduire un spondylolistésis, même effectuée dans les règles de l'art, entraîne, en l'absence de complications, une incapacité permanente partielle de l'ordre de 20%, et peut, dans certains cas, entraîner des complications infectieuses, ainsi que des complications neurologiques telles que le syndrome de la queue de cheval ; que ces risques doivent être portés à la connaissance du patient ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que M. X..., alors que rien n'y faisait obstacle, n'a pas été informé de ces risques avant d'être opéré, le 23 août 1988, au centre hospitalier régional de Bordeaux, en vue de la pose d'une ostéosynthèse destinée à réduire le spondylolistésis dont il était atteint ; que ce défaut d'information a constitué une faute susceptible d'engager la responsabilité du centre hospitalier régional de Bordeaux à l'égard de M. X... ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. X... au motif que le centre hospitalier n'avait commis aucune faute ;
Sur l'évaluation du préjudice de M. X... :
Considérant que la réparation du dommage résultant pour M. X... de la perte de chance de se soustraire au risque dont il n'a pas été informé et qui s'est réalisé doit être fixé à une fraction des différents chefs de préjudice subis ; que, compte tenu du rapprochement entre, d'une part, les risques connus inhérents à l'intervention pratiquée, d'autre part, l'important spondylolistésis dont était atteint M. X... et les douleurs lombaires qui en résultaient, cette part doit être fixée à 50 % ;
Considérant, en premier lieu, que les frais médicaux et d'hospitalisation supportés par la caisse et qui doivent être compris dans le préjudice global de M. X... comprennent, d'abord, les prestations en nature déjà versées, qui représentent, eu égard aux états détaillés établis par la caisse et joints à son mémoire enregistré au greffe de la cour le 9 avril 2001, la somme de 255 863,47 F, soit 39 006,13 euros ; qu'à ces frais doivent s'ajouter ceux entraînés par le renouvellement des chaussures orthopédiques nécessitées par l'état de M. X... qui doivent être évalués à la somme de 115 284, 40 F, soit 17 575 euros ; qu'en revanche, les frais futurs de soins ne présentent pas un caractère certain ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. X... ne justifie pas d'une perte de revenus, lors de sa période d'incapacité temporaire, supérieure au montant des indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde ; que le préjudice doit, par suite, être à ce titre évalué à la somme de 102 168,09 F, soit 15 575,42 euros ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'en raison de l'opération pratiquée le 23 août 1988, et notamment des complications de cette opération, M. X... est atteint de troubles importants de la marche, et la station debout lui est rendue pénible ; que l'expert commis en référé par le président du tribunal de grande instance de Bordeaux, dont le rapport a été déposé devant les premiers juges et qui a été ainsi soumis au contradictoire, a évalué à 66 % le taux d'incapacité permanente partielle, en relevant toutefois que cette incapacité permanente aurait été de 20 % en l'absence de complication ; que si M. X... invoque le retentissement professionnel de cette incapacité et s'il est vrai qu'il occupe désormais dans son entreprise un emploi de bureau au lieu de l'emploi de chauffeur routier qu'il y occupait auparavant, il ne fait pas état d'une perte de revenus liée à ce changement de fonctions, et son état de santé antérieur à l'opération rendait de toute façon improbable le maintien de ses fonctions de chauffeur routier ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence de M. X... résultant des complications post-opératoires de l'intervention du 23 août 1988 en fixant la somme destinée à les compenser à 60 000 euros, dont le tiers, soit 20 000 euros, représente la part non-physiologique de ces troubles ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il y a lieu d'évaluer le pretium doloris, qualifié de très important par l'expert, en prenant en considération notamment la deuxième opération du 31 août 1988 destinée à enlever l'appareil d'ostéosynthèse, les douleurs importantes dues à l'infection, au syndrome de la queue de cheval et à la longue rééducation fonctionnelle que M. X... a dû subir, à la somme de 30 000 euros ; que le préjudice esthétique, qualifié d'assez important par l'expert, et constitué principalement par des troubles très visibles de la marche, doit être évalué à 5 000 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant total du préjudice imputable à l'opération subie par M. X... le 23 août 1988 s'élève à 167 156,55 euros et que, compte tenu de la perte de chance, le préjudice indemnisable s'élève à la moitié de cette somme, soit 83 578,28 euros ;
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, qui a été mise en cause en première instance et a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier régional de Bordeaux à lui rembourser le montant de ses débours consécutifs aux complications de l'opération subie par M. X... et à qui le jugement du tribunal administratif de Bordeaux écartant toute responsabilité du centre hospitalier a été notifié le 26 mai 1999, n'a présenté devant la cour de conclusions tendant à ce que le centre hospitalier régional de Bordeaux soit condamné à lui rembourser le montant des sommes qu'elle a exposés en faveur de M. X... qu'après l'expiration du délai d'appel ; que ces conclusions sont tardives et, par suite, irrecevables ;
Sur les droits de M. X... :

Considérant qu'en dépit de l'irrecevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde tendant au remboursement des sommes exposées par elle, il y a lieu, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour fixer le montant de l'indemnité due à M. X..., de défalquer de la part de la condamnation mise à la charge du centre hospitalier régional de Bordeaux représentative de la réparation des atteintes à l'intégrité physique de la victime qui s'élève à 56 078,28 euros, le montant des sommes exposées par la caisse ; que l'indemnité à laquelle peut prétendre M. X... s'élève en conséquence à 27 500 euros ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. X... a droit, comme il l'a demandé en première instance, à ce que la somme qui lui est accordée porte intérêts à compter de la date de réception de sa demande préalable du 17 décembre 1993 ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu'eu égard à ce qui précède, les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde tendant à la condamnation du centre hospitalier au paiement de frais irrépétibles doivent être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le centre hospitalier régional de Bordeaux à verser à M. X... la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 20 avril 1999 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier régional de Bordeaux est condamné à verser à M. X... la somme de 27 500 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la réception par le centre hospitalier de la réclamation préalable de M. X... en date du 17 décembre 1993.
Article 3 : Le centre hospitalier régional de Bordeaux versera à M. X... la somme de 1000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde sont rejetées.


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