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22/04/2003 | FRANCE | N°00BX00143

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2eme chambre, 22 avril 2003, 00BX00143


Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires enregistrés au greffe de la cour respectivement le 21 janvier 2000, le 4 juillet 2000 et le 22 octobre 2002, présentés pour M. Henri X, demeurant ... ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre en date du 21 octobre 1999 en tant qu'il a limité à 160 000 F avec intérêts la somme que la région Guadeloupe a été condamnée à lui verser en réparation du préjudice subi du fait de la décision d'éviction illégale prise à son encontre le 5 novembre 1987 et du refu

s de réintégration qui lui a été ensuite opposé à plusieurs reprises ;

2°) de con...

Vu la requête sommaire et les mémoires complémentaires enregistrés au greffe de la cour respectivement le 21 janvier 2000, le 4 juillet 2000 et le 22 octobre 2002, présentés pour M. Henri X, demeurant ... ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre en date du 21 octobre 1999 en tant qu'il a limité à 160 000 F avec intérêts la somme que la région Guadeloupe a été condamnée à lui verser en réparation du préjudice subi du fait de la décision d'éviction illégale prise à son encontre le 5 novembre 1987 et du refus de réintégration qui lui a été ensuite opposé à plusieurs reprises ;

2°) de condamner la région Guadeloupe à lui verser la somme de 6 099 078 F en réparation de son préjudice, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable du 9 septembre 1994 ;

3°) de condamner la région Guadeloupe au paiement de la somme de 20 000 F en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

...................................................................................................................................................

Classement CNIJ : 36-13-03 C+

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2003 :

- le rapport de M. de Malafosse ;

- les observations de Maître Zironi, collaborateur de la société d'avocats Wagner, et de Maître de Poulpiquet, avocat de la région Guadeloupe ;

- les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'en relevant que M. X ne contestait pas, dans sa demande à fin de réparation du préjudice subi à raison de la décision illégale d'éviction prise à son encontre, l'insuffisance professionnelle dont faisait état cette décision, le tribunal administratif a pris en considération, en vue d'apprécier l'étendue du préjudice subi par l'intéressé, les éléments contenus dans cette demande, sans soulever un moyen d'office ; que, par suite, et bien que la région Guadeloupe n'ait pas invoqué l'absence de contestation par M. X de l'insuffisance professionnelle, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en relevant cet élément pour évaluer le préjudice de M. X ;

Au fond :

Considérant que M. X a été recruté comme agent permanent par la région Guadeloupe pour assurer les fonctions de chargé d'études en vertu d'un contrat passé le 24 août 1982, qui a été conclu pour une durée de 5 jours et 9 mois, renouvelable par tacite reconduction ; qu'un nouveau contrat a été passé le 28 décembre 1983 pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction, M. X devant assurer les fonctions de directeur du Plan et des affaires économiques ; que, par délibération du bureau du conseil régional en date du 31 août 1984, il a été précisé que M. X exercerait désormais les fonctions de directeur de cabinet de l'assemblée régionale ; qu'à la suite des élections régionales de mars 1986 qui ont entraîné un changement de majorité, M. X a été placé en congé spécial par décision du président du conseil régional du 24 mars 1986, puis par décision du 10 octobre 1986 mis à la disposition de la chambre d'agriculture ; que, par arrêté du 5 novembre 1987, le président du conseil régional de la Guadeloupe a résilié le contrat signé le 28 décembre 1983 à compter du 15 novembre 1987 pour abandon de poste et insuffisance professionnelle ; que, par un jugement du 31 janvier 1991 devenu définitif, le tribunal administratif de Basse-Terre, saisi par M. X, a annulé cet arrêté du 5 novembre 1987 aux motifs que la région n'avait pas, en ce qui concerne le motif tiré de l'insuffisance professionnelle, communiqué son dosser à l'intéressé, et, en ce qui concerne le motif d'abandon de poste, mis en demeure l'intéressé de rejoindre son poste ; que la région Guadeloupe ayant implicitement rejeté la demande de réintégration présentée par M. X à la suite de ce jugement, le tribunal administratif de Basse-Terre a, par un jugement du 20 décembre 1994 devenu définitif, annulé ce refus et précisé que l'exécution du jugement du 31 janvier 1991 comportait nécessairement l'obligation de rétablir l'intéressé dans les fonctions dont il avait été illégalement évincé ; que la région Guadeloupe a néanmoins persisté dans son refus de réintégration, ce qui a donné lieu à plusieurs décisions du Conseil d'Etat prononçant des astreintes à son encontre ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné la région à verser à M. X la somme de 160 000 F avec intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi tant en raison de son éviction illégale que du refus illégal de le réintégrer ; que l'appel de M. X tend au relèvement de cette indemnité ;

Considérant que la mesure d'éviction prise à l'encontre de M. X le 5 novembre 1987 a été prise sur une procédure irrégulière, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif dans son jugement susmentionné du 31 janvier 1991 ; qu'en outre, la région Guadeloupe n'a, ni devant le tribunal administratif ni devant la cour, apporté le moindre élément de nature à établir l'exactitude matérielle du grief d'insuffisance professionnelle dont faisait état cette décision d'éviction et la réalité de l'abandon de poste dont elle faisait également état ; que, dans ces conditions, M. X est fondé à soutenir que cette mesure d'éviction a non seulement été prise sur une procédure irrégulière mais est également dépourvue de justification ; qu'en outre, le requérant se heurte depuis de nombreuses années, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, à un refus systématique de la part de la région Guadeloupe d'exécuter les jugements du 31 janvier 1991 et du 20 décembre 1994 et ce, en dépit des mesures prises pour assurer cette exécution ;

Considérant, il est vrai, que la région Guadeloupe fait valoir que M. X n'était plus titulaire, lorsque la décision d'éviction a été prise, du contrat du 28 décembre 1983 auquel cette décision fait référence puisque ce contrat avait été précédemment rapporté par décision du président du conseil régional de la Guadeloupe en date du 29 octobre 1984 ; que toutefois, la circonstance que ce contrat ait été effectivement rapporté en 1984 est sans incidence sur la situation dont bénéficiait M. X à la date de son éviction, dès lors que ce retrait avait fait revivre le contrat du 24 août 1982, jamais dénoncé, et que ce contrat, qui recrutait M. X comme agent permanent pour une durée non contestée de cinq jours et neuf mois renouvelable par tacite reconduction, doit être regardé comme étant en réalité à durée indéterminée ; que, contrairement à ce que soutient en outre la région Guadeloupe, M. X, nommé en cours d'exécution de son contrat directeur de cabinet de l'assemblée régionale , ne relevait pas du champ d'application de l'article 110 de la loi du 26 janvier 1984, relatif aux collaborateurs de cabinet ;

Considérant, en premier lieu, que M. X a subi, du fait de son éviction illégale et du refus illégal de réintégration, une atteinte à sa réputation et des troubles dans ses conditions d'existence ; qu'il n'établit, en revanche, ni le lien de causalité directe entre les difficultés financières auxquelles il a été confronté et lesdites décisions, ni la réalité des pertes de chance d'obtenir un avancement ou d'intégrer l'école nationale d'administration par la voie interne ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par l'intéressé en lui accordant à ce titre une indemnité de 50 000 euros tous intérêts compris ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X a droit à la réparation du préjudice que lui a occasionné la privation des salaires qu'il aurait dû percevoir s'il n'avait pas été illégalement évincé ; qu'il n'est, en revanche, pas fondé à demander une indemnisation au titre des avantages en nature dont il bénéficiait dans ses fonctions dès lors que ces avantages sont liés à l'exercice effectif desdites fonctions ; qu'il n'est pas non plus fondé, alors qu'il demande l'octroi des intérêts sur l'indemnité globale qui lui sera accordée, à inclure dans son calcul de la perte de rémunération les intérêts au taux légal courant à compter des échéances de chaque salaire mensuel ; que le requérant évalue les pertes de salaires qu'il a subies à 2 780 759,54 F, soit 423 924 euros, cette somme étant calculée sur la période qui a couru de novembre 1987 à décembre 1995 ; que cette évaluation n'est pas contestée ; qu'il convient toutefois de déduire de cette somme de 423 924 euros les rémunérations que l'intéressé a perçues pendant ladite période et qu'il est seul en mesure de justifier ; qu'à cet égard, s'il a produit ses avis d'impôt sur le revenu afférents aux années 1993 à 1999, il n'a pas produit ceux afférents aux années 1987 à 1992 ; qu'il y a lieu, par suite, d'inviter M. X à produire, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, tous éléments permettant de connaître les rémunérations perçues par lui depuis le mois de novembre 1987 jusqu'au mois de décembre 1995 ;

D É C I D E :

Article 1er : En tant qu'elle répare le préjudice résultant de l'atteinte à sa réputation et de ses troubles dans ses conditions d'existence, l'indemnité que la région Guadeloupe a été condamnée à verser à M. X par le jugement attaqué est portée à la somme de 50 000 euros tous intérêts compris.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Basse-Terre en date du 21 octobre 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Avant dire droit sur les autres conclusions de M. X, il est procédé à un supplément d'instruction contradictoire à l'effet d'inviter le requérant à produire, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, tous éléments permettant de connaître les rémunérations perçues par lui depuis le mois de novembre 1987 jusqu'au mois de décembre 1995.

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00BX00143


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2eme chambre
Numéro d'arrêt : 00BX00143
Date de la décision : 22/04/2003
Sens de l'arrêt : Avant dire-droit
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BARROS
Rapporteur ?: M. DE MALAFOSSE
Rapporteur public ?: M. REY
Avocat(s) : SCP WAQUET FARGE HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2003-04-22;00bx00143 ?
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