Vu la requête enregistrée le 14 février 2000 au greffe de la cour administrative d'appel, présentée par M. Christophe X, demeurant 1... ; M. X demande que la cour :
1) annule le jugement en date du 9 novembre 1999 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser l'indemnité d'éloignement des départements d'outre-mer ;
2) condamne l'Etat à lui verser ladite indemnité avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 ;
Vu le code civil ;
Classement CNIJ : 36-08-03-02 C
46-01-09-06-04
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2003 :
- le rapport de Mme Jayat, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Boulard, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 53-1266 du 22 décembre 1953 : Les fonctionnaires de l'Etat qui recevront une affectation dans l'un des départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique ou de la Réunion, à la suite de leur entrée dans l'administration, d'une promotion ou d'une mutation et dont le précédent domicile était distant de plus de 3 000 km du lieu d'exercice de leurs nouvelles fonctions, percevront, s'ils accomplissent une durée minimum de services de quatre années consécutives, une indemnité dénommée indemnité d'éloignement des départements d'outre-mer non renouvelable ... ; que l'article 6 du même décret dispose : Les fonctionnaires de l'Etat domiciliés dans un département d'outre-mer, qui recevront une affectation en France métropolitaine à la suite de leur entrée dans l'administration, d'une promotion ou d'une mutation, percevront, s'ils accomplissent une durée minimum de service de quatre années consécutives en métropole, une indemnité d'éloignement non renouvelable ; qu'enfin, en application de l'article 7 de ce décret : Dans le cas où un même fonctionnaire de l'Etat serait amené à bénéficier de l'indemnité d'éloignement, successivement dans les conditions fixées par les articles 2, 3 ou 6 ci-dessus, il ne pourra, en toute hypothèse, percevoir plus de trois des versements fractionnés prévus pour le payement de ladite indemnité ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, si un fonctionnaire peut, au cours de sa carrière, être appelé à bénéficier plusieurs fois de l'indemnité d'éloignement, c'est à la condition que les séjours administratifs qui y donnent droit n'aient pas un caractère immédiatement successif, c'est à dire qu'ils soient séparés d'une période durant laquelle ledit fonctionnaire a, soit été affecté en un lieu qui, compte tenu de son domicile, n'était pas de nature à lui ouvrir droit à ladite indemnité, soit reçu une affectation en un autre lieu, à la condition qu'il n'ait pas perçu l'indemnité d'éloignement au titre de ce séjour ; que, toutefois, lorsqu'un fonctionnaire a effectué deux ou plusieurs séjours successifs dans un lieu de nature à lui ouvrir droit à l'indemnité, les dispositions de l'article 7 du décret du 22 décembre 1953 se bornent à exclure qu'il puisse au total percevoir plus de trois fractions de ladite indemnité ; qu'elles ne s'opposent pas à ce qu'un fonctionnaire, qui n'aurait perçu que deux fractions de l'indemnité d'éloignement au titre d'un premier séjour alors qu'il aurait pu prétendre à la totalité de l'indemnité, bénéficie d'une fraction de cette indemnité au titre d'un second séjour s'il remplit à nouveau les conditions requises à cet effet ;
Considérant que M. X, surveillant de l'administration pénitentiaire, originaire du département de la Martinique, s'est installé en métropole en 1976 pour y accomplir les obligations du service national ; qu'il y a été recruté le 14 septembre 1981 dans l'administration pénitentiaire et y a résidé continûment jusqu'au 6 octobre 1990, date à laquelle il a été muté en Martinique ; qu'il s'est marié en métropole, le 9 août 1986 et que ses trois enfants y sont nés ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce, et alors même qu'il a sollicité et obtenu à deux reprises un congé bonifié pour se rendre en Martinique et que sa mutation dans ce département est intervenue à sa demande, M. X doit être regardé comme ayant eu en métropole le centre de ses intérêts matériels et moraux à la date de sa mutation en Martinique ; qu'ainsi, il remplit les conditions pour obtenir, à l'occasion de cette dernière mutation, l'indemnité d'éloignement au titre de l'article 2 précité du décret du 22 décembre 1953 ;
Considérant que M. X a perçu les deuxième et troisième fractions de l'indemnité d'éloignement au titre de son affectation en métropole en 1981 mais non la première fraction, au paiement de laquelle l'administration a opposé la prescription quadriennale ; que son séjour en Martinique a immédiatement succédé au séjour en métropole au titre duquel il a perçu les deux dernières fractions de l'indemnité d'éloignement ; qu'il suit de là que, si les dispositions de l'article 7, qui limitent en toute hypothèse à trois versements fractionnés le paiement de l'indemnité d'éloignement en cas de séjours successifs, font obstacle à ce que M. X perçoive plus d'une fraction de l'indemnité attachée à sa mutation en Martinique le 6 octobre 1990, l'intéressé peut, en revanche, prétendre au versement d'une fraction de l'indemnité d'éloignement au titre de cette mutation ; que, par suite, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté dans son entier sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser l'indemnité sollicitée ;
Considérant qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. X une fraction de l'indemnité d'éloignement au titre de son affectation en Martinique ; que cette somme portera intérêts à compter de la date de réception par l'administration de la demande de l'intéressé en date du 17 décembre 1996 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 14 février 2000 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande, tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de ladite date ;
DECIDE :
Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. Christophe X une fraction de l'indemnité d'éloignement au titre de sa mutation en Martinique le 6 octobre 1990 assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'administration de la demande du requérant en date du 17 décembre 1996. Les intérêts échus à la date du 14 février 2000 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France en date du 9 novembre 1999 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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00BX00342