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17/06/2004 | FRANCE | N°02BX01940

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ere chambre - formation a 3, 17 juin 2004, 02BX01940


Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 17 septembre 2002 et 29 avril 2003 au greffe de la cour, présentés par Mme Veuve X Hammou demeurant ... ;

Elle demande que la cour :

1°) annule le jugement du 13 mars 2002 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre la décision du ministre de la défense en date du 5 juillet 1999 refusant de lui accorder la réversion de la pension qu'elle a sollicitée à raison du décès de son mari ;

2°) annule cette décision ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

V...

Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 17 septembre 2002 et 29 avril 2003 au greffe de la cour, présentés par Mme Veuve X Hammou demeurant ... ;

Elle demande que la cour :

1°) annule le jugement du 13 mars 2002 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre la décision du ministre de la défense en date du 5 juillet 1999 refusant de lui accorder la réversion de la pension qu'elle a sollicitée à raison du décès de son mari ;

2°) annule cette décision ;

..............................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite issu de la loi du 26 décembre 1964 ;

Vu le code de justice administrative ;

Classement CNIJ : 48-02-09-01 C

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 mai 2004 :

- le rapport de M. Desramé, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Bec, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X Hammou a été rayé des contrôles de l'armée le 25 juillet 1945, avec le garde de sergent, après avoir effectué 15 ans et 17 jours de services effectifs ; qu'en rémunération de ses services, une pension militaire de retraite lui a été concédée à compter de cette date au taux proportionnel en vigueur pour tous les agents ; que, toutefois, après qu'à la suite de l'accession de l'Algérie à l'indépendance il eut perdu la nationalité française, sa pension a, en application des dispositions de l'article 71 de la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959, été remplacée, à compter du 2 janvier 1975, par une indemnité insusceptible d'être revalorisée dans les conditions prévues par le code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu' à son décès, survenu le 5 mai 1999, sa veuve a demandé le bénéfice d'une pension de réversion de veuve ; que par une décision en date du 5 juillet 1999 le ministre de la défense lui a refusé le bénéfice d'une telle pension au double motif de la perte par la requérante de la nationalité française au 1er Janvier 1963 et de l'absence d'antériorité du mariage par rapport à la cessation d'activité du militaire ; que Mme Veuve X a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Poitiers qui, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande au motif que les dispositions de l'article L. 58 du code des pensions civiles et militaires de retraite faisaient obstacle à ce qu'une pension soit octroyée à une personne ayant perdu la qualité de français ;

Sur la recevabilité du moyen tiré devant la cour administrative d'appel de la méconnaissance des stipulations de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant que le moyen présenté en appel, tiré par Mme Veuve X de ce que les dispositions de l'article L. 58 du code des pensions militaires de retraite annexé à la loi du 26 décembre 1964 ne seraient pas compatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales procédait de la même cause juridique que les moyens développés devant le tribunal administratif, tirés l'un de ce que la durée des services de son mari dans l'armée française lui ouvraient droit à une pension de réversion et l'autre de la violation du décret n° 98-720 du 20 août 1998 qui mettaient également en cause la légalité interne de l'acte attaqué ; que dès lors le ministre de la défense n'est pas fondé à soutenir que ce moyen constitue une demande nouvelle irrecevable en appel ;

Sur les droits à pension de réversion de Mme Veuve X :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 58 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction issue de la loi du 26 décembre 1964, applicable au présent litige eu égard à la date du décès de l'ancien militaire : Le droit à l'obtention ou à la jouissance de la pension est suspendu : ... par les circonstances qui font perdre la qualité de français ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ratifiée par la France en application de la loi du 31 décembre 1973 et publiée au Journal officiel par décret du 3 mai 1974 : Les Hautes parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre 1 de la présente convention ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; qu'en vertu des stipulations de l'article 1er du 1er protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer 1'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ;

Considérant que les pensions sont des allocations pécuniaires, personnelles et viagères auxquelles donnent droit les services accomplis par les agents publics énumérés par cet article, jusqu'à la cessation régulière de leurs fonctions, que ces pensions constituent des créances qui doivent être regardées comme des biens au sens de l'article 1er, précité, du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;

Considérant qu'en l'espèce et quelle qu'ait pu être l'intention initiale du législateur manifestée dans les travaux préparatoires de ces dispositions, l'article L. 58 crée une différence de traitement entre les retraités en fonction de leur seule nationalité ; que la différence de situation existant entre d'anciens agents publics de la France selon qu'ils ont la nationalité française ou sont ressortissants d'Etats devenus indépendants, ne justifie pas, eu égard à l'objet des pensions de retraite, une différence de traitement ; que ces dispositions étant, de ce fait, incompatibles avec les stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Mme Veuve X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a jugé que ces dispositions législatives pouvaient justifier le refus opposé par le ministre de la défense à sa demande ;

Considérant toutefois que la décision du ministre était également fondée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus sur l'absence d'antériorité du mariage ; qu'il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner si ce second motif pouvait à lui seul légalement justifier la décision de refus opposée à Mme X ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 47 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction résultant de la loi du 26 décembre 1964 : Le droit à pension de veuve est subordonné à la condition : a) que depuis la date du mariage jusqu'à celle de la cessation de l'activité du mari, celui-ci ait accompli deux années au moins de services valables pour la retraite, sauf si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage antérieur à la dite cessation lorsque le mari a obtenu ou pouvait obtenir la pension prévue à l'article L. 6 1°) et qu'en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 39 du même code, rendu applicable aux pensions militaires en vertu du premier alinéa de l'article L. 47, nonobstant les conditions d'antériorité prévues ci-dessus, le droit à pension de veuve est reconnu : 1°) si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage, 2°) si le mariage, antérieur ou postérieur à la cessation de l'activité, a duré au moins quatre années ; que les conditions d'ouverture du droit à pension de veuve ayant un caractère impératif, le ministre n'exerce aucun pouvoir d'appréciation sur leur application ;

Considérant que le sergent SAFFARI a été rayé des cadres de l'armée le 25 juillet 1945 ; que si son mariage avec la requérante n'a été célébré que le 6 novembre 1972, six enfants sont issus de ce mariage qui s'est prolongé jusqu'au décès du requérant le 5 mai 1999, soit pendant plus de 4 années ; que dès lors c'est par une inexacte application des dispositions précitées que le ministre de la défense a également rejeté pour ce second motif la demande de pension présentée par Mme Veuve X ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme Veuve X HAMMOU est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 5 juillet 1999, par laquelle le ministre de la défense lui a refusé le bénéfice d'une pension de réversion ;

DÉCIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 13 mars 2002, ensemble la décision du ministre de la défense en date du 5 juillet 1999 sont annulés.

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02BX01940


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 02BX01940
Date de la décision : 17/06/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Composition du Tribunal
Président : M. CHOISSELET
Rapporteur ?: M. Jean-François DESRAMÉ
Rapporteur public ?: M. BEC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2004-06-17;02bx01940 ?
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