La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/11/2004 | FRANCE | N°00BX02757

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ere chambre - formation a 3, 04 novembre 2004, 00BX02757


Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2000 au greffe de la Cour, présentée par Mme veuve X Benaouda élisant domicile ... ;

Mme veuve X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99955 du 22 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense en date du 1er avril 1999 rejetant sa demande de pension de réversion ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ; ou de décider qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêté ;

................

...............................................................................................

Vu la requête, enregistrée le 29 novembre 2000 au greffe de la Cour, présentée par Mme veuve X Benaouda élisant domicile ... ;

Mme veuve X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 99955 du 22 juin 2000 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense en date du 1er avril 1999 rejetant sa demande de pension de réversion ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ; ou de décider qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêté ;

.............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le Pacte international de New-York relatif aux droits civils et politiques ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 octobre 2004 :

- le rapport de Mme Hardy, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Bec, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 58 du code des pensions civiles et militaires de retraite : Le droit à l'obtention ou à la jouissance de la pension et de la rente viagère d'invalidité est suspendu : Par la révocation avec suspension des droits à pension ; Par la condamnation à la destitution prononcée par application du code de justice militaire ou maritime ; Par la condamnation à une peine afflictive ou infamante pendant la durée de la peine ; Par les circonstances qui font perdre la qualité de Français durant la privation de cette qualité... ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'une pension de retraite proportionnelle a été concédée en 1990 à M. X, sergent de l'armée française, à l'issue de 15 ans, 10 mois et 25 jours de services militaires effectifs ; qu'après son décès survenu le 30 décembre 1998, son épouse née Ali a demandé à bénéficier de la pension de réversion prévue par les dispositions de l'article L. 47 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que, par une décision du 1er avril 1999, le ministre de la défense a rejeté cette demande en application de l'article L. 58 précité au motif que Mme X avait perdu la nationalité française à la suite de l'accession de l'Algérie à l'indépendance ;

Considérant que pour demander l'annulation de cette décision Mme X soutient que les dispositions de l'article L. 58 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dont il lui a été fait application, sont incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention et de l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1996 ; que le moyen ainsi soulevé dans un mémoire complémentaire enregistré le 20 mars 2002 se rattache à la même cause juridique que celui présenté en première instance et tiré de l'erreur de droit ; que, par suite, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'est pas fondé à soutenir que ce moyen constituerait une demande nouvelle irrecevable ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ratifiée par la France en application de la loi du 31 décembre 1973 et publiée au Journal officiel par décret du 3 mai 1974 : Les Hautes parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre 1 de la présente convention ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; qu'en vertu des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite : La pension est une allocation pécuniaire, personnelle et viagère accordée aux fonctionnaires civils et militaires et, après leur décès, à leurs ayants cause désignés par la loi, en rémunération des services qu'ils ont accomplis jusqu'à la cessation régulière de leurs fonctions. Le montant de la pension, qui tient compte du niveau, de la durée et de la nature des services accomplis, garantit en fin de carrière à son bénéficiaire des conditions matérielles d'existence en rapport avec la dignité de sa fonction ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 38 et L. 47 du même code, le conjoint survivant non séparé de corps d'un militaire peut, sous les réserves et dans les conditions prévues par ces articles, prétendre à 50 pour cent de la pension obtenue par lui ; que, dès lors, les pensions de réversion constituent des créances qui doivent être regardées comme des biens au sens de l'article 1er, précité, du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;

Considérant que les pensions de retraite constituent, pour les agents publics, une rémunération différée destinée à leur assurer, ou à assurer à leurs ayants cause, des conditions matérielles de vie en rapport avec la dignité des fonctions passées de ces agents ; que, par suite, la perte collective de la nationalité française survenue pour les pensionnés ou leurs ayants cause à l'occasion de l'accession à l'indépendance d'Etats antérieurement rattachés à la France ne peut être regardée comme un critère objectif et rationnel en rapport avec les buts du régime des pensions des agents publics, de nature à justifier une différence de traitement ; que les dispositions précitées de l'article L. 58 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peuvent donc être regardées comme compatibles avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en tant qu'elles n'excluent pas, pour l'application de cet article, le cas d'une perte collective de nationalité à l'occasion d'un transfert de la souveraineté sur un territoire ; que, dès lors, cet article ne pouvait justifier le refus opposé par le ministre de la défense à la demande de pension de réversion présentée par Mme X ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre la décision du ministre de la défense en date du 1er avril 1999 rejetant sa demande de pension de réversion ; qu'il y a lieu, par suite, de renvoyer Mme X devant le ministre de la défense pour être procédé à la liquidation de la pension demandée ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 22 juin 2000, ensemble la décision du ministre de la défense en date du 1er avril 1999, sont annulés.

Article 2 : Mme X est renvoyée devant le ministre de la défense afin qu'il soit procédé à la liquidation de la pension de réversion à laquelle elle a droit.

4

00BX02757


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. CHOISSELET
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: M. BEC
Avocat(s) : KUZNIK

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ere chambre - formation a 3
Date de la décision : 04/11/2004
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 00BX02757
Numéro NOR : CETATEXT000007507935 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2004-11-04;00bx02757 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award