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14/12/2004 | FRANCE | N°00BX01383

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3eme chambre (formation a 3), 14 décembre 2004, 00BX01383


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 20 juin 2000, présentée pour la COMMUNE DE KOUROU, représentée par son maire en exercice, par Me Angèle X... ;

La COMMUNE DE KOUROU demande à la Cour :

- d'annuler le jugement en date du 11 avril 2000 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande ;

- de faire droit à sa demande de première instance tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 35 049 712 F en réparation du préjudice subi par la commune du fait de la carence des services de l'Etat dans l'établissement de l

'assiette des impôts locaux et la somme de 50 000 000 F en réparation du préjudic...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 20 juin 2000, présentée pour la COMMUNE DE KOUROU, représentée par son maire en exercice, par Me Angèle X... ;

La COMMUNE DE KOUROU demande à la Cour :

- d'annuler le jugement en date du 11 avril 2000 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande ;

- de faire droit à sa demande de première instance tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 35 049 712 F en réparation du préjudice subi par la commune du fait de la carence des services de l'Etat dans l'établissement de l'assiette des impôts locaux et la somme de 50 000 000 F en réparation du préjudice subi de 1990 à 1996 du fait des pertes de recettes de taxe d'habitation et de taxe professionnelle, lesdites sommes étant assorties des intérêts légaux à compter du 2 juin 1997 ;

- de condamner l'Etat à lui verser la somme de 70 000 F au titre des frais exposés en première instance et en appel, sur le fondement de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 novembre 2004,

le rapport de Mme Texier ;

les observations de Me Y... représentant la COMMUNE DE KOUROU

et les conclusions de Mme Boulard, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la COMMUNE DE KOUROU sollicite la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice financier qu'elle estime avoir subi entre le 1er janvier 1990 et le 31 décembre 1996 en raison des carences qu'elle impute à l'administration fiscale dans l'établissement de l'assiette des impôts locaux, en lui versant les sommes respectives de 35 049 712 F au titre des recettes dont elle soutient avoir été privée au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties et de 50 000 000 F au titre des recettes dont elle soutient également avoir été privée au titre de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant que l'article 1649 decies du code général des impôts dispose : Dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion, il est procédé, aux frais de l'Etat, à l'établissement et à la conservation d'un cadastre parcellaire, destiné à servir de support aux évaluations à retenir pour l'assiette de la contribution foncière des propriétés bâties, de la contribution foncière des propriétés non bâties, et des taxes annexes à ces contributions ;

Considérant que les carences ou les erreurs de l'administration fiscale dans l'exécution des opérations qui se rattachent aux procédures d'établissement ou de recouvrement de l'impôt, dont font partie les opérations d'établissement et de conservation d'un cadastre parcellaire destinées à servir de support aux évaluations à retenir pour l'assiette foncière des impôts locaux, ne sont, en principe, susceptibles, en raison de la difficulté que présente la mise en oeuvre de ces procédures, d'engager la responsabilité de l'Etat que si elles constituent une faute lourde ; qu'il n'en va différemment que lorsque l'appréciation de la situation du ou des contribuables ne comporte pas de difficultés particulières ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de KOUROU a connu, au cours des années en cause, une extension urbaine et une croissance démographique rapides résultant notamment du développement des activités de l'Agence spatiale européenne ; qu'eu égard au nombre des immeubles à recenser dans une zone d'aménagement concertée comportant des lotissements nouveaux, aux déplacements de population intervenus entre 1990 et 1995, aux constructions anarchiques et à la méconnaissance fréquente de leurs obligations déclaratives en matière d'urbanisme par les propriétaires, les opérations nécessaires à l'établissement de l'assiette des impôts locaux sur le territoire de la COMMUNE DE KOUROU présentaient des difficultés particulières ; que, dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la responsabilité de l'Etat ne pouvait être engagée que si les carences de l'administration fiscale dans la mise en oeuvre de ces opérations présentaient le caractère d'une faute lourde ;

Considérant qu'il résulte également de l'instruction que le cadastre est resté à l'abandon depuis 1990 ; que, dès 1994, la COMMUNE DE KOUROU, qui a fait procéder à la vérification des matrices cadastrales, a relevé de nombreuses anomalies tenant, d'une part, à ce que des propriétés étaient imposées à tort au nom de la commune et, d'autre part, à ce que de nombreux logements, occupés depuis plusieurs années, n'avaient pas été recensés et échappaient ainsi à leur assujettissement à la taxe foncière sur les propriétés bâties ; qu'elle a, en conséquence, attiré l'attention de l'administration fiscale sur cette situation et les conséquences en résultant pour les finances locales, en donnant à plusieurs reprises des indications permettant d'identifier avec précision les immeubles et les logements en cause ; que si l'administration fiscale a procédé à plusieurs dégrèvements importants au bénéfice de la commune pour les immeubles qui avaient été imposés à tort à son nom, et si plus de 1 000 logements ont été réintégrés dans la base imposable entre 1994 et 1996, il est constant que les opérations de mise à jour du cadastre n'ont été réalisées, pour l'essentiel, que dans le courant de l'année 1997 et qu'il n'a été procédé que très partiellement à l'émission des rôles complémentaires qui aurait dû en résulter ; que, eu égard à leur ampleur, les défaillances constatées dans la mise en oeuvre des procédures d'établissement de l'assiette des impôts révèlent une carence de l'administration fiscale dans les obligations qui lui incombent, laquelle est constitutive d'une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de la commune de KOUROU ; que, par suite, celle-ci est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cayenne a rejeté sa demande ;

Considérant qu'il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur le préjudice dont la COMMUNE DE KOUROU demande réparation ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, que la COMMUNE DE KOUROU s'est bornée, dans sa réclamation préalable, à solliciter la réparation du seul préjudice résultant de la privation de recettes au titre de la taxe foncière ; que les conclusions tendant à la réparation du préjudice résultant de la perte de recettes au titre de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle, qui constitue un chef de préjudice distinct, ne sont assorties d'aucune justification de nature à permettre d'en apprécier le quantum ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, les conclusions présentées à ce titre ne sont pas fondées et doivent être rejetées ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du courrier adressé le 23 décembre 1996 par la COMMUNE DE KOUROU au directeur des services fiscaux de la Guyane, et qu'il n'est pas sérieusement contesté, que les pertes de recettes subies par la commune au titre de la taxe foncière sur les propriétés bâties consécutives aux carences de l'administration fiscale peuvent être évaluées, pour les années 1990 à 1996, à la somme de 23 231 489 F ; que, dans le courrier précité du 23 décembre 1996, la COMMUNE DE KOUROU admettait que ces chiffres devaient être corrigés des régularisations effectuées en 1996 ; qu'il n'est pas contesté qu'il a été procédé à l'émission de rôles complémentaires pour un montant de 6 776 085 F ; que, par suite, l'Etat doit être condamné à verser à la COMMUNE DE KOUROU une somme de 16 455 404 F, soit 2 508 610 euros ;

Sur les intérêts :

Considérant que la COMMUNE DE KOUROU a droit aux intérêts sur la somme due à compter de la date de réception par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de sa demande en date du 2 juin 1997 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à payer à la COMMUNE DE KOUROU une somme de 1 300 euros au titre des frais exposés par elle, tant en première instance qu'en appel, et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cayenne en date du 11 avril 2000 est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à la COMMUNE DE KOUROU une somme de 16 455 404 F, soit 2 508 610 euros , qui portera intérêts au taux légal à compter de la réception par l'administration de la demande du 2 juin 1997.

Article 3 : L'Etat versera à la COMMUNE DE KOUROU une somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

2

No 00BX01383


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 00BX01383
Date de la décision : 14/12/2004
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MADEC
Rapporteur ?: Mme Marie-Jeanne TEXIER
Rapporteur public ?: Mme BOULARD
Avocat(s) : LOUVIERS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2004-12-14;00bx01383 ?
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