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07/04/2005 | FRANCE | N°05BX00242

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, Juge des reconduites a la frontiere, 07 avril 2005, 05BX00242


Vu l'ordonnance en date du 5 janvier 2005, enregistrée le 7 février 2005, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour la requête présentée par le PREFET de la HAUTE-VIENNE ;

Vu le recours du PREFET de la HAUTE-VIENNE, enregistré le 4 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le PREFET de la HAUTE-VIENNE demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0401347 du 2 décembre 2004 par lequel le président du Tribunal administratif de Limoges a annulé ses arrêtés en date du 15 novembre 2004 ordonnant la recondui

te à la frontière de M. Lansana X et fixant le pays de renvoi ;

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Vu l'ordonnance en date du 5 janvier 2005, enregistrée le 7 février 2005, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis à la Cour la requête présentée par le PREFET de la HAUTE-VIENNE ;

Vu le recours du PREFET de la HAUTE-VIENNE, enregistré le 4 janvier 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le PREFET de la HAUTE-VIENNE demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0401347 du 2 décembre 2004 par lequel le président du Tribunal administratif de Limoges a annulé ses arrêtés en date du 15 novembre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Lansana X et fixant le pays de renvoi ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2005 :

- le rapport de Mme Erstein, président rapporteur ;

- et les conclusions de M. Chemin, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité du recours :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-20 du code de justice administrative : Le délai d'appel est d'un mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues à l'article R. 776-17, troisième alinéa ; que le troisième alinéa de l'article R. 776-17 prévoit que : La notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée ;

Considérant que si un exemplaire du jugement a été transmis par télécopie au préfet de la HAUTE-VIENNE le 2 décembre 2004 il ne ressort pas des pièces du dossier que cette notification comportait les mentions exigées par les dispositions précitées ; que cette transmission n'a donc pas fait courir le délai d'appel ; qu'en revanche, le préfet a reçu le 6 décembre 2004 l'original du jugement, avec mention du délai d'appel ; que le recours, enregistré le 4 janvier 2005, n'était donc pas tardif, alors même qu'il a été présenté devant le Conseil d'Etat et non directement devant la Cour ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'après être entré irrégulièrement en France en novembre 2001, à l'âge de 37 ans, M. X s'est marié avec une ressortissante française en décembre 2003 ; que, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment du caractère très récent de son mariage à la date des décisions attaquées, ainsi que des conditions de séjour sur le territoire français, qui n'ont pu, en outre, lui permettre de nouer à nouveau des liens solides avec les quelques membres de sa famille résidant en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière n'a pas porté à M. X une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont l'interprétation par la Cour de justice européenne, à la supposer différente de cette appréciation, ne saurait lier les juridictions des Etats-membres, s'agissant de prescriptions étrangères au traité instituant la Communauté européenne ; qu'il suit de là que le PREFET de la HAUTE-VIENNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le président du Tribunal administratif de Limoges s'est fondé sur la méconnaissance desdites stipulations qu'il aurait commise, en édictant l'arrêté décidant la reconduite à la frontière de M. X, pour en prononcer l'annulation et, par voie de conséquence, celle de l'arrêté du même jour fixant le pays de renvoi ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Limoges ;

Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision, dont l'annulation est demandée, est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation de visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité sénégalaise, est entré en France muni d'un passeport comportant, selon ses propres déclarations, un faux visa ; qu'en outre, il s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 10 juin 2004, de la décision du 8 juin 2004 du PREFET de la HAUTE-VIENNE, confirmée le 15 juillet 2004, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application à la fois du 2° et du 3° du paragraphe I de l'article 22 précité ; que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé qui, visant le 2° et mentionnant la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, n'est ainsi entachée d'aucune erreur de droit ;

Considérant que les arrêtés contestés du 15 novembre 2004 sont signés par le secrétaire général de la préfecture, dûment habilité par arrêté du 2 août 2004, régulièrement publié ;

Considérant que selon l'article 12 de la convention déjà citée : A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l'exercice de ce droit ; que lesdits arrêtés, qui n'ont eu ni pour objet ni pour effet d'interdire à M. X de se marier, n'ont pas méconnu le droit au mariage affirmé par ces stipulations, lesquelles n'autorisent pas davantage les époux à choisir librement le lieu de leur résidence commune ;

Considérant que la décision du 8 juin 2004, refusant la délivrance à M. X d'un titre de séjour, est signée par le secrétaire général de la préfecture, dûment habilité par arrêté du 14 avril 2003, régulièrement publié ;

Considérant que l'article 12 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige dispose que : Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...). La commission est saisie par le préfet... lorsque celui-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article 12 bis ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné à l'article 15... ; qu'il résulte de ces dispositions, que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles 12 bis et 15 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;

Considérant que l'article 12 bis alors en vigueur vise notamment, en son 4°, l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que la communauté de vie n'ait pas cessé , en son 7°, l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; que l'article 15 applicable en l'espèce concerne en particulier, en son 1°, l'étranger marié depuis au moins deux ans avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X n'est pas entré en France dans des conditions régulières et était marié depuis moins de deux ans avec une personne de nationalité française quand la délivrance d'un titre de séjour lui a été refusée ; qu'en outre, pour les motifs précédemment exposés, le refus d'autoriser son séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de cette décision ; que M. X ne remplissait ainsi aucune des conditions prévues par les articles 12 bis et 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ; que M. et Mme X ne sont donc pas fondés à soutenir que le PREFET de la HAUTE-VIENNE était tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de prendre la décision du 8 juin 2004, et qu'ainsi cette décision serait intervenue en méconnaissance des dispositions précitées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET de la HAUTE-VIENNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Limoges a annulé ses arrêtés en date du 15 novembre 2004 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X et fixant le pays de renvoi ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que la présente décision, qui annule le jugement du tribunal en ce qu'il a fait droit aux conclusions aux fins d'annulation de la demande de M. et Mme X, implique que soit également annulée l'injonction prononcée par le premier juge, ordonnant au PREFET de la HAUTE-VIENNE de procéder à un nouvel examen de la situation de M. X ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. et Mme X demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 2 décembre 2004 du Tribunal administratif de Limoges est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Limoges et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 05BX00242


Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Lucienne ERSTEIN
Rapporteur public ?: M. CHEMIN
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : Juge des reconduites a la frontiere
Date de la décision : 07/04/2005
Date de l'import : 05/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 05BX00242
Numéro NOR : CETATEXT000007507626 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2005-04-07;05bx00242 ?
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