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12/07/2005 | FRANCE | N°05BX01041

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2eme chambre (formation a 3), 12 juillet 2005, 05BX01041


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 24 mai 2005 sous le n° 05BX01041, présentée pour Mme Elmedina X, élisant domicile ..., par Me Pierre-Marie Bonneau, avocat au barreau de Toulouse ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-1012 en date du 15 mars 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mars 2005 du préfet de Tarn-et-Garonne décidant qu'elle serait reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant l

a Suède comme pays à destination duquel l'intéressée serait reconduite ;

2°) d'an...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 24 mai 2005 sous le n° 05BX01041, présentée pour Mme Elmedina X, élisant domicile ..., par Me Pierre-Marie Bonneau, avocat au barreau de Toulouse ;

Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 05-1012 en date du 15 mars 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mars 2005 du préfet de Tarn-et-Garonne décidant qu'elle serait reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant la Suède comme pays à destination duquel l'intéressée serait reconduite ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 794 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2005,

le rapport de M. Leplat, président de chambre ;

et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X, ressortissante bosniaque, a demandé, le 15 décembre 2004, aux services de la préfecture de Tarn-et-Garonne, son admission au séjour en France en qualité de demandeur d'asile ; qu'il n'est pas contesté qu'elle avait présenté, le 21 avril 2004, une demande d'asile aux autorités suédoises ; qu'après avoir pris l'attache de ces autorités, le préfet de Tarn-et-Garonne a, par arrêté en date du 11 mars 2005 décidé que l'intéressée serait reconduite à la frontière a destination de la Suède ; que Mme X demande l'annulation du jugement en date du 15 mars 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Par dérogation aux articles L .213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-2 à L. 512-5, L. 513-1 et L. 513-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 212-1, L. 212-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des convention internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. L'étranger visé au premier alinéa est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'Etat. Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis à même de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. » ; qu'aux termes de l'article L. 531-2 du même code : « Les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables, sous la réserve mentionnée à l'avant dernier alinéa de l'article L. 741-4, à l'étranger qui demande l'asile, lorsqu'en application des dispositions des convention internationales conclues avec les Etats membres de l'Union européenne l'examen de cette demande relève de la responsabilité de l'un de ces Etats… » ;

Considérant qu'en vertu du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile peut être refusée notamment si l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat, en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ce règlement avec d'autres Etats ; que le règlement susmentionné pose en principe qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre ; que cet Etat est déterminé à l'aide des critères fixés par ce texte ; que l'examen de la demande d'asile ne doit pas être confondu avec la procédure de détermination de l'Etat responsable ; que cette détermination se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur d'asile a présenté sa demande pour la première fois auprès d'un Etat membre ; que la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile fait intervenir prioritairement, en vertu des articles 6, 7 et 8 du règlement, l'Etat où résident déjà en qualité de réfugié politique des membres de la famille du demandeur puis, successivement et selon les articles 9, 10 à 12 et 13 du même règlement, le critère de l'Etat qui a délivré au demandeur un titre de séjour ou un visa, celui de l'Etat par lequel le demandeur est entré, régulièrement ou non, sur le territoire de l'un ou l'autre des Etats membres de l'Union européenne, et à défaut, celui auprès duquel la demande d'asile a été présentée en premier ; qu'aux termes de l'article 16 dudit règlement : «1 - L'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile en vertu du présent règlement est tenu de : …e) reprendre en charge, dans les conditions prévues à l'article 20, le ressortissant d'un pays tiers dont il a rejeté la demande et qui se trouve, sans en avoir reçu la permission, sur le territoire d'un autre Etat membre… 3 - Les obligations prévues au paragraphe 1 cessent si le ressortissant d'un pays tiers a quitté le territoire des Etats membres pendant une durée d'au moins trois mois, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par l'Etat membre responsable. 4 - Les obligations prévues au 1, points d) et e), cessent également dès que l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile a pris et effectivement mis en oeuvre, à la suite du retrait ou du rejet de la demande d'asile, les dispositions nécessaires pour que le ressortissant d'un pays tiers se rende dans son pays d'origine ou dans un autre pays où il peut légalement se rendre. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les autorités suédoises compétentes en matière d'immigration ont, par une décision du 17 février 2005, accepté de reprendre en charge l'examen de la demande d'asile de la requérante, en application de l'article 16, paragraphe 1, sous e), du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; qu'ainsi qu'il a également été dit ci-dessus, Mme X avait présenté une demande d'asile en Suède et, que ce soit en vertu des dispositions de l'article 9 dudit règlement ou de celles de l'article 10 de ce règlement, que cet Etat devait être regardé comme l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile ; que si elle soutient qu'elle est retournée en Bosnie-Herzégovine, après le rejet de cette demande d'asile, elle indique elle-même que ce retour se serait effectué au mois d'octobre 2004 ; qu'ainsi et compte tenu de la date de son entrée en France, au plus tard le 15 décembre 2004, elle ne peut être regardée comme ayant quitté le territoire des Etats membres pendant une durée d'au moins trois mois ; qu'elle soutient également que les décisions du 15 juin et du 21 juillet 2004 des autorités suédoises compétentes en matière d'immigration, dont elle produit une copie qui n'est accompagnée que d'une traduction qui n'apparaît pas complète et qui n'a pas été effectuée par un interprète-traducteur agréé, a eu pour effet de dessaisir ces autorités de la responsabilité de l'examen de sa demande ; mais qu'elle n'apporte aucun élément de nature a établir que cette décision mettrait un terme à l'examen de sa demande d'asile, au sens que lui donne le e) de l'article 2 du règlement susmentionné ou que ce serait celle par laquelle, en vertu des dispositions précitées du paragraphe 4 de l'article 16 de ce règlement, les dispositions nécessaires pour que le ressortissant d'un pays tiers se rende dans son pays d'origine auraient été prises par les autorités suédoises compétentes en matière d'immigration ; qu'ainsi et en tout état de cause, la décision susmentionnée du 17 février 2005, par laquelle ces autorités ont accepté de reprendre en charge l'examen de la demande d'asile de la requérante, n'est pas clairement contraire aux dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; qu'enfin, si Mme X invoque les événements nouveaux qui se seraient produits durant son séjour en Bosnie-Herzégovine, elle n'établit ni même n'allègue qu'ils seraient constitutifs de circonstances de nature à faire regarder comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation l'abstention des autorités françaises compétentes à mettre en oeuvre la dérogation prévue au dernier alinéa de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour statuer sa demande d'asile ; que, dès lors, le préfet de Tarn-et-Garonne pouvait légalement décider de prendre, à l'encontre de Mme X, une mesure d'éloignement ;

Considérant, toutefois, que, pour prendre cette mesure d'éloignement en vue de remettre l'intéressée aux autorités suédoises compétentes pour l'examen de sa demande d'asile, le préfet de Tarn-et-Garonne a pris l'arrêté de reconduite à la frontière contesté sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que, ainsi qu'il résulte de ce qui précède, sa situation entrait dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les dispositions de l'article L. 531-1 du même code, auxquelles renvoient celles de son article L. 531-2, prévoient expressément que ne sont notamment pas applicables les dispositions des articles L. 512-2 à L. 512-5 de ce code, relatives aux règles de contrôle juridictionnel auxquelles sont soumis les arrêtés de reconduite à la frontière ; que, dès lors, la mesure d'éloignement litigieuse, qui n'avait pas d'autre objet que la remise de la requérante à la disposition des autorités suédoises, ne pouvait, nonobstant la circonstance qu'elle a été prise sous la forme d'un arrêté de reconduite à la frontière, faire l'objet que d'une demande d'annulation devant le juge administratif de droit commun ; qu'ainsi, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse n'était pas compétent pour statuer sur la demande de Mme X ; que son jugement doit, par suite, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme X ;

Considérant que si, ainsi qu'il a été dit précédemment, le préfet de Tarn-et-Garonne pouvait légalement décider de prendre, à l'encontre de Mme X, une mesure d'éloignement sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce fondement ne peut être substitué aux dispositions du 1° de l'article L. 511-1 du même code, qui a servi de base légale à l'arrêté contesté, dès lors, notamment en ce qui concerne la possibilité pour elle de présenter ses observations avant que la mesure puisse être exécutée d'office, qu'une telle substitution pourrait avoir pour effet de priver l'intéressée des garanties de procédure prévues par les dispositions précitées de l'article L. 531-1 de ce code ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de sa requête, Mme X est fondée à demander l'annulation du jugement en date du 15 mars 2005 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse et de l'arrêté du 11 mars 2005 du préfet de Tarn-et-Garonne, ainsi que, par voie de conséquence, de la décision distincte du même jour fixant le pays de renvoi ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle :

Considérant que Mme X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bonneau, avocat de Mme X, renonce à percevoir la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier, pour le compte de Me Bonneau, la somme de 650 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 15 mars 2005 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : L'arrêté en date du 11 mars 2005 du préfet de Tarn-et-Garonne et sa décision du même jour, décidant que Mme Elmedina X serait éloignée à destination de la Suède sont annulés.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 650 euros à Me Pierre-Marie Bonneau, avocat de Mme Elmedina X, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ledit avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

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No 05BX01041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 05BX01041
Date de la décision : 12/07/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LEPLAT
Rapporteur ?: M. Bernard LEPLAT
Rapporteur public ?: M. PEANO
Avocat(s) : BONNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2005-07-12;05bx01041 ?
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