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21/07/2005 | FRANCE | N°02BX00872

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4eme chambre (formation a 3), 21 juillet 2005, 02BX00872


Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2002, présentée par Mme Kheira X, demeurant ... ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 002147 du 5 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 26 mai 2000 du ministre de la défense refusant de lui allouer une pension de réversion à raison du décès de son mari, survenu le 5 décembre 1999 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des d...

Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2002, présentée par Mme Kheira X, demeurant ... ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 002147 du 5 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 26 mai 2000 du ministre de la défense refusant de lui allouer une pension de réversion à raison du décès de son mari, survenu le 5 décembre 1999 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu la loi de finances rectificative du 30 décembre 2002, notamment son article 68 ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite, et notamment la loi n°'64-1339 du 26 décembre 1964 portant réforme dudit code ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juillet 2005 :

- le rapport de Mme Leymonerie, rapporteur ;

- les observations de Me Teynie, pour Mme X ;

- et les conclusions de M. Chemin, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, si Mme X a obtenu l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 décembre 2003, il n'est pas établi que cette décision ait été notifiée à l'intéressée dans les conditions prévues par l'article 39 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 et que celle-ci ait été expressément informée de la forclusion pouvant lui être opposée à l'expiration du nouveau délai suivant une telle notification ; que, dans ces conditions, aucune tardiveté ne peut être opposée aux moyens contenus dans le mémoire déposé pour la requérante le 14 octobre 2004, lequel a régularisé, si besoin était, la requête ;

Au fond :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 58 du code des pensions civiles et militaires de retraite : Le droit à l'obtention ou à la jouissance de la pension et de la rente viagère d'invalidité est suspendu : Par la révocation avec suspension des droits à pension ; Par la condamnation à la destitution prononcée par application du code de justice militaire ou maritime ; Par la condamnation à une peine afflictive ou infamante pendant la durée de la peine ; Par les circonstances qui font perdre la qualité de Français durant la privation de cette qualité... ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'une pension de retraite proportionnelle a été concédée en 1957 à M. Bachir X à l'issue de 19 ans de services militaires effectifs ; qu'après son décès survenu le 5 décembre 1999, son épouse a demandé à bénéficier d'une pension de réversion ; que, par une décision du 26 mai 2000, le ministre de la défense a rejeté cette demande en application de l'article L. 58 précité au motif que Mme X avait perdu la nationalité française à la suite de l'accession de l'Algérie à l'indépendance ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ratifiée par la France en application de la loi du 31 décembre 1973 et publiée au Journal officiel par décret du 3 mai 1974 : Les Hautes parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre 1 de la présente convention ; que selon l'article 14 de la même convention : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ; qu'en vertu des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite : La pension est une allocation pécuniaire, personnelle et viagère accordée aux fonctionnaires civils et militaires et, après leur décès, à leurs ayants cause désignés par la loi, en rémunération des services qu'ils ont accomplis jusqu'à la cessation régulière de leurs fonctions. Le montant de la pension, qui tient compte du niveau, de la durée et de la nature des services accomplis, garantit en fin de carrière à son bénéficiaire des conditions matérielles d'existence en rapport avec la dignité de sa fonction ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles L. 38 et L. 47 du même code, le conjoint survivant non séparé de corps d'un militaire peut, sous les réserves et dans les conditions prévues par ces articles, prétendre à la moitié de la pension obtenue par lui ; que, dès lors, les pensions de réversion constituent des créances qui doivent être regardées comme des biens au sens de l'article 1er, précité, du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations précitées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;

Considérant que les pensions de retraite constituent, pour les agents publics, une rémunération différée destinée à leur assurer, ou à assurer à leurs ayants cause, des conditions matérielles de vie en rapport avec la dignité des fonctions passées de ces agents ; que, par suite, la perte collective de la nationalité française survenue pour les pensionnés ou leurs ayants cause à l'occasion de l'accession à l'indépendance d'Etats antérieurement rattachés à la France ne peut être regardée comme un critère objectif et rationnel en rapport avec les buts du régime des pensions des agents publics, de nature à justifier une différence de traitement ; que les dispositions précitées de l'article L. 58 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peuvent donc être regardées comme compatibles avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en tant qu'elles n'excluent pas, pour l'application de cet article, le cas d'une perte collective de nationalité à l'occasion d'un transfert de la souveraineté sur un territoire ; que, dès lors, cet article ne pouvait justifier le refus opposé par le ministre de la défense à la demande de pension de réversion présentée par Mme X ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 26 mai 2000 ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 002147 du Tribunal administratif de Poitiers, en date du 5 décembre 2001, est annulé.

Article 2 : La décision du ministre de la défense en date du 26 mai 2000 est annulée.

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N° 02BX00872


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 02BX00872
Date de la décision : 21/07/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Composition du Tribunal
Président : Mme ERSTEIN
Rapporteur ?: Mme Françoise LEYMONERIE
Rapporteur public ?: M. CHEMIN
Avocat(s) : TEYNIE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2005-07-21;02bx00872 ?
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