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15/11/2005 | FRANCE | N°02BX01514

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3eme chambre (formation a 3), 15 novembre 2005, 02BX01514


Vu la requête enregistrée au greffe le 23 juillet 2002, présentée pour Mme Yolaine X, demeurant ..., par Me Lendres ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 mai 2002 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier de Niort soit condamné à lui verser la somme de 28 355,53 euros assortie des intérêts au taux légal ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Niort à lui verser la somme de 179 722,53 euros sous réserve de la déduction de la somme de 4 573,47 euros perçue à titre

de provision ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Niort la somme de...

Vu la requête enregistrée au greffe le 23 juillet 2002, présentée pour Mme Yolaine X, demeurant ..., par Me Lendres ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 mai 2002 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier de Niort soit condamné à lui verser la somme de 28 355,53 euros assortie des intérêts au taux légal ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Niort à lui verser la somme de 179 722,53 euros sous réserve de la déduction de la somme de 4 573,47 euros perçue à titre de provision ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Niort la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2005 :

- le rapport de M. Margelidon,

- les observations de Me Lendres, avocat de Mme X,

- les observations de Me Brossier, avocat du centre hospitalier de Niort,

- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X qui souffrait d'une déformation de l'ensemble des orteils associant un hallus valgus et des orteils en griffe, a été opérée du pied gauche au centre hospitalier de Niort le 16 janvier 1998 ; qu'à la suite de ladite opération, Mme X a présenté une déformation secondaire du gros orteil en hallus varus qui a conduit à la réalisation d'interventions chirurgicales itératives laissant persister des séquelles sur le plan morphologique et fonctionnel ; qu'elle fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de condamnation du centre hospitalier de Niort à réparer les conséquences dommageables de cette opération ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la requérante présentait avant l'opération une déformation importante et évolutive de l'avant-pied gauche ; qu'il ressort, notamment, du rapport de l'expert commis par les premiers juges que l'intervention réalisée le 16 janvier 1998 a consisté à supprimer le métatarsus varus par une ostéotomie du premier métatarsien, à corriger l'hallus vagus par une libération métatarso-phalangienne externe tendineuse et capsulaire ainsi que par une retension interne et un sanglage sésamoïdien ; qu'elle a, également, consisté à corriger les griffes d'orteil et les luxations métatarso-phalangiennes par des ostéotomies des métatarsiens et des allongements des tendons extenseurs ; qu'elle a, enfin, consisté à harmoniser la longueur des orteils et, notamment, à diminuer la longueur du premier orteil par une ostéotomie de raccourcissement ; que selon l'expert une telle intervention, longue et techniquement minutieuse, était appropriée compte tenu des déformations que présentait la patiente ; qu'elle doit être regardée comme ayant été exécutée selon les règles de l'art ; que la circonstance avérée que le praticien hospitalier qui a réalisé cette opération, par ailleurs spécialiste reconnu, ait dû cesser ses activités pour cause de maladie en juillet 1998 et soit décédé en janvier 1999, est en elle-même sans incidence ; que la circonstance que divers traitements et interventions chirurgicales pratiquées depuis aient tenté de remédier à la déformation secondaire qui s'est développée à la suite de ladite opération n'est pas, en soi, de nature à la faire regarder comme entachée d'une faute médicale ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'opération du 16 janvier 1998 la patiente a présenté des problèmes cicatriciels qui ont nécessité de nombreux soins et qui ont duré 5 mois ; qu'il résulte également de l'instruction que des prélèvements n'ont été réalisés qu'à l'occasion de l'intervention chirurgicale du 5 novembre 1998, lesquels ont mis en évidence une inflammation qui a alors été effectivement traitée ; que, cependant, dès le 16 avril, devant la persistance du problème, la patiente a été examinée par un spécialiste qui a préconisé une cicatrisation dirigée ; que l'os n'a présenté aucune modification témoignant d'un processus infectieux évolutif ; qu'enfin aucun germe n'a été mis en évidence lors des prélèvements effectués à l'occasion de l'opération du 5 novembre 1998 ; que, dans ces conditions, les problèmes cicatriciels susmentionnés consécutifs à l'opération du 16 janvier 1998 ne peuvent être regardés comme constitutifs d'une infection nosocomiale révélant une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier de nature à engager sa responsabilité ; que la seule circonstance qu'un article d'un hebdomadaire daté de 2004 ait souligné le fait qu'au sein du centre hospitalier de Niort aucune enquête épidémiologique n'avait été diligentée dans le bloc opératoire ne saurait accréditer l'idée que l'établissement hospitalier était particulièrement sujet aux infections nosocomiales au moment de l'opération en cause ;

Considérant, cependant, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions permettant de recueillir son consentement éclairé ; qu'il appartient au centre hospitalier d'apporter par tous moyens la preuve de cette information ;

Considérant que l'intervention subie par Mme X, même conduite dans les règles de l'art, présentait des risques connus, notamment de transformation possible de l'hallus valgus en hallus varus ; que si la patiente avait déjà consulté le Dr Labasor en 1994 au sujet de ses avant-pieds et l'a consulté à nouveau à la fin de l'année 1997, le centre hospitalier n'apporte pas la preuve qui lui incombe, en se prévalant, notamment, d'un courrier en date du 23 décembre 1997 adressé au médecin traitant de Mme X et faisant état de la complexité de l'acte envisagé ainsi que de ses « différentes modalités potentielles », que cette dernière ait été informée du risque de transformation de l'hallus valgus en hallus varus lié à l'opération ; qu'ainsi, Mme X est fondée à soutenir que le centre hospitalier de Niort a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a refusé de l'indemniser du préjudice résultant de cette faute ;

Sur le préjudice :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie des Deux-Sèvres justifie au profit de Mme X de dépenses en relation avec les complications précitées à hauteur de 19 075,45 euros ; que la patiente souffre d'une incapacité permanente partielle évaluée à 12% ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence, y compris le préjudice d'agrément, en l'évaluant à 15 000 euros dont 50% au titre de l'atteinte à son intégrité physique ; qu'en outre, les douleurs endurées par la patiente équivalent à 3 sur une échelle de 7 et son préjudice esthétique à 2 sur une échelle de 7 ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques endurées et du préjudice esthétique de Mme X en les évaluant respectivement à 1 500 euros et 1 000 euros ;

Considérant qu'en appel Mme X fait état d'un préjudice professionnel consécutif à son licenciement à concurrence de 184 296 euros ; que, toutefois, ce licenciement est intervenu le 18 octobre 2000 et l'étendue réelle de ce préjudice était connue avant que les premiers juges ne statuent au fond ; qu'il est constant que la requérante n'a pas invoqué ce chef de préjudice devant eux ; qu'elle est, par suite, irrecevable à le soulever devant la cour ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant total des préjudices qu'il y a lieu de retenir est de 36 575,41 euros dont 26 575,41 euros représentant la part d'indemnité à caractère physiologique ;

Considérant que la réparation du préjudice résultant pour Mme X de la perte de chance de se soustraire au risque dont elle n'a pas été informée et qui s'est réalisé doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis ; que, compte tenu du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'intervention et, d'autre part, les risques encourus par la patiente, eu égard au caractère évolutif de la malformation dont elle souffrait, en cas de renonciation à celle-ci, cette fraction doit être fixée à 30% ; qu'ainsi, il y a lieu de fixer le préjudice indemnisable à 7 972,62 euros pour ce qui est de l'atteinte à l'intégrité physique et à 3 000 euros pour la part personnelle ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie des Deux-Sèvres :

Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : Si la responsabilité du tiers est entière ou si elle est partagée avec la victime, la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d'indemnité mise à la charge du tiers qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d'agrément ; qu'il résulte de ces dispositions que le recours des caisses s'exerce sur les sommes allouées à la victime en réparation de la perte d'une chance d'éviter un préjudice corporel, la part d'indemnité de caractère personnel étant seule exclue de ce recours ; que le montant de la créance de la caisse excédant le montant de la part d'indemnité réparant l'atteinte à l'intégrité physique, fixé à 7 972,62 euros, il y a lieu d'imputer la créance de la caisse sur la totalité de ladite somme ; qu'il y a ainsi lieu de condamner le centre hospitalier de Niort à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Deux-Sèvres la somme de 7 972,62 euros ;

Considérant qu'il y a, également, lieu de condamner le centre hospitalier de Niort à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Deux-Sèvres la somme de 760 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur les droits de Mme X :

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme X a droit à la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice qui a résulté pour elle de la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée en première instance, liquidés et taxés à hauteur de 419,23 euros, à la charge du centre hospitalier de Niort ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Niort à verser à Mme X une somme de 1 300 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme X, qui dans la présente instance n'est pas partie perdante, soit condamnée à verser au centre hospitalier de Niort la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 16 mai 2002 est annulé.

Article 2 : Le centre hospitalier de Niort est condamné à verser à Mme X en réparation des conséquences dommageables de l'opération du 16 janvier 1998 la somme de 3 000 euros.

Article 3 : Le centre hospitalier de Niort est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Deux-Sèvres la somme de 7 972,62 euros ainsi que la somme de 760 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 4 : Le centre hospitalier de Niort versera la somme de 1 300 euros à Mme X en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme X et de la caisse primaire d'assurance maladie est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Niort sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Les frais d'expertise, d'un montant de 419,23 euros, sont mis à la charge du centre hospitalier de Niort.

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N° 02BX01514


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 02BX01514
Date de la décision : 15/11/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MADEC
Rapporteur ?: M. Jean-Christophe MARGELIDON
Rapporteur public ?: Mme JAYAT
Avocat(s) : LENDRES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2005-11-15;02bx01514 ?
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