Vu I), enregistrés au greffe de la Cour les 1er juillet 2002, 2 juillet 2002, 7 janvier 2004 et 12 février 2004 sous le n° 02BX01223 la requête et les mémoires complémentaires présentés par la SCP d'avocats Haie-Pasquet-Veyrier pour M. François X demeurant ... ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 mai 2002 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Bernay Saint-Martin à lui payer la somme de 63 893,33 F, assortie des intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure, en règlement de la facture n° 99052 établie pour le paiement de prestations d'études d'ingénierie ;
2°) de condamner ladite commune à lui payer la somme de 9 740,48 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2000 ;
3°) de décider la capitalisation des intérêts ;
4°) de condamner la commune de Bernay Saint-Martin à lui payer une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu II), enregistrés au greffe de la Cour les 7 janvier et 12 février 2004 sous le n° 04BX00024 la requête et le mémoire complémentaire présentés par la SCP d'avocats Haie-Pasquet-Veyrier pour M. François X demeurant ... ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 20 novembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Bernay Saint-Martin à lui payer la somme de 9 740,48 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2000, en règlement de la facture n° 99052 établie pour le paiement de prestations d'études d'ingénierie ;
2°) de condamner ladite commune à lui payer la somme de 9 740,48 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2000 ;
3°) de décider la capitalisation des intérêts ;
4°) de condamner la commune de Bernay Saint-Martin à lui payer une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses relations avec la maîtrise d'oeuvre privée ;
Vu le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2006,
- le rapport de M. Etienvre ;
- les observations de Me Veyrier, avocat de M. X ;
- les observations de Me Le Bloch, avocat de la commune de Bernay Saint-Martin ;
- et les conclusions de M. Chemin, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de M. X enregistrées sous les n° 02BX01223 et 04BX00024 sont relatives à la mise en jeu de la responsabilité de la même personne et à raison des mêmes faits ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt ;
Considérant que la commune de Bernay Saint-Martin a décidé, en 1999, d'avoir recours à un architecte pour procéder à la transformation et la réhabilitation de la maison de retraite communale ; que le conseil municipal a, par délibération du 30 juillet 1999, choisi, entre trois architectes, de confier la réalisation de l'étude de travaux à M. X ; que ce dernier a transmis, le 23 août 1999, à la commune des documents et des plans réalisés en exécution de cette mission ; que celle-ci lui a alors demandé de lui faire connaître le coût des travaux envisagés ainsi que le montant de ses honoraires ; que M. X a fait savoir, par sa réponse du 27 août 1999, qu'il avait estimé le montant total des travaux à 3 088 807 F toutes taxes comprises ; que le conseil municipal, considérant que ce montant excédait ses capacités financières, a décidé de ne plus continuer de travailler avec M. X et d'attribuer le marché à l'un des deux autres architectes, M. Y ; que M. X a, néanmoins, demandé à la commune le paiement de ses honoraires ; que, devant le refus de la commune, M. X a saisi le Tribunal administratif de Poitiers d'une demande indemnitaire tendant à la condamnation de la commune à lui payer une somme de 9 740,48 euros ; que, par jugement du 2 mai 2002, le tribunal a rejeté la demande de M. X aux motifs, d'une part, que celui-ci ne pouvait se prévaloir d'aucun contrat conclu avec la commune et que, d'autre part, la faute extra-contractuelle qu'il avait invoquée présentait le caractère d'une demande nouvelle irrecevable ; que M. X a saisi, à nouveau, le Tribunal administratif de Poitiers en demandant, en se fondant sur le terrain extra-contractuel, la condamnation de la commune de Bernay Saint-Martin à lui payer la même somme ; que, par jugement du 20 novembre 2003, le tribunal a rejeté la demande de M. X aux motifs que la commune n'avait commis aucune faute et que M. X n'établissait pas que les études réalisées avaient été utiles à la commune ; que M. X interjette appel de ces deux jugements ;
Sur la régularité du jugement du 20 novembre 2003 :
Considérant qu'en relevant que le conseil municipal avait décidé de confier à M. X une mission de maîtrise d'oeuvre tout en estimant que les autorités municipales n'avaient à aucun moment manifesté la volonté de la commune de s'engager formellement vis à vis de celui-ci, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'une contradiction de motifs ; que le jugement n'est donc pas irrégulier ;
Au fond :
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a été choisi, parmi trois architectes, par la commune de Bernay Saint-Martin pour réaliser une étude de faisabilité du projet envisagé par la commune ; que le maire a demandé à M. X d'exécuter sa mission sans attendre ; que l'offre de M. X, qui a été acceptée par la commune et a été suivie d'exécution à la demande de cette dernière, est constitutive d'un engagement contractuel ; que cet accord, qui a été conclu sans que la commune ne connaisse le montant des travaux et celui des honoraires de M. X, n'a, toutefois, pas été passé conformément aux dispositions des articles 28 et 29 du décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux marchés d'ingénierie ; que cette irrégularité est de nature à entacher de nullité un tel contrat, qui ne peut, par suite, être utilement invoqué par M. X pour rechercher la responsabilité contractuelle de la commune ; que c'est, dès lors, à bon droit que, par le jugement attaqué du 2 mai 2002, le Tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande indemnitaire qu'il a présentée en invoquant la responsabilité contractuelle de la commune de Bernay Saint-Martin ;
En ce qui concerne la responsabilité extra-contractuelle :
Considérant qu'en passant commande d'une étude d'ingénierie par un procédé irrégulier, la commune de Bernay Saint-Martin a commis une faute de nature à engager sa responsabilité extra-contractuelle ; qu'il y a, toutefois, lieu de tenir compte de l'imprudence qu'a, de son côté, commise M. X en agissant sur le fondement d'un engagement dont il ne pouvait ignorer, en tant que professionnel avisé, le caractère irrégulier ; qu'il sera fait une exacte appréciation des circonstances de l'espèce en mettant à la charge de la commune de Bernay Saint-Martin la moitié du préjudice indemnisable ;
Considérant que M. X a droit à être indemnisé des dépenses qu'il a réalisées ainsi que du bénéfice qu'il aurait pu escompter ; qu'il est ainsi fondé à demander la condamnation de la commune de Bernay Saint-Martin à lui verser, compte tenu du partage de responsabilité décidé ci-dessus, la moitié de ses honoraires soit 4 870,24 euros ; que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2000 ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'indemnisation qui pourrait être accordée à M. X, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, dès lors que celui-ci n'a droit qu'au remboursement des seules dépenses utiles, serait supérieure à celle allouée sur le fondement extra-contractuel ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que M. X a demandé la capitalisation des intérêts par mémoire du 1er juillet 2002 ; qu'à cette date, les intérêts étaient dus pour au moins une année entière ; qu'il y a dès lors lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la commune de Bernay Saint-Martin la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Bernay Saint-Martin le paiement à M. X de la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Les jugements du Tribunal administratif de Poitiers des 2 mai 2002 et 20 novembre 2003 sont annulés.
Article 2 : La commune de Bernay Saint-Martin est condamnée à payer à M. X la somme de 4 870,24 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2000. Les intérêts échus à la date du 1er juillet 2002 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Bernay Saint-Martin tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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Nos 02BX01223,04BX00024