La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/05/2006 | FRANCE | N°05BX02078

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, Juge des reconduites a la frontiere, 15 mai 2006, 05BX02078


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 octobre 2005 sous le n° 05BX02078, présentée pour M. Jianwu X domicilié ..., par Me Moura ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 23 septembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 8 septembre 2005 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la

mention « salarié » ou « étudiant », sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 20 octobre 2005 sous le n° 05BX02078, présentée pour M. Jianwu X domicilié ..., par Me Moura ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 23 septembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 8 septembre 2005 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « étudiant », sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet, sur le fondement de l'article L.512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant la mention « salarié » sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) en tout état de cause d'enjoindre au préfet de se prononcer sur sa situation dans un délai d'un mois ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;

.......................................................................................................................................…

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mai 2006 :

- les observations de Me Corbier-Labasse substituant Me Moura, avocat de M. X ;

- et les conclusions de M. Chemin, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X, de nationalité chinoise, interjette appel du jugement, en date du 23 septembre 2005, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 8 septembre 2005, par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a décidé sa reconduite à la frontière ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Considérant que, contrairement à ce que soutient le préfet des Pyrénées-Atlantiques, M. X ne s'est pas borné, dans sa requête d'appel, à se référer à ses demandes de première instance mais a soulevé l'insuffisante motivation du jugement attaqué et repris, en les développant, les moyens d'annulation invoqués à l'encontre de l'arrêté litigieux ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le préfet des Pyrénées-Atlantiques doit être rejetée ;

Considérant que, si M. X, né le 7 mars 1987, ne peut se prévaloir des dispositions de la circulaire du 2 mai 2005, laquelle ne présente aucun caractère réglementaire, et s'il est entré irrégulièrement en France, il ressort des pièces du dossier que M. X a été contraint par ses parents de quitter la Chine à l'âge de 15 ans ; qu'il a été pris en charge dès son arrivée en France en mai 2002 par les services de la direction de l'action sociale de l'enfance et de la santé du département de Paris et placé sous la tutelle du président du conseil général de Paris par une ordonnance du juge des tutelles du Tribunal d'instance de Paris en date du 27 mars 2003 ; qu'il a alors été confié à une famille d'accueil, puis, à compter du mois de septembre 2003, au centre d'accueil Commingeois à Saint Gaudens où il a pu suivre une formation au lycée professionnel de Gourdan-Polignan, avant d'être admis, à compter du 1er septembre 2004, au centre éducatif de Planterose à Moumour où il suit, dans le cadre d'un contrat « jeune majeur » conclu avec les services de l'action sociale de l'enfance, un apprentissage dans le but de présenter le certificat d'aptitude professionnelle de cuisinier de collectivité devant avoir lieu en juin 2006 ; que les résultats de M. X dans cette formation sont très satisfaisants et constants, qu'il démontre une bonne capacité d'intégration et a fait des progrès qualifiés de « remarquables » dans l'apprentissage de la langue française ; que, dès lors, eu égard à ces circonstances particulières, et notamment à l'absence de soutien familial dans son pays d'origine et au projet professionnel mis en oeuvre, l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X doit être regardé comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé alors même que ses parents et sa soeur vivent en Chine ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques en date du 8 septembre 2005 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » ; qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, (…) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas » ;

Considérant que M. X n'est pas fondé à soutenir que la présente décision, qui prononce l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, impliquerait nécessairement, au sens des dispositions précitées de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « étudiant » ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée, au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ; qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet des Pyrénées-Atlantiques de se prononcer sur la situation de M. X dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l 'article L. 761 ;1 du code de justice administrative :

Considérant que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761 ;1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Moura, avocat de M. X, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à payer à Me Moura la somme de 1 000 euros qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 23 septembre 2005 du magistrat délégué du Tribunal administratif de Pau et l'arrêté du 8 septembre 2005 du préfet des Pyrénées-Atlantiques décidant la reconduite à la frontière de M. Jianwu X sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Pyrénées-Atlantiques de réexaminer la situation de M. X dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Moura, avocat de M. X, la somme de 1 000 euros que celui-ci demande pour les frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

3

No 05BX02078


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : Juge des reconduites a la frontiere
Numéro d'arrêt : 05BX02078
Date de la décision : 15/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction totale
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: M. CHEMIN
Avocat(s) : MOURA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2006-05-15;05bx02078 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award