Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 12 juin 2003 sous le n° 03BX01215, présentée par M. et Mme Y, demeurant ... ;
Ils demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 mai 2003 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté leur demande tendant d'une part à l'annulation de la décision du préfet de Guadeloupe accordant en avril 1996 le concours de la force publique pour l'exécution d'un jugement du tribunal d'instance de Pointe à Pitre du 7 mai 1993 et d'autre part à la condamnation de l'Etat à leur verser une indemnité ;
2°) d'annuler ladite décision ;
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Vu l'ensemble des pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;
Vu le nouveau code de procédure civile ;
Vu le code de l'organisation judiciaire ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement convoquées à l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2006 :
- le rapport de Mme Fabien , premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité de la décision d'octroi du concours de la force publique :
Considérant que par jugement en date du 7 mai 1993, le tribunal d'instance de Pointe à Pitre a autorisé les époux X à utiliser le chemin reliant leur propriété à la voie publique pour faire enterrer les canalisations nécessaires à la desserte en eau et en électricité de leur habitation ; que par la décision contestée, le préfet de Guadeloupe a accordé en avril 1996 le concours de la force publique pour l'exécution de ce jugement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution : « L'Etat est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements et des autres titres exécutoires. Le refus de l'Etat de prêter son concours ouvre droit à réparation » ; qu'en vertu de l'article 502 du nouveau code de procédure civile : « Nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n'en dispose autrement » ; que l'article 503 du même code dispose que : « Les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire » ; qu'aux termes de l'article 460 du même code : « La nullité d'un jugement ne peut être demandée que par les voies de recours prévues par la loi » ; qu'il résulte de ces dispositions que le justiciable nanti d'une sentence judiciaire dûment revêtue de la formule exécutoire est en droit de compter sur la force publique pour l'exécution de ce jugement sous réserve que ce dernier ait été notifié à ceux auxquels il est opposé ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'une expédition, revêtue de la formule exécutoire, du jugement du 7 mai 1993 a été signifiée aux époux Y le 28 juillet 1993 ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que cette expédition soit signée par le président et le greffier ayant pris part à l'audience ou que le jugement soit enregistré ou publié ; que, dès lors, le préfet de Guadeloupe était tenu, en application des dispositions susvisées de l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991 et dans les circonstances de l'espèce, d'apporter le concours de la force publique à l'exécution de ce jugement ; qu'en conséquence, et en tout état de cause, sont dépourvus d'influence sur la légalité de cette décision, les moyens tirés de l'absence alléguée d'enquête ou de tentative de conciliation préalables, de la prétendue atteinte au droit de propriété des requérants ou encore de l'éventuelle nullité du jugement à raison d'une absence de signature de la minute, celle-ci ne pouvant être constatée que dans les conditions prévues par l'article 460 précité du nouveau code de procédure civile ; que les requérants ne sauraient utilement se prévaloir des dispositions de l'article 386 du même code relatives à la péremption de l'instance devant le juge judiciaire antérieurement au prononcé du jugement ; que les conditions dans lesquelles s'est déroulée l'opération d'exécution du jugement postérieurement à l'octroi du concours de la force publique sont également dépourvues d'influence sur la légalité de cette décision ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de statuer sur la responsabilité de l'Etat à raison d'un éventuel dysfonctionnement des services judiciaires ; que les requérants ne sauraient utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auxquelles les règles de répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction ne portent pas atteinte ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le préfet de Guadeloupe était tenu d'apporter le concours de la force publique demandé par les époux X pour la réalisation des travaux autorisés par le jugement du 7 mai 1993 et à l'exécution duquel les époux Y s'étaient d'ailleurs opposés par la force ; qu'en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que cette opération n'aurait pas été réalisée conformément aux prescriptions de ce jugement et en particulier que les canalisations auraient été enterrées en dehors du chemin reliant la propriété des époux X à la voie publique ; que les requérants ne sont en conséquence pas fondés à soutenir qu'une faute aurait été commise par les services de l'Etat à l'occasion de l'octroi du concours de la force publique ou lors de la mise en oeuvre de ce concours ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Basse-Terre a, par le jugement attaqué, rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision préfectorale d'avril 1996 et à la condamnation de l'Etat ;
Sur les conclusions présentées par les époux X et tendant à la condamnation des époux Y à leur verser des dommages et intérêts pour procédure abusive :
Considérant qu'en l'absence dans la requête de conclusions indemnitaires dirigées à l'encontre des époux X, les conclusions de ces derniers tendant à la condamnation des époux Y à leur verser des dommages et intérêts pour procédure abusive ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de condamner les époux Y à verser aux époux X une somme de 1 300 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1 : La requête des époux Y est rejetée.
Article 2 : Les conclusions des époux X sont rejetées.
Article 3 : Les époux Y verseront une somme de 1 300 euros aux époux X en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 03BX01215