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16/05/2006 | FRANCE | N°03BX01429

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3eme chambre (formation a 3), 16 mai 2006, 03BX01429


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour sous le n° 03BX01429, présentée pour M. Pierre X, demeurant ..., par Me Lacaze ;

Il demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 mai 2003 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à titre principal à la condamnation d'EDF à réparer le préjudice qu'il a subi par suite de l'érosion de sa propriété riveraine du gave d'Oloron et à titre subsidiaire à la condamnation solidaire d'EDF et de l'Etat ;

- à titre principal, de condamner EDF à lui verser une indemnité de 170 360,22

euros ainsi qu'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code ...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour sous le n° 03BX01429, présentée pour M. Pierre X, demeurant ..., par Me Lacaze ;

Il demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 mai 2003 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à titre principal à la condamnation d'EDF à réparer le préjudice qu'il a subi par suite de l'érosion de sa propriété riveraine du gave d'Oloron et à titre subsidiaire à la condamnation solidaire d'EDF et de l'Etat ;

- à titre principal, de condamner EDF à lui verser une indemnité de 170 360,22 euros ainsi qu'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- à titre subsidiaire, de condamner solidairement EDF et l'Etat à lui verser les sommes précitées ;

……………………………………………………………………………………………

Vu l'ensemble des pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu la loi du 16 septembre 1807 ;

Vu le code du domaine public fluvial ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement convoquées à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mars 2006 :

- le rapport de Mme Fabien, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité de l'Etat et d'EDF :

Considérant qu'en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires l'y contraignant, l'Etat n'a pas l'obligation d'assurer la protection des propriétés riveraines des cours d'eau navigables ou non navigables contre l'action naturelle des eaux ; qu'il ressort au contraire de l'article 33 de la loi du 16 septembre 1807 et de l'article 39 du code du domaine public fluvial que cette responsabilité incombe aux propriétaires intéressés ; que toutefois la responsabilité des personnes publiques ou du maître d'un ouvrage public peut être engagée lorsque les dommages subis ont été provoqués ou aggravés soit par l'existence ou le mauvais fonctionnement d'un ouvrage public, soit par une faute commise par l'autorité administrative ; que l'Etat est en particulier tenu, en application des dispositions de l'article 14 du code du domaine public fluvial, de procéder au curage du lit des cours d'eau domaniaux même non navigables afin d'assurer le libre écoulement des eaux ;

Considérant que M. X est propriétaire de terrains agricoles situés en rive droite du gave d'Oloron, cours d'eau non navigable appartenant au domaine public de l'Etat , en aval du barrage hydroélectrique de Légugnon appartenant à EDF ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que l'inondation de la parcelle n° 181 et l'affaissement de la parcelle n° 180 sont dus principalement à leur situation après un coude très prononcé du gave recevant directement le flot de fortes crues ; que, cependant, cette érosion naturelle a été aggravée par l'existence du barrage de Légugnon ayant provoqué en aval un atterrissement conduisant, d'une part, à un rétrécissement de la largeur du lit et une augmentation de la lame d'eau et, d'autre part, à une déviation prononcée du courant vers la berge droite ;

Considérant que la disparition d'une partie de l'exploitation agricole de M. X est ainsi imputable partiellement à l'existence du barrage de Légugnon ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette exploitation serait consécutive à une installation ou une acquisition postérieure à l'édification du barrage en 1912 ; que le dommage subi par M. X excède les sujétions normales auxquelles sont assujettis les voisins d'un ouvrage public et est ainsi de nature à engager la responsabilité d'EDF, maître d'ouvrage dudit barrage ; que cependant ce dommage a également été aggravé par l'abstention fautive des services de l'Etat à prendre les mesures de curage du lit du gave d'Oloron nécessaires pour assurer un écoulement normal des eaux en aval du barrage ;

Considérant cependant que M. X, qui n'ignorait pas les dégâts occasionnés à sa propriété par l'action des eaux, a fait preuve d'une grave négligence en ne prenant aucune mesure propre à en assurer la protection ; qu'en revanche, et alors même qu'il n'a appelé l'attention de l'administration de l'Etat sur ses difficultés qu'en 1958 puis 1996 et 1998, cette faute n'est pas, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Pau, de nature à exonérer totalement EDF et l'Etat de leur responsabilité ;

Considérant que compte tenu du rôle pris dans la survenance des dommages respectivement par l'érosion naturelle, la négligence grave de M. X à prendre toute mesure de protection, l'existence du barrage de Légugnon et l'absence de curage du gave d'Oloron, il y a lieu de déclarer l'Etat et EDF solidairement, et à parts égales, responsables de 25% des dommages subis par M. X à la suite de l'érosion de sa propriété ;

Sur le préjudice subi par M. X :

Considérant qu'il n'est pas contesté que la parcelle n° 181 d'une superficie de 4 ares 50 centiares, ayant aujourd'hui disparu, était constituée de bois et de taillis et ne pouvait, compte tenu de sa configuration, faire l'objet d'une exploitation agricole ; que, contrairement à ce qu'a estimé l'expert désigné par le tribunal, la valeur vénale de cette parcelle ne saurait donc être fixée sur la base de celle d'un terrain affecté à la culture de maïs ; qu'il résulte de l'instruction que la parcelle n° 180, qui subit une perte de superficie de 4 ares et 91 centiares, est affectée d'une servitude de marche-pied réduisant sa valeur vénale ; qu'en conséquence, et à défaut d'élément d'évaluation apporté en réplique par M. X, il y a lieu d'arrêter à la somme de 403 euros, admise par EDF, la valeur vénale des terrains perdus du fait de l'érosion ; que, compte tenu tout à la fois de la servitude de marche-pied grevant la parcelle n° 180 et de l'évaluation de l'expert, il sera fait une exacte appréciation de la perte de revenus d'exploitation sur cette parcelle en la fixant à la somme de 2 008 euros ;

Considérant que M. X justifie par ailleurs de la nécessité de procéder à des travaux de renforcement des berges, dont le coût a été évalué le 12 juillet 1999 à 81 318,04 euros ; que, cependant, et dès lors qu'il n'est ni établi, ni même soutenu qu'il aurait été dans l'impossibilité de faire procéder à ces travaux depuis le 12 juillet 1999, il n'est pas fondé à demander que soit pris en considération le montant actualisé de ces travaux ;

Considérant enfin que l'intéressé n'établit pas l'existence d'un lien de causalité entre l'érosion de ses parcelles et le versement d'une somme de 2 744 euros au titre des taxes ou impositions liées à l'emprise du chemin d'accès sur le domaine public fluvial dont il demande le remboursement ;

Considérant que l'indemnité devant être mise à la charge de l'Etat et d'EDF en réparation du préjudice subi par M. X, doit, compte tenu de la part de responsabilité leur incombant, être fixée à 20 932,26 euros ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu d'annuler ce jugement et de condamner solidairement l'Etat et EDF à verser à M. X une indemnité de 20 932,26 euros ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Pau, à la charge définitive, et à parts égales, de l'Etat et d'EDF ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à EDF la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de condamner solidairement l'Etat et EDF à verser à ce titre une somme de 1 300 euros à M. X ;

DECIDE

Article 1 : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 7 mai 2003 est annulé.

Article 2 : L'Etat et EDF sont condamnés solidairement à verser à M. X une indemnité de 20 932,26 euros ainsi qu'une somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Pau seront supportés, à parts égales, par l'Etat et EDF.

Article 5 : Les conclusions présentées par EDF en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 03BX01429


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 03BX01429
Date de la décision : 16/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MARROU
Rapporteur ?: Mme Mathilde FABIEN
Rapporteur public ?: Mme JAYAT
Avocat(s) : LACAZE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2006-05-16;03bx01429 ?
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