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30/05/2006 | FRANCE | N°03BX00304

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6eme chambre (formation a 3), 30 mai 2006, 03BX00304


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février 2003 et 13 mars 2003, présentés pour l'UNION DES COMMERCANTS INDEPENDANTS DE LA MARTINIQUE (UCIM), dont le siège est situé dans la zone industrielle de la Lézarde Le Lamentin (97232), par la SCP Delaporte, Briard et Trichet ;

L'UNION DES COMMERCANTS INDEPENDANTS DE LA MARTINIQUE (UCIM) demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 5 décembre 2002 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 mai 2000 par laquelle la commiss

ion départementale d'équipement commercial de la Martinique a accordé à la...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 février 2003 et 13 mars 2003, présentés pour l'UNION DES COMMERCANTS INDEPENDANTS DE LA MARTINIQUE (UCIM), dont le siège est situé dans la zone industrielle de la Lézarde Le Lamentin (97232), par la SCP Delaporte, Briard et Trichet ;

L'UNION DES COMMERCANTS INDEPENDANTS DE LA MARTINIQUE (UCIM) demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Fort-de-France du 5 décembre 2002 rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 mai 2000 par laquelle la commission départementale d'équipement commercial de la Martinique a accordé à la SCI « Robert 2 » l'autorisation de créer un centre commercial au lieu-dit « Gaschette » au Robert ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre et à la société défenderesse de lui communiquer certaines pages de l'étude d'impact ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée ;

Vu le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 modifié ;

Vu l'arrêté du 12 décembre 1997 pris pour l'application des dispositions précitées et fixant le contenu de la demande d'autorisation d'exploitation de certains magasins de commerce de détail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2006 :

- le rapport de Mme Aubert ;

- les observations de Me Paloux, avocat de l'UNION DES COMMERCANTS INDEPENDANTS DE LA MARTINIQUE ;

- les observations de Me Auger, avocat de la SCI Robert 2 ;

- et les conclusions de M. Valeins, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer :

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-2 du décret n° 93-306 du 9 mars 1993 dans sa rédaction alors en vigueur que lorsque la réalisation d'un projet autorisé, en application de l'article 29 de la loi du 27 décembre 1973, est subordonnée à l'obtention d'un permis de construire, l'autorisation est périmée si une demande recevable de permis de construire n'est pas déposée dans un délai de deux ans à compter de la notification de la décision d'autorisation ou de la date à laquelle cette dernière est réputée accordée ; qu'il est constant que la société « Robert 2 » a déposé une demande de permis de construire, dans le délai de deux ans à compter de la notification de la décision du 8 mai 2000 par laquelle la commission départementale d'équipement commercial de la Martinique lui a accordé l'autorisation de créer un centre commercial au lieu-dit « Gaschette » au Robert ; que la circonstance que la société a complété le dossier de sa demande de permis de construire, le 27 octobre 2002, n'est pas, par elle-même, de nature à établir que cette demande n'était pas recevable au sens des dispositions susmentionnées du décret du 9 mars 1993 ; qu'il suit de là que l'autorisation en litige n'est pas périmée ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le juge de première instance, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par la requérante, a examiné l'ensemble des moyens présentés devant lui, et notamment ceux tirés de l'insuffisance de l'étude d'impact et du non-respect des objectifs de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de réponse par le juge de première instance aux moyens soulevés devant lui manque en fait ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 18-1 du décret du 9 mars 1993 dans sa rédaction alors en vigueur : « Pour les projets de commerce de détail, la demande précise : - en cas de création, la surface de vente et le secteur d'activité… ainsi que, le cas échéant, la surface de vente globale du projet… Elle est accompagnée : … b) Des renseignements suivants : 1° Délimitation de la zone de chalandise du projet… 4° Equipements commerciaux exerçant une attraction sur la zone de chalandise ; … c) D'une étude destinée à permettre à la commission d'apprécier l'impact prévisible du projet au regard des critères prévus par l'article 28 de la loi du 27 décembre 1973 et justifiant du respect des principes posés par l'article 1er de la même loi… » ; que, pour l'application de ces dispositions, la zone de chalandise de l'équipement commercial faisant l'objet d'une demande d'autorisation, qui correspond à la zone d'attraction que cet équipement est susceptible d'exercer sur la clientèle, est délimitée, conformément aux dispositions du décret du 9 mars 1993 modifié et de l'arrêté pris pour son application, en tenant compte des conditions de desserte et des temps de déplacement nécessaires pour y accéder ;

Considérant que l'UNION DES COMMERCANTS INDEPENDANTS DE LA MARTINIQUE n'établit pas, par ses seules allégations, que l'étude d'impact établie par la société « Robert 2 » comportait des inexactitudes de nature à induire en erreur la commission départementale d'équipement commercial ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose de mentionner, dans le dossier de demande d'autorisation, l'incidence du projet sur le taux d'équipement commercial de la zone de chalandise non plus que son impact sur les équipements commerciaux qui ne sont pas situés dans cette zone ; que la société « Robert 2 » a justifié l'exclusion de la zone de chalandise des équipements commerciaux situés au Lamentin par la proximité de la zone d'attraction très forte de l'agglomération foyolaise et par la forte concurrence des centres commerciaux de Lamentin et de Fort-de-France ; qu'il ressort des pièces du dossier que ces équipements exercent une forte attraction sur la population de l'agglomération dans laquelle ils se trouvent et qu'ils sont plus éloignés, en raison, notamment, des conditions de desserte de l'agglomération, pour l'ensemble des habitants de la zone de chalandise délimitée par la société « Robert 2 », que le centre commercial que cette dernière a été autorisée à implanter ; qu'il résulte de ce qui précède que l'UNION DES COMMERCANTS INDEPENDANTS DE LA MARTINIQUE n'est pas fondée à soutenir que la commission s'est prononcée sur la demande d'autorisation dont elle était saisie sur la base de données incomplètes ou inexactes, ne la mettant pas à même d'apprécier l'impact du projet au regard des critères fixés par le législateur ;

Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que les personnes désignées, par un arrêté préfectoral en date du 28 février 2000, pour composer la commission qui a pris l'arrêté attaqué, ne l'auraient pas été régulièrement n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre au juge d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 16 du décret du 9 mars 1993 modifié : « Un exemplaire du procès-verbal de la réunion de la commission est adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à chaque membre de la commission… Les destinataires du procès-verbal disposent d'un délai de quinze jours pour formuler auprès du président leurs observations qui sont portées à la connaissance des membres de la commission. Sans observation de leur part dans le délai imparti, le procès-verbal est considéré comme adopté. » ; que la décision attaquée ayant été prise le jour où la commission s'est réunie, la circonstance que le procès-verbal de la réunion de la commission n'aurait pas été adressé à chacun de ces membres selon les modalités prévues par les dispositions précitées est sans incidence sur sa légalité ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que la décision soit prise sans attendre que le procès-verbal de la réunion ait été porté à la connaissance des membres de la commission ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 susvisée, dans sa rédaction alors en vigueur : “(…) Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi. Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de redynamisation urbaine (…)” ; qu'aux termes de l'article 28 de ladite loi : “(…) Dans le cadre des principes définis aux articles 1er et 4 ci-dessus, la commission statue en prenant en considération : l'offre et la demande globales pour chaque secteur d'activité dans la zone de chalandise concernée ; la densité d'équipement en moyennes et grandes surfaces dans cette zone ; l'effet potentiel du projet sur l'appareil commercial et artisanal de cette zone et des agglomérations concernées, ainsi que sur l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce ; l'impact éventuel du projet en termes d'emplois salariés et non salariés ; les conditions d'exercice de la concurrence au sein du commerce et de l'artisanat (…)” ; que pour l'application de ces dispositions combinées, il appartient aux commissions d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les différentes formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs que le projet peut présenter au regard, notamment, de l'emploi, de l'aménagement du territoire, de la concurrence, de la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, de la satisfaction des besoins des consommateurs ;

Considérant que la création, sur le territoire de la commune du Robert, d'un centre commercial d'une surface de vente de 4 350 m2 comportant une galerie marchande de 1 250 m2 et un hypermarché de 3 100 m2, n'est pas de nature, compte-tenu du taux d'équipement commercial de la Martinique, très inférieur à la moyenne nationale, et de la situation géographique du projet, à provoquer l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux ni à rompre l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce ; que cette implantation permettra en outre de fixer localement une clientèle susceptible d'orienter ses achats vers les équipements commerciaux du Lamentin et de Fort-de-France, contribuant ainsi à assurer une meilleure répartition géographique de ces équipements et à améliorer la satisfaction des besoins des consommateurs ; que dans ces conditions, la commission départementale d'équipement commercial n'a pas méconnu les dispositions précitées de la loi du 27 décembre 1973 en accordant l'autorisation attaquée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 28-1 de la loi du 27 décembre 1973 alors en vigueur : « Dans les départements d'outre-mer, sauf dérogation motivée de la commission départementale d'équipement commercial, l'autorisation demandée ne peut être accordée lorsqu'il apparaît qu'elle aurait pour conséquence de porter au-delà d'un seuil de 25 % sur l'ensemble du département, ou d'augmenter, si elle est supérieure à ce seuil, la part de surface de vente destinée à l'alimentation, que celle-ci concerne l'ensemble du projet ou une partie seulement, et appartenant : 1° soit à une même enseigne ; 2° soit à une même société, ou une de ses filiales, ou une société dans laquelle cette société possède une fraction du capital comprise entre 10 et 50 % ou une société contrôlée par cette même société au sens de l'article 355-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales ; 3° soit contrôlée directement ou indirectement par au moins un associé exerçant sur elle une influence au sens de l'article 357-1 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 précitée, ou ayant un dirigeant de droit ou de fait commun » ; qu'en se bornant à soutenir que l'autorisation attaquée a été accordée en violation de ces dispositions, l'association requérante n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige la commission départementale d'équipement commercial à vérifier que les projets qui lui sont soumis sont conformes à la réglementation d'urbanisme en vigueur sur le territoire où est prévue l'implantation du projet ; qu'il suit de là que l'association requérante ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que la parcelle sur laquelle le centre commercial a vocation à être implanté serait grevée d'une servitude d'emplacement réservé et située dans une zone du plan d'occupation des sols destinée aux équipements d'animation sportive, culturelle et de loisirs ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête ni d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, que l'UNION DES COMMERCANTS INDEPENDANTS DE LA MARTINIQUE (UCIM) n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, soit condamné à verser à l'UNION DES COMMERCANTS INDEPENDANTS DE LA MARTINIQUE (UCIM) la somme qu'elle demande au titre des frais exposés non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'UNION DES COMMERCANTS INDEPENDANTS DE LA MARTINIQUE (UCIM) versera à la société « Robert 2 » la somme de 1 500 euros qu'elle demande au même titre ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'UNION DES COMMERCANTS INDEPENDANTS DE LA MARTINIQUE (UCIM) est rejetée.

Article 2 : L'UNION DES COMMERCANTS INDEPENDANTS DE LA MARTINIQUE (UCIM) versera à la société « Robert 2 » la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 03BX00304


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 03BX00304
Date de la décision : 30/05/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ZAPATA
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. VALEINS
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2006-05-30;03bx00304 ?
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