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06/06/2006 | FRANCE | N°04BX00446

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2eme chambre (formation a 3), 06 juin 2006, 04BX00446


Vu, I, sous le n° 04BX00446, le recours enregistré le 12 mars 2004, présenté par le MINISTRE DE LA SANTE, DE LA FAMILLE ET DES PERSONNES HANDICAPEES ;

Le MINISTRE DE LA SANTE, DE LA FAMILLE ET DES PERSONNES HANDICAPEES demande à la Cour :

1° de réformer le jugement en date du 20 janvier 2004, par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à payer à Mme X la somme de 303 937,77 euros, qu'il trouve excessive, en réparation des préjudices subis par elle du fait de l'illégalité des décisions de refus d'autorisation de créer une officine de pharma

cie, qui lui ont été opposées dans la période du 1er décembre 1991 au 5 jan...

Vu, I, sous le n° 04BX00446, le recours enregistré le 12 mars 2004, présenté par le MINISTRE DE LA SANTE, DE LA FAMILLE ET DES PERSONNES HANDICAPEES ;

Le MINISTRE DE LA SANTE, DE LA FAMILLE ET DES PERSONNES HANDICAPEES demande à la Cour :

1° de réformer le jugement en date du 20 janvier 2004, par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à payer à Mme X la somme de 303 937,77 euros, qu'il trouve excessive, en réparation des préjudices subis par elle du fait de l'illégalité des décisions de refus d'autorisation de créer une officine de pharmacie, qui lui ont été opposées dans la période du 1er décembre 1991 au 5 janvier 2000 ;

2° d'arrêter la réparation due à Mme X à la somme de 198 858 euros, sous déduction de la somme de 91 469, 41 euros déjà versée à l'intéressée à titre de provision ;

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Vu, II, sous le n° 04BX00589, la requête enregistrée au greffe de la Cour le 1er avril 2004, présentée pour Mme Josiane , par Me Herrmann ;

Mme demande à la Cour :

1° de réformer le jugement du 20 janvier 2004, par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à lui payer la somme de 303 937, 77 euros, qu'elle trouve insuffisante, en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité des décisions de refus d'autorisation de créer une officine de pharmacie, qui lui ont été opposées pendant la période du 1er décembre 1991 au 5 janvier 2000 ;

2° de condamner l'Etat à lui payer la somme de 801 714, 92 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable et de la capitalisation de ces intérêts ;

3° de condamner l'Etat à lui payer une somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 mai 2006 :

- le rapport de M. Bayle, premier conseiller,

- les observations de Me Ducomte du cabinet d'avocats Ducomte et Herrmann pour Mme X ;

- et les conclusions de M. Péano , commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours du MINISTRE DE LA SANTE, DE LA FAMILLE ET DES PERSONNES HANDICAPEES et la requête de Mme sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt ;

Considérant que, par jugement du 20 janvier 2004, le Tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à payer à Mme , sous déduction de la provision qui lui a déjà été versée, la somme de 303 937, 77 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2000 et de la capitalisation de ces intérêts au 11 décembre 2001 et à chaque échéance annuelle à partir de cette date, en réparation des préjudices subis par elle du fait de l'illégalité des décisions de refus d'autorisation de créer une officine de pharmacie, au n° 164 de la route d'Albi à Toulouse, qui lui ont été opposées dans la période du 1er décembre 1991 au 5 janvier 2000 ; que le MINISTRE DE LA SANTE, DE LA FAMILLE ET DES PERSONNES HANDICAPEES interjette appel de ce jugement pour demander à la Cour de limiter à un montant de 198 858 euros la réparation totale due à Mme ; que, par la voie de l'appel incident dans l'instance introduite par le ministre et par sa requête, Mme conclut à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 801 714, 92 euros en réparation des conséquences dommageables des décisions qui lui ont illégalement refusé l'autorisation de créer une officine de pharmacie pendant la période susmentionnée ;

Sur les pertes de bénéfices :

Considérant que, pour contester l'évaluation de ce préjudice faite par les premiers juges, Mme demande l'application d'un mode de calcul fondé sur les résultats courants moyens des officines pharmaceutiques dans la région Midi-Pyrénées au cours de la période en cause, tels qu'établis par la fédération des centres de gestion agrées pour les années 1992 à 1996 et par le centre de gestion agréé Midi-Pyrénées pour les années suivantes ; que cette méthode, qui repose sur des données étrangères à l'exploitation, est inadaptée en l'espèce, dès lors qu'une officine de pharmacie a été exploitée dans le secteur revendiqué par Mme , pendant la période en cause, à la suite de l'autorisation accordée pour le transfert de cette officine dans ce secteur ; que le manque à gagner subi par Mme doit être apprécié, en conséquence, au regard du chiffre d'affaires hors taxes effectivement réalisé par l'exploitant de l'officine installée dans ledit secteur, au cours de ladite période ; que Mme n'établit pas que l'emplacement de son officine aurait été plus attractif que celui de l'officine déjà en fonction ; qu'il résulte de l'instruction que l'exploitant de cette dernière officine, qui a débuté son activité au cours de l'année 1992, a réalisé pendant les exercices clos en 1995 et 1996 un chiffre d'affaires moyen de 525 853, 31 euros ; qu'ainsi, le chiffre d'affaires correspondant à la période courant du 1er décembre 1991, lendemain du premier refus d'autorisation dont Mme a obtenu l'annulation, au 5 janvier 2000, date à laquelle l'autorisation de créer son officine lui a été accordée, peut être estimé à la somme totale de 4 250 674, 58 euros ; que, sur la base d'un taux de bénéfice net de 11 p. cent proposé par le ministre et non contesté par Mme , les revenus que cette dernière aurait pu tirer de l'exploitation de son officine pendant la période du 1er décembre 1991 au 5 janvier 2000 peuvent être fixés, au regard des données précitées, à la somme de 467 571, 23 euros ; que les revenus à déduire de cette somme sont exclusivement ceux que Mme a effectivement perçus pendant la période dont s'agit, lesquels s'élèvent, au regard des justificatifs produits, à un montant de 956 406, 75 F, soit 145 803, 27 euros, et non, comme le prétend le ministre, ceux que l'intéressée aurait pu toucher si elle avait occupé un emploi à temps plein ou bénéficié d'une rémunération supérieure ; qu'ainsi, la perte de revenu net subie par Mme peut être évaluée à la somme de 321 767, 96 euros ;

Sur les charges locatives afférentes à la période du 1er décembre 1991 au 5 janvier 2000 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en vue de conserver la disposition du local dans lequel elle envisageait d'installer son officine de pharmacie, disposition dont elle était tenue de justifier lors des renouvellements de sa demande de licence, Mme a dû exposer des frais, dont le montant non contesté est de 73 937, 77 euros ; que, si l'évaluation du bénéfice net par application d'un coefficient au chiffre d'affaires prend déjà en compte les charges immobilières, Mme peut prétendre au remboursement de cette somme, qui n'est pas au nombre de ces charges, comme l'a jugé à bon droit le Tribunal administratif de Toulouse ;

Sur la perte d'un avantage fiscal :

Considérant que, si Mme n'a pu se prévaloir des réductions de base imposable prévues par les dispositions de l'article 44 sexiès du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n° 88-1149 du 23 décembre 1988, cette circonstance, qui résulte d'un changement de législation, ne peut être regardée comme une conséquence dommageable née de l'illégalité des décisions de refus d'autorisation qui lui ont été opposées ; que, par suite, les conclusions de Mme tendant à l'indemnisation du préjudice invoqué à ce titre, lequel préjudice présente en outre un caractère incertain, doivent être rejetées ;

Sur le préjudice moral :

Considérant que les décisions par lesquelles le préfet de la Haute-Garonne a refusé à Mme , pendant la période considérée, l'autorisation de créer une officine de pharmacie ont été annulées par jugements du Tribunal administratif de Toulouse des 16 février 1995, 8 mars 1995 et 5 octobre 1999 ; que Mme a subi, du fait de la répétition de décisions de rejet illégales, un préjudice moral, dont il sera fait une juste appréciation en condamnant l'Etat à lui verser de ce chef une somme de 8 000 euros ;

Sur les frais de procédure engagés entre le 1er décembre 1991 et le 5 octobre 1999 :

Considérant que Mme demande la condamnation de l'Etat à lui rembourser les frais, non compris dans les dépens, exposés par elle lors des procédures engagées au cours de la période du 1er décembre 1991 au 5 octobre 1999 , que ces procédures ont pris fin avec les jugements susmentionnés du Tribunal administratif de Toulouse ; que, dès lors, ces conclusions doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préjudice total de Mme doit être arrêté à la somme de 403 705, 73 euros ; que, par suite, le MINISTRE DE LA SANTE, DE LA FAMILLE ET DES PERSONNES HANDICAPEES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à payer à Mme une somme supérieure à 198 858 euros et que cette dernière est fondée à soutenir seulement que c'est à tort que ce tribunal lui a accordé une somme inférieure à 403 705, 73 euros ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à Mme une somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La somme de 303 937, 77 euros que l'Etat a été condamné à payer à Mme par le jugement du Tribunal administratif de Toulouse du 20 janvier 2004 est portée à 403 705, 73 euros, comprenant la provision allouée à l'intéressée par ordonnance du président du tribunal administratif du 27 juin 2001.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Toulouse du 20 janvier 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : L'Etat versera à Mme une somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le recours du MINISTRE DE LA SANTE, DE LA FAMILLE ET DES PERSONNES HANDICAPEES et le surplus des conclusions d'appel incident ainsi que de la requête de Mme sont rejetés.

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N°04BX00446,04BX00569


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2eme chambre (formation a 3)
Numéro d'arrêt : 04BX00446
Date de la décision : 06/06/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEPLAT
Rapporteur ?: M. Jean-Michel BAYLE
Rapporteur public ?: M. PEANO
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS DUCOMTE et HERRMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2006-06-06;04bx00446 ?
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