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31/10/2006 | FRANCE | N°03BX01517

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 31 octobre 2006, 03BX01517


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 23 juillet 2003, présentée pour la SOCIETE ENTREPRISE MAS représentant LE GROUPEMENT MAS ETE, dont le siège est situé 25, avenue de l'Europe BP 9089 à Pau Cedex 9 (64051), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Monrozies ;

La SOCIETE ENTREPRISE MAS demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 27 mars 2003 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la délibération de l'assemblée générale de la chambre de comme

rce et d'industrie de Toulouse du 26 février 1999 portant attribution du lot n° 2 ...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 23 juillet 2003, présentée pour la SOCIETE ENTREPRISE MAS représentant LE GROUPEMENT MAS ETE, dont le siège est situé 25, avenue de l'Europe BP 9089 à Pau Cedex 9 (64051), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Monrozies ;

La SOCIETE ENTREPRISE MAS demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 27 mars 2003 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la délibération de l'assemblée générale de la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse du 26 février 1999 portant attribution du lot n° 2 d'un marché ayant pour objet la construction d'un parking-silo et de la décision du 31 mai 1999 rejetant l'offre de la SOCIETE ENTREPRISE MAS et, d'autre part, la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie à lui verser une indemnité de 1 156 491,90 euros (7 586 090 F) ;

2°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse à lui verser une indemnité de 1 174 634,16 euros avec intérêts à compter de la date d'enregistrement de la demande introductive d'instance et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 octobre 2006 :

- le rapport de Mme Aubert ;

- les observations de Me Monrozies, avocat de la SOCIETE ENTREPRISE MAS ;

- les observations de Me Villepinte, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse ;

- et les conclusions de M. Valeins, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par une délibération en date du 26 février 1999, l'assemblée générale de la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse a attribué le lot n° 2 « fondations, superstructure béton, étanchéité » d'un marché ayant pour objet la construction d'un parking-silo à l'aéroport de Toulouse-Blagnac au groupement SAES-SOGEA et que, par une décision du 31 mai 1999, le président de la chambre de commerce et d'industrie a notifié à la SOCIETE ENTREPRISE MAS le rejet de son offre ; que, par jugement du 27 mars 2003, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté les conclusions de cette société tendant, d'une part, à l'annulation de ces deux décisions et, d'autre part, à la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie à indemniser la société du préjudice qu'elle a subi du fait de son éviction illégale ;

Sur la recevabilité de la requête :

Considérant que la circonstance que la SOCIETE ENTREPRISE MAS n'a pas présenté, en appel, de conclusions tendant à l'annulation des décisions du 26 février 1999 et du 31 mai 1999, dont elle se borne à invoquer l'illégalité au soutien de ses conclusions à fin d'indemnisation n'est pas de nature à rendre ces dernières irrecevables ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

Considérant que la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse a rejeté l'offre de la SOCIETE ENTREPRISE MAS au motif qu'elle en avait modifié la teneur, en ce qui concerne le mode de fabrication des poteaux et la hauteur maximale des grues, dans le cadre de la réponse apportée à la demande de précisions qui lui avait été adressée le 29 janvier 1999 ;

Considérant d'une part, qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE ENTREPRISE MAS, qui avait initialement mentionné le coût global des poteaux de façade préfabriqués et des poteaux de façade coulés, dans le bordereau des prix qu'elle a établi, a ultérieurement distingué, à la demande de la commission d'appel d'offres, le nombre et le coût respectifs des deux types de poteaux ; que la double circonstance que le coût global ne s'en est pas trouvé modifié et que la société avait indiqué, dans une note technique qui n'avait pas à être jointe à son offre, que tous les poteaux seraient coulés sur place, n'est pas de nature à établir, dans les circonstances de l'espèce, que son offre initiale n'était pas conforme au dossier de consultation qui prévoyait la mise en place de poteaux de façade préfabriqués au rez-de-chaussée ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 8-1 du cahier des clauses administratives particulières relatif aux réserves liées aux servitudes aériennes de l'aérodrome civil de Toulouse-Blagnac relatives aux grues : « le lot n° 2 devra s'assurer que les engins de chantier ne dépasseront pas la cote de 174,00 GNF. Toutefois, si des dépassements étaient nécessaires, une demande de dérogation temporaire aux servitudes devrait être engagée auprès des services de l'aviation civile… » ; que ces stipulations se bornent à informer les candidats sur les servitudes aériennes existantes sans leur imposer de justifier, dans le cadre de leur offre, de leur respect ; qu'il suit de là que la chambre de commerce et d'industrie n'a pu légalement se fonder sur le fait qu'en réponse à la demande de précisions qui lui avait été adressée sur ce point, la société requérante a diminué la hauteur maximale des grues utilisées sur le chantier, en modifiant le plan qu'elle avait initialement joint à son dossier de candidature, modifiant ainsi son offre ;

Considérant que la décision de rejet de l'offre se trouvant ainsi entachée d'illégalité, la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse est engagée à l'égard de la SOCIETE ENTREPRISE MAS qui est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

Considérant que si la société requérante soutient également, à l'appui de ces conclusions, que la chambre de commerce et d'industrie ne lui a pas notifié le refus de son offre, les motifs de ce refus ainsi que le nom de l'attributaire du marché, en violation des articles 95 ter et 386 du code des marchés publics dans sa rédaction alors en vigueur, lui faisant ainsi perdre une chance d'introduire utilement une action en référé pré-contractuel, cette circonstance n'est pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à lui ouvrir droit au versement d'une indemnité spécifique ;

Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce marché, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; que, dans le cas où l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché, elle a droit à l'indemnisation de l'intégralité du manque à gagner qu'elle a subi ;

Considérant que s'il est constant que l'offre de la société était la moins disante, il résulte de l'instruction que le prix était le dernier des cinq critères mentionnés dans le règlement de la consultation et que son dossier technique a été jugé « peu détaillé mais correct » tandis que celui de la société attributaire du marché, dont l'offre n'était supérieure que de 7% environ à la sienne, a été jugé « bon » ; que, dans ces conditions, la SOCIETE ENTREPRISE MAS ne peut qu'être regardée comme n'ayant pas été dépourvue de toute chance d'obtenir le marché si une procédure régulière avait été suivie ; que les frais engagés pour soumissionner sont justifiés à hauteur de 33 464,43 euros (219 512,24 F HT) ; qu'en revanche, la société n'apporte aucun élément de nature à établir que les dépenses de personnel et de matériel qu'elle a engagées, au cours de l'année 1998, alors que la date limite de dépôt des candidatures était fixée au 23 novembre 1998, trouve sa cause directe dans l'illégalité du rejet de son offre ; qu'enfin, la demande de remboursement des honoraires qu'elle a versés à ses avocats n'est nullement justifiée ;

Considérant que la SOCIETE ENTREPRISE MAS a droit sur la somme de 33 464,43 euros aux intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2000, date de la demande introductive d'instance ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 31 décembre 2001 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, les intérêts sur la somme de 33 464,43 euros échus à la date du 31 décembre 2001 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêt ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE ENTREPRISE MAS est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation et à demander la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse à lui verser une indemnité de 33 464,43 euros avec intérêts et capitalisation des intérêts ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SOCIETE ENTREPRISE MAS, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, soit condamnée à verser à la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse la somme qu'elle demande sur le fondement de ces dispositions ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse à verser à la SOCIETE ENTREPRISE MAS la somme de 1 300 euros qu'elle demande sur le même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 mars 2003 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'indemnisation de la SOCIETE ENTREPRISE MAS.

Article 2 : La chambre de commerce et d'industrie de Toulouse est condamnée à verser à la SOCIETE ENTREPRISE MAS une indemnité de 33 464,43 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2000. Les intérêts échus à la date du 31 décembre 2001 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêt.

Article 3 : La chambre de commerce et d'industrie de Toulouse versera à la SOCIETE ENTREPRISE MAS la somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de la SOCIETE ENTREPRISE MAS et les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

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No 03BX01517


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 03BX01517
Date de la décision : 31/10/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ZAPATA
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. VALEINS
Avocat(s) : MONROZIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2006-10-31;03bx01517 ?
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