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06/11/2006 | FRANCE | N°02BX00757

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 06 novembre 2006, 02BX00757


Vu la requête, enregistrée en télécopie le 22 avril 2002 sous le n° 02BX00757, et en original le 24 avril 2002, présentée pour la COMMUNE DE CLAIX représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE CLAIX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 24 janvier 2002 , par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a annulé, sur la demande de l' « Association pour la protection de la vallée du Claix, des Chaumes, Bois de Clérignac et environs », la délibération du 23 mars 2001 du conseil municipal approuvant la révision du plan d'occupation des sols et l

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Vu la requête, enregistrée en télécopie le 22 avril 2002 sous le n° 02BX00757, et en original le 24 avril 2002, présentée pour la COMMUNE DE CLAIX représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE CLAIX demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 24 janvier 2002 , par lequel le Tribunal administratif de Poitiers a annulé, sur la demande de l' « Association pour la protection de la vallée du Claix, des Chaumes, Bois de Clérignac et environs », la délibération du 23 mars 2001 du conseil municipal approuvant la révision du plan d'occupation des sols et l'a condamnée à verser à cette association la somme de 765 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter la demande présentée par l' « Association pour la protection de la vallée du Claix, des Chaumes, Bois de Clérignac et environs » devant le Tribunal administratif de Poitiers ;

3°) de condamner ladite association à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2006 :

- le rapport de Mme Boulard ;

- les observations de Me Adeline-Delvolvé, associée de Me Lefèvre, avocat de la COMMUNE DE CLAIX ;

- les observations de Me Brossier, de la SCP Haie-Pasquet-Veyrier, avocat de l'Association pour la protection de la vallée de Claix ;

- et les conclusions de M. Pouzoulet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, pour annuler la délibération du 23 mars 2001 par laquelle le conseil municipal de la COMMUNE DE CLAIX a approuvé la révision du plan d'occupation des sols de la commune, le Tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur quatre moyens, tirés le premier de la méconnaissance de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, le deuxième de l'irrégularité du rapport de présentation au regard des exigences de l'article R. 123-17 du même code, les deux derniers de l'illégalité du plan révisé au regard des articles L. 123-1 et L. 121-10 dudit code en raison de la modification du classement du site « Champs et bois de Clérignac » ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme issu de l'article 37 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 : Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ; qu'en vertu de ces dispositions, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation de la révision d'un plan d'occupation des sols en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la décision attaquée : « Le conseil municipal délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : a) toute modification ou révision du plan d'occupation des sols qui ouvre à l'urbanisation tout ou partie d'une zone d'urbanisation future (…) » ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE CLAIX, l'obligation de concertation imposée par les dispositions susmentionnées de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme n'est pas réservée aux procédures relatives aux zones d'aménagement concerté ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des précisions apportées par l' « Association pour la protection de la vallée du Claix, des Chaumes, Bois de Clérignac et environs » restées sans contredit, ainsi que des analyses retracées dans le rapport de présentation du plan d'occupation de sols révisé, que la délibération en litige a ouvert à l'urbanisation des terrains auparavant classés en zone d'urbanisation future, tels que ceux situés dans le secteur dit « chez Papin » ; que, par suite, et alors même que cette ouverture se traduirait par des modifications ponctuelles ou reflèterait l'implantation de bâtiments existant à la date de la délibération attaquée, le conseil municipal de CLAIX était tenu de délibérer sur les modalités d'une concertation avec les personnes concernées ; qu'il est constant que le projet d'urbanisation n'a pas donné lieu à une délibération relative aux modalités de cette concertation ; qu'ainsi, l'ouverture à l'urbanisation des zones d'urbanisation future a été faite en violation de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme ; que cette violation affecte la légalité du plan d'occupation des sols révisé en tant qu'il ouvre lesdites zones à l'urbanisation ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu du 2 de l'article R. 123-17 du code de l'urbanisme, le rapport de présentation qui accompagne le plan d'occupation des sols « analyse, en fonction de la sensibilité du milieu, l'état initial du site et de l'environnement et les incidences de la mise en oeuvre du plan d'occupation des sols sur leur évolution ainsi que les mesures prises pour leur préservation et leur mise en valeur » ;

Considérant que le Tribunal administratif de Poitiers, après avoir relevé « que le rapport de présentation de la révision du plan d'occupation des sols, qui a notamment pour objet de classer un espace de 40 hectares en zone NC afin de permettre l'exploitation de carrières sur cette partie du territoire de la commune, ne comporte aucune indication ni sur le projet lui-même, ni sur ses conséquences prévisibles sur l'environnement de la zone » juge que ce rapport « qui se borne à présenter en quelques lignes et de manière générale l'intérêt de la zone NC dans son ensemble, ne comporte pas les indications satisfaisant aux dispositions précitées de l'article R. 123-17 du code de l'urbanisme, qui, eu égard à l'objet de la décision et à l'incidence sur le milieu naturel de la création de carrières, faisaient obligation de mentionner tant les éléments caractéristiques de l'état initial de l'environnement que les orientations principales des mesures retenues, dans le cadre du plan, pour en assurer la protection » ; que la COMMUNE DE CLAIX ne critique pas de manière précise les défaillances du rapport de présentation que les premiers juges ont relevées sans méconnaître l'étendue de sa compétence en matière d'urbanisme ni l'indépendance de la législation propre à cette matière à l'égard de celle relative aux installations classées ; que la simple référence faite par la commune requérante au projet d'intérêt général que constituerait la ligne du train à grande vitesse, mais dont elle ne précise pas le tracé, et qui n'est que très succinctement évoqué dans le rapport de présentation, n'est pas de nature à pallier les insuffisances de ce document ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, d'écarter l'argumentation de la requête tenant à l'article R. 123-17 du code par adoption des motifs retenus par le Tribunal administratif de Poitiers ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme dont les dispositions alors applicables valent loi d'aménagement et d'urbanisme : « Les documents d'urbanisme déterminent les conditions permettant, d'une part, de limiter l'utilisation de l'espace, de maîtriser les besoins de déplacement, de préserver les activités agricoles, de protéger les espaces forestiers, les sites et paysages naturels ou urbains, de prévenir les risques naturels prévisibles et les risques technologiques ainsi que les pollutions et nuisances de toute nature et, d'autre part, de prévoir suffisamment d'espaces constructibles pour les activités économiques et l'intérêt général, ainsi que pour la satisfaction des besoins présents et futurs en matière d'habitat (…) » ; qu'aux termes de l'article L. 123-1 du même code : « Les plans d'occupation des sols fixent, dans le cadre des orientations des schémas directeurs ou des schémas de secteur, s'il en existe, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols, qui peuvent notamment comporter l'interdiction de construire. Les plans d'occupation des sols doivent, à cette fin, en prenant notamment en compte la préservation de la qualité des paysages et la maîtrise de leur évolution : délimiter les zones urbaines ou à urbaniser prenant notamment en compte les besoins en matière d'habitat, d'emploi, de services et de transport des populations actuelles et futures. La délimitation de ces zones prend en considération… l'existence de risques naturels prévisibles et de risques technologiques… Les plans d'occupation des sols doivent être compatibles dans les conditions fixées à l'article L. 111-1-1, avec les orientations des schémas directeurs ou schémas de secteur ou les directives territoriales d'aménagement ou les lois d'aménagement et d'urbanisme…» ; que selon les dispositions de l'article R. 123-18 dudit code : « I - Les documents graphiques doivent faire apparaître les zones urbaines et les zones naturelles. Ces zones, à l'intérieur desquelles s'appliquent les règles prévues à l'article R. 123-21..., sont : …c) Les zones de richesses naturelles, dites « Zones NC », à protéger en raison, notamment, de la valeur agricole des terres ou de la richesse du sol ou du sous-sol ; d) les zones, dites « Zones ND », à protéger en raison, d'une part, de l'existence de risques ou de nuisances, d'autre part, de la qualité des sites, des milieux naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment d'un point de vue esthétique, historique ou écologique » ; qu'aux termes de l'article R. 123-21 de ce code : Le règlement fixe les règles applicables aux terrains compris dans les diverses zones du territoire couvert par le plan. 1° A cette fin, il doit : a) Déterminer l'affectation dominante des sols par zones selon les catégories prévues à l'article R. 123-18 en précisant l'usage principal qui peut en être fait et, s'il y a lieu, la nature des activités qui peuvent y être interdites ou soumises à des conditions particulières, telles que l'ouverture ou l'extension d'établissements industriels, l'exploitation de carrières, les opérations d'affouillement ou d'exhaussement des sols (…) ;

Considérant que la délibération attaquée a pour objet de classer en zone NC un espace de 40 hectares environ du site « Champs et bois de Clérignac » auparavant classé en zone ND ; que le règlement du plan d'occupation des sols révisé applicable à cette zone NC, qu'il définit comme un espace très peu urbanisé qu'il convient de protéger en raison des ressources naturelles du sol et du sous-sol, autorise la création d'installations classées soumises à déclaration ou à autorisation liées à la mise en valeur des ressources naturelles du sol et du sous-sol ; qu'ainsi, ce règlement, qui ne comporte qu'une seule réserve suivant laquelle les établissements classés ne doivent pas entraver le développement des exploitations agricoles existantes, rend possibles l'extension de la carrière de calcaire déjà exploitée sur ce site et la création de nouvelles exploitations ; qu'il ressort des pièces du dossier que le site « Champs et bois de Clérignac », constitué de « pelouses calcaires », représente un milieu naturel abritant plusieurs espèces animales et végétales protégées ; que l'originalité et la rareté de ce milieu lui confèrent un intérêt particulier de nature à justifier sa préservation, ce qui a d'ailleurs justifié qu'il ait été, à la date de la délibération contestée, en voie d'intégration dans le réseau des sites Natura 2000 et d'homologation en tant que zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique ; que le classement de ce site dans la zone NC, compte tenu de l'étendue de la zone qu'il concerne, des facultés d'utilisation du sol qu'il offre sans qu'elles aient été bornées par des règles qu'il était dans les pouvoirs du conseil municipal de poser, et des risques de nuisances attachés à ces modes d'utilisation, est de nature à en altérer gravement les caractéristiques ; que le moyen tiré par la commune du projet d'intérêt général du train à grande vitesse n'est pas assorti de précision suffisante, quant à l'incidence du projet sur le site en cause, pour en apprécier le bien-fondé ; que, dans ces conditions et alors même que la modification du classement du site « Champs et bois de Clérignac » présenterait un intérêt économique pour la commune, cette modification ne peut être regardée comme compatible avec les prescriptions susmentionnées de l'article L. 121-10 précité et le conseil municipal de la COMMUNE DE CLAIX n'a pu décider ce nouveau zonage sans entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE CLAIX n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement dont elle fait appel, le Tribunal administratif de Poitiers a annulé la délibération de son conseil municipal du 23 mars 2001;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l' « Association pour la protection de la vallée du Claix, des Chaumes, Bois de Clérignac et environs », qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à rembourser à la COMMUNE DE CLAIX les frais exposés par celle-ci et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces mêmes dispositions et de condamner la COMMUNE DE CLAIX à verser à l'« Association pour la protection de la vallée du Claix, des Chaumes, Bois de Clérignac et environs » une somme de 1 300 euros en remboursement des frais de même nature exposés par elle ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE CLAIX est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE CLAIX versera à l' « Association pour la protection de la vallée du Claix, des Chaumes, Bois de Clérignac et environs » la somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 02BX00757


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 02BX00757
Date de la décision : 06/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Dominique BOULARD
Rapporteur public ?: M. POUZOULET
Avocat(s) : LEFEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2006-11-06;02bx00757 ?
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