La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/2006 | FRANCE | N°04BX01084

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 21 novembre 2006, 04BX01084


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 29 juin 2004, présenté par le MINISTRE DE LA SANTE ET DE LA PROTECTION SOCIALE, tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Pau n° 01/1654, en date du 27 avril 2004, en tant qu'il a alloué à Mme Nadine X une indemnité, qu'il estime excessive, de 149.838 euros, outre intérêts et capitalisation, en réparation des conséquences dommageables du refus d'autorisation d'ouverture d'une officine de pharmacie à Juillan qui lui avait été opposé par arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 12 juin 1996 ;

-----

--------------------------------------------------------------------------...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 29 juin 2004, présenté par le MINISTRE DE LA SANTE ET DE LA PROTECTION SOCIALE, tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Pau n° 01/1654, en date du 27 avril 2004, en tant qu'il a alloué à Mme Nadine X une indemnité, qu'il estime excessive, de 149.838 euros, outre intérêts et capitalisation, en réparation des conséquences dommageables du refus d'autorisation d'ouverture d'une officine de pharmacie à Juillan qui lui avait été opposé par arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 12 juin 1996 ;

------------------------------------------------------------------------------------------------------

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 octobre 2006,

le rapport de M. Zupan, premier conseiller ;

et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;

Sur l'appel principal :

Considérant que, par jugement du 20 janvier 1998, devenu définitif, le Tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté, en date du 12 juin 1996, par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées avait refusé à Mme X l'autorisation de créer, par voie dérogatoire, une officine de pharmacie sur le territoire de la commune de Juillan ; que, par le jugement attaqué du 27 avril 2004, le même tribunal a condamné l'Etat à verser à Mme Nadine X, en réparation des conséquences dommageables de l'illégalité dudit refus, constitutif d'une faute de nature à engager sa responsabilité, une indemnité de 149.838 euros, outre intérêts et capitalisation ; que le ministre de la santé et de la protection sociale, sans remettre en cause le principe de la responsabilité ainsi retenue par les premiers juges, demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a fixé, de manière selon lui excessive, le montant de l'indemnité due à Mme X ;

Considérant que, ainsi qu'en a jugé à bon droit le Tribunal administratif de Pau, Mme X peut valablement prétendre à la compensation du manque à gagner sur l'exploitation de l'officine que la décision préfectorale annulée l'a empêchée de créer ; que ce préjudice correspond à la différence entre le bénéfice, dont l'évaluation faite par les premiers juges n'est pas discutée par le ministre, que Mme X eût dégagé de cette exploitation et le montant total des revenus professionnels qu'elle a perçus durant la période litigieuse, soit du 12 juin 1996, date de l'arrêté préfectoral en cause, au 4 janvier 2000, date à laquelle l'intéressée a pu commencer à exploiter une autre officine de pharmacie à Nérac (Lot-et-Garonne) ; que, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE LA SANTE ET DE LA PROTECTION SOCIALE, le montant des revenus professionnels à prendre en compte en déduction du bénéfice escompté n'a pas à être revalorisé, par rapport à ce qu'il a réellement été, en considération de la circonstance selon laquelle Mme X n'aurait exercé de profession salariée qu'à temps partiel, ou aurait joui, en qualité de pharmacienne adjointe, d'une rémunération inférieure à ce qui est communément admis dans ce secteur d'activité ; que, par suite, le recours du MINISTRE DE LA SANTE ET DE LA PROTECTION SOCIALE doit être rejeté ;

Sur l'appel incident de Mme X :

Considérant, en premier lieu, que Mme X n'établit pas que, pour fixer à la somme de 149.838 euros le préjudice sus-évoqué, les premiers juges auraient fait une insuffisante estimation du manque à gagner subi par Mme X, compte tenu du chiffre d'affaires moyen d'une officine de pharmacie dans le type de secteur concerné et de la marge bénéficiaire habituellement relevée pour de tels commerces ; que, notamment, ils ont à bon droit appliqué à ce chiffre d'affaires moyen un abattement de 40%, la première année, puis 20%, la deuxième année, afin de tenir compte du temps nécessaire pour constituer une clientèle et atteindre un volume d'activité normal ; que Mme X, par ailleurs, n'établit pas davantage que les revenus professionnels qu'elle a perçus au cours de la période litigieuse, et devant, ainsi qu'il a été dit, entrer en déduction du bénéfice commercial escompté, seraient inférieurs à la somme de 34.646 euros retenue à ce titre par le jugement attaqué ;

Considérant, en second lieu, que Mme X ne démontre pas avoir définitivement perdu le bénéfice des frais et investissements, chiffrés à 40.978,87 euros, auxquels elle a procédé en vue d'aménager, à Juillan, le local commercial dans lequel elle comptait ouvrir son officine, et dont il lui est demeuré loisible d'envisager la vente ou la mise en location ; que si elle fait par ailleurs état d'un préjudice patrimonial, à concurrence de 762.245 euros, consécutif à la perte de toute chance d'obtenir l'autorisation de créer une officine de pharmacie, et donc d'en opérer la cession après cinq années d'activité, du fait qu'un transfert de pharmacie a été autorisé à Juillan, le préjudice ainsi allégué ne saurait en tout état de cause être regardé comme direct et certain ; qu'ainsi, Mme X ne peut prétendre au paiement des indemnités complémentaires qu'elle réclame par la voie de l'appel incident ;

Considérant, en revanche, que si le jugement énonce à bon droit que l'indemnité de 149.838 euros due à Mme X doit porter intérêts à compter du 12 juin 2000, date de la réception, par le préfet de sa demande préalable, et que l'intéressée peut prétendre à la capitalisation desdits intérêts échus le 18 septembre 2001, date d'enregistrement de sa première demande en ce sens, il devait être fait droit à cette demande, en application de l'article 1154 du code civil, tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle suivante, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la date des demandes itératives formulées en ce sens ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à Mme X une somme de 1 300 euros au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les intérêts de l'indemnité due par l'Etat à Mme X, courant à compter du 12 juin 2000, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts au 18 septembre 2001, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Pau du 27 avril 2004 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le recours du ministre de la santé et de la protection sociale et le surplus de l'appel incident de Mme X sont rejetés.

Article 4 : L'Etat versera à Mme X une somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

3

04BX01084


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 04BX01084
Date de la décision : 21/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEPLAT
Rapporteur ?: M. David ZUPAN
Rapporteur public ?: M. PEANO
Avocat(s) : AUBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2006-11-21;04bx01084 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award