La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/12/2006 | FRANCE | N°06BX01630

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, Juge des reconduites à la frontière, 07 décembre 2006, 06BX01630


Vu le recours, enregistré le 28 juillet 2006, présenté par le PRÉFET de la GIRONDE ; le PRÉFET de la GIRONDE demande à la Cour d'annuler le jugement n° 06/2532 du 7 juillet 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de Mlle Amane kouka en annulant l'arrêté du 29 juin 2006 décidant sa reconduite à la frontière et la décision du même jour fixant le Congo comme pays de destination, lui a enjoint de délivrer à Mlle kouka une autorisation provisoire de séjour, et mis à la charge de l'État la somme de

1 000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice adminis...

Vu le recours, enregistré le 28 juillet 2006, présenté par le PRÉFET de la GIRONDE ; le PRÉFET de la GIRONDE demande à la Cour d'annuler le jugement n° 06/2532 du 7 juillet 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Bordeaux a fait droit à la demande de Mlle Amane kouka en annulant l'arrêté du 29 juin 2006 décidant sa reconduite à la frontière et la décision du même jour fixant le Congo comme pays de destination, lui a enjoint de délivrer à Mlle kouka une autorisation provisoire de séjour, et mis à la charge de l'État la somme de 1 000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2006 :

* le rapport de Mme Flecher-Bourjol, président délégué ;

* et les conclusions de M. Doré, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mlle kouka, née en 1987 et de nationalité congolaise, soutient être arrivée en France, seule, en juillet 2004, après avoir séjourné en Côte d'Ivoire, au Togo et au Maroc, à la suite de l'assassinat, le 12 septembre 1998, de son père Jean Serge , commissaire de police de Makélékélé ; que jeune majeure, elle a été confiée par le juge des tutelles au président du Conseil général de la Gironde, puis à une structure d'insertion relevant du ministre de l'Éducation nationale ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant que Mlle kouka s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification de la décision du préfet de la Gironde du 16 mars 2006 refusant de lui attribuer un titre de séjour, confirmée le 9 juin 2006 par rejet du recours gracieux du 19 avril 2006 ; qu'elle relevait ainsi de la situation prévue par les dispositions susvisées du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur l'application de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que si Mlle kouka a adhéré aux parcours d'insertion qui lui ont été proposés, il ressort des pièces du dossier qu'elle ne démontre pas une volonté sérieuse de s'insérer dans la société française ; que sa situation actuelle de jeune adulte, entrée en France récemment, est décrite comme étant des plus précaires, alors que, sans attaches affectives, son maintien sur le territoire national procède des pressions que sa mère, demeurée au Congo, exerce dans le cadre d'échanges téléphoniques avec sa fille ; que ces circonstances ne permettent donc pas de conclure à une rupture du lien entre Mlle kouka et sa famille ; qu'ainsi, c'est à tort que le magistrat délégué a estimé que l'arrêté en date du 29 juin 2006 par lequel le préfet de la Gironde avait décidé la reconduite à la frontière de Mlle kouka était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et portait une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale ;

Considérant que si la Cour se saisit de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, il lui appartient alors d'examiner les autres moyens soulevés par Mlle kouka en première instance, devant le Tribunal administratif de Bordeaux ;

Sur la compétence de l'auteur de l'acte :

Considérant que l'arrêté contesté a été signé par M. Pény, secrétaire général de la préfecture de la Gironde, en vertu d'une délégation du 1er août 2005 publiée au recueil des actes administratifs le 1er août 2005 ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;

Sur la motivation de l'arrêté :

Considérant que l'arrêté du 29 juin 2006 indique que Mlle kouka s'est vue refuser, le 16 mars 2006, un titre de séjour et qu'elle s'est maintenue sur le territoire national au ;delà d'un mois à compter de la notification de ce refus ; qu'elle n'a pas apporté d'éléments établissant qu'il est porté une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale ; qu'elle n'établit pas être exposée à des peines contraires aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine où elle est effectivement réadmissible ; que l'arrêté est donc suffisamment motivé ;

Sur l'exception d'illégalité de l'arrêté de refus de séjour :

Considérant que si Mlle kouka affirme que la décision du 16 mars 2006 de refus de séjour, confirmée le 9 juin 2006 par rejet du recours gracieux du 19 avril 2006, qui fonde la mesure de reconduite, est illégale, elle n'en discute pas en dehors de la référence à la méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'application de la circulaire en date du 2 mai 2005 :

Considérant que Mlle kouka ne saurait se prévaloir utilement de la circulaire du 2 mai 2005 relative à la prise en charge des mineurs isolés en situation irrégulière, laquelle ne présente aucun caractère réglementaire ;

Sur l'application de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier qu'en admettant que la filiation avec Jean Serge soit établie, aucun élément ne permet de conclure que sa famille, demeurée au Congo et composée de sa mère et de ses nombreux frères et soeurs, ait eu à subir des persécutions depuis l'assassinat de celui-ci en 1998 ; que les circonstances de fait que Mlle kouka invoque, qui feraient d'elle un témoin en danger, comportant au demeurant des contradictions, ne permettent pas, eu égard à l'ancienneté des faits relatés, de conclure à une atteinte à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux du 7 juillet 2006 est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté en date du 29 juin 2006 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle kouka.

Article 2 : Les conclusions de la demande de Mlle kouka devant le Tribunal administratif de Bordeaux tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 29 juin 2006 ordonnant sa reconduite à la frontière sont rejetées.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Dominique FLECHER-BOURJOL
Rapporteur public ?: M. DORE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 07/12/2006
Date de l'import : 04/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 06BX01630
Numéro NOR : CETATEXT000017993878 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2006-12-07;06bx01630 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award