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12/12/2006 | FRANCE | N°04BX00239

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 12 décembre 2006, 04BX00239


Vu la requête enregistrée le 5 février 2004 au greffe de la cour sous le n° 04BX00239, présentée pour la FEDERATION FRANÇAISE DE CANOË-KAYAK dont le siège est 87 quai de la Marne à Joinville (94340) par Me Sebbar ;

Elle demande à la cour :

- d'annuler le jugement du 20 novembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation des articles 1 et 2 de l'arrêté en date du 11 juin 2001 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a réglementé la navigation sur les cours d'eau domaniaux du département classés en premiè

re catégorie piscicole ainsi que de la décision en date du 11 octobre 2001 rejetan...

Vu la requête enregistrée le 5 février 2004 au greffe de la cour sous le n° 04BX00239, présentée pour la FEDERATION FRANÇAISE DE CANOË-KAYAK dont le siège est 87 quai de la Marne à Joinville (94340) par Me Sebbar ;

Elle demande à la cour :

- d'annuler le jugement du 20 novembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation des articles 1 et 2 de l'arrêté en date du 11 juin 2001 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a réglementé la navigation sur les cours d'eau domaniaux du département classés en première catégorie piscicole ainsi que de la décision en date du 11 octobre 2001 rejetant son recours gracieux ;

- d'annuler les articles 1 et 2 de l'arrêté du 11 juin 2001 ainsi que de la décision du 11 octobre 2001 ;

……………………………………………………………………………………………..

Vu l'ensemble des pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le décret n° 73-912 du 21 septembre 1973 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement convoquées à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2006 :

- le rapport de Mme Fabien, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

Considérant que la FEDERATION FRANÇAISE DE CANOË-KAYAK ( FFCK ) a notamment pour objet statutaire de promouvoir et de gérer la pratique du canoë, du kayak ainsi que des activités sportives dérivées sur tout le territoire métropolitain ainsi que dans les départements et territoires d'outre-mer ; qu'eu égard à son objet social et aux effets d'une mesure restreignant la navigation , elle a intérêt à agir à l'encontre de la décision du préfet des Pyrénées-Atlantiques de limiter la navigation sur certains cours d'eau de son département alors même que des comités départementaux et régionaux seraient constitués sous forme d'associations au sein de cette fédération ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que pour réglementer, par son arrêté du 11 juin 2001, la navigation dans son département sur les cours d'eau domaniaux classés en première catégorie piscicole, le préfet des Pyrénées-Atlantiques s'est fondé sur la nécessité d'assurer la sécurité des usagers face au développement du nombre des pratiquants de la navigation de loisir, la protection des milieux piscicoles et aquatiques et la reproduction des salmonidés et cyprinidés ainsi que le respect des intérêts des diverses catégories d'utilisateurs des cours d'eau ; qu'au soutien de sa demande tendant à l'annulation de ces dispositions, la FEDERATION FRANÇAISE DE CANOË-KAYAK a contesté chacun de ces motifs ; que, pour rejeter cette demande par le jugement attaqué en date du 20 novembre 2003, le tribunal administratif de Pau a considéré que le motif tiré de la conciliation des intérêts des différents usagers justifiait légalement les dispositions contestées nonobstant l'illégalité des autres motifs fondant ces dernières ; qu'en se bornant à relever que le préfet pouvait se fonder légalement sur ce seul motif sans préciser qu'il ressortait des pièces du dossier qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce dernier à l'exclusion des autres motifs, le tribunal a entaché son jugement d'un défaut de motivation ; que la fédération requérante est en conséquence fondée à soutenir que ce jugement doit être annulé pour irrégularité ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la FEDERATION FRANÇAISE DE CANOË-KAYAK devant le tribunal administratif de Pau ;

Sur la demande présentée par la FEDERATION FRANÇAISE DE CANOË-KAYAK :

Considérant qu'aux termes de l'article L 211-1 du code de l'environnement : « I- Les dispositions des chapitres I à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée de la ressource en eau ; cette gestion équilibrée vise à assurer : 1° La préservation des écosystèmes aquatiques…II-La gestion équilibrée doit permettre de satisfaire ou de concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : …2° De la vie biologique du milieu récepteur , et spécialement de la faune piscicole ; …4° … de la pêche en eau douce… du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées. » ; que l'article L 214-12 du même code prévoit que : « En l'absence de schéma d'aménagement et de gestion des eaux approuvé, la circulation sur les cours d'eau des engins nautiques de loisir non motorisés s'effectue librement dans le respect des lois et règlements de police et des droits des riverains… » ; que l'article 1er du décret n° 73-912 du 21 septembre 1973 modifié portant règlement général de police de la navigation intérieure dispose : « La police de la navigation sur les fleuves, rivières, canaux, lacs, retenues et étangs d'eau douce ainsi que leurs dépendances, est régie par le règlement général de police de la navigation intérieure annexé au présent décret ainsi que par les règlements particuliers pris pour son exécution. Ces règlements particuliers sont : 1° des arrêtés préfectoraux lorsqu'il y a lieu de prescrire des dispositions de police applicables à l'intérieur d'un seul département … » ;

Considérant que, par l'article 1er de l'arrêté du 11 juin 2001, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a interdit entre 19 heures et 9 heures 30 la navigation des embarcations d'une capacité inférieure ou égale à 4 personnes sur certaines portions des gaves de Pau, d'Oloron, le Saison et la Nive, cours d'eau domaniaux classés en première catégorie piscicole; que par l'article 2 du même arrêté, il a, sur l'ensemble des cours d'eau classés en première catégorie piscicole, interdit la navigation des embarcations d'une capacité supérieure à 4 personnes durant toute la journée pendant la période de frai des salmonidés du 15 novembre au 15 mars, de 19 heures à 10 heures du 1er juillet au 31 août et de 18 heures à 10 heures pendant les autres périodes ;

Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'autorité préfectorale de motiver les dispositions réglementant l'exercice de la navigation dans son département sur l'ensemble des cours d'eau domaniaux ou sur une catégorie d'entre eux ; que la fédération requérante n'est, en conséquence et en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir de l'insuffisante motivation de l'arrêté du 11 juin 2001 ;

Considérant que le préfet était, en vertu des dispositions précitées du décret du 21 septembre 1973, compétent pour réglementer dans son département la navigation sur les cours d'eau domaniaux quelle que soit la nature des embarcations ; que les prérogatives reconnues à la FEDERATION FRANÇAISE DE CANOË-KAYAK pour procéder au classement technique des parcours en fonction de leur difficulté au regard de la pratique du canoë-kayak ne saurait faire obstacle à l'exercice de cette compétence en vue d' assurer la sécurité de la navigation ; que, en application des dispositions précitées de l'article L 211-1 du code de l'environnement, le préfet était également tenu de prendre en considération notamment les exigences de protection de la faune piscicole ainsi que la nécessité de concilier les intérêts des différents usagers, et en particulier des pêcheurs et des pratiquants de loisirs et de sports nautiques ; que, à supposer même que la pratique de la pêche pendant une période déterminée de l'année puisse être regardée comme gênante pour la pratique des sports et loisirs nautiques, la circonstance qu'elle ne ferait l'objet d'aucune limitation spécifique en vue de favoriser cette dernière activité ne saurait permettre d'établir que le principe d'égalité serait méconnu par l'arrêté du 11 juin 2001 dès lors que les pêcheurs et les pratiquants de sports et loisirs nautiques ne sont, en tout état de cause, pas placés dans une situation identique au regard des usages de l'eau ; que les moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision, de l'erreur de droit ainsi que de la méconnaissance du principe d'égalité ne sont en conséquence pas fondés ;

Considérant que, compte tenu de la présence dans les cours d'eau domaniaux des Pyrénées-Atlantiques classés en première catégorie piscicole de plusieurs espèces protégées dont des salmonidés, le préfet n'a pas fait une inexacte appréciation des exigences de protection de la faune piscicole, d'une part, en interdisant, pendant la période de frai des salmonidés entre le 15 novembre et le 15 mars, la navigation des embarcations d'une capacité supérieure à 4 personnes sur l'ensemble de ces cours d'eau et, d'autre part, en limitant, pendant la même période, la navigation des embarcations d'une capacité inférieure entre 9 h 30 et 19 heures sur des portions de certains de ces cours d'eau ; que ce motif était à lui seul susceptible de justifier légalement ces mesures ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ce seul motif ;

Considérant que, compte tenu des horaires respectifs habituels de pratique de la pêche et de la navigation ainsi que des conflits ayant déjà opposé des pêcheurs et des pratiquants de sports et loisirs d'eaux vives, le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'a pas fait une inexacte appréciation de la nécessité de concilier les intérêts des différents usagers des cours d'eau domaniaux et d'assurer leur sécurité en limitant en outre, pendant la période d'ouverture de la pêche, fixée traditionnellement du deuxième samedi de mars au deuxième dimanche de septembre, d'une part, la navigation des embarcations d'une capacité inférieure ou égale à 4 personnes entre 9 heures 30 et 19 heures sur des portions de certains cours d'eau domaniaux et, d'autre part, la navigation des embarcations d'une capacité supérieure à 4 personnes entre 10 heures et 18 heures ou 19 heures sur l'ensemble des cours d'eau domaniaux classés en première catégorie piscicole ; que ces motifs étaient susceptibles de justifier légalement ces mesures ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé sur ces seuls motifs ;

Considérant, en revanche, que la limitation de la navigation, sur l'ensemble des cours d'eau domaniaux de première catégorie piscicole ou sur certaines portions de ces derniers , entre 10 heures et 18 heures ou 19 heures pour les embarcations d'une capacité supérieure à 4 personnes et entre 9 heures 30 et 19 heures pour les embarcations d'une capacité inférieure, entre le deuxième dimanche de septembre et le 14 novembre, soit en dehors des périodes de pêche et de frai des salmonidés, n'est pas susceptible d'être justifiée par le motif tiré de la recherche d'une conciliation entre les différents usages de l'eau ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mesure serait nécessitée par la protection de la faune piscicole ; que si les exigences de sécurité de la navigation sont susceptibles de justifier, quel que soit le classement du cours d'eau au regard des difficultés de la pratique du canoë-kayak, l'interdiction de la navigation pendant des heures au cours desquelles la visibilité est nulle ou réduite, elles ne sauraient justifier cette interdiction à des heures de la journée offrant une visibilité suffisante ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la FEDERATION FRANÇAISE DE CANOË-KAYAK est seulement fondée à demander l'annulation des articles 1 et 2 de l'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 11 juin 2001 en tant qu'il a interdit, entre la date de clôture de la période de pêche et la date de début de la période de frai des salmonidés, la navigation de toute embarcation pendant des heures incluses entre le lever et le coucher du soleil ; qu'elle est fondée, dans cette mesure et par voie de conséquence, à demander l'annulation partielle de la décision du préfet du 11 octobre 2001 rejetant son recours gracieux ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 20 novembre 2003 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques en date du 11 juin 2001 est annulé en tant qu'il interdit la navigation de toute embarcation entre la clôture de la période de pêche et le début de la période de frai des salmonidés pendant des heures incluses entre le lever et le coucher du soleil. La décision du préfet des Pyrénées-Atlantiques en date du 11 octobre 2001 est également annulée en tant qu'elle rejette le recours gracieux de la FEDERATION FRANÇAISE DE CANOË-KAYAK formé à l'encontre desdites dispositions.

Article 3 : Le surplus de la demande présentée par la FEDERATION FRANÇAISE DE CANOË-KAYAK devant le tribunal administratif de Pau est rejeté.

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N° 04BX00239


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 04BX00239
Date de la décision : 12/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUDEZERT
Rapporteur ?: Mme Mathilde FABIEN
Rapporteur public ?: Mme JAYAT
Avocat(s) : SEBBAR

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2006-12-12;04bx00239 ?
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