La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2006 | FRANCE | N°04BX00250

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 19 décembre 2006, 04BX00250


Vu le recours enregistré au greffe de la cour le 6 février 2004, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES ;

Le MINISTRE demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 4 décembre 2003 en tant qu'il a reconnu l'Etat responsable des préjudices consécutifs à la saisie par les services vétérinaires de la Charente-Maritime des viandes d'origine britannique détenues par la société FMT Productions du fait du stockage de ces viandes entre le 18 janvier 1999 et le 6 octobre 1999, ains

i que le coût de destruction de ces viandes et a condamné l'Etat à ...

Vu le recours enregistré au greffe de la cour le 6 février 2004, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES ;

Le MINISTRE demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 4 décembre 2003 en tant qu'il a reconnu l'Etat responsable des préjudices consécutifs à la saisie par les services vétérinaires de la Charente-Maritime des viandes d'origine britannique détenues par la société FMT Productions du fait du stockage de ces viandes entre le 18 janvier 1999 et le 6 octobre 1999, ainsi que le coût de destruction de ces viandes et a condamné l'Etat à payer à la société FMT Productions une somme de 306 655,14 € ; il soutient que :

- la société FMT Productions exerçait en 1996 l'activité d'abattage et de transformation d'animaux de boucherie ; elle s'approvisionnait auprès de fournisseurs européens et notamment britanniques ; par deux arrêtés en date du 21 mars 1996, le MINISTRE DE L'AGRICULTURE a interdit l'importation sur le territoire national, d'une part, des bovins originaires du Royaume-Uni et, d'autre part, des viandes bovines et des produits d'origine animale préparés à partir de viandes bovines originaires du Royaume-Uni en raison des risques d'encéphalopathie spongiforme bovine ; le 8 juillet 1996, la direction des services vétérinaires de la Charente-Maritime a consigné le stock de viandes à risque appartenant à la société FMT Productions ; celle-ci a obtenu du tribunal administratif de Poitiers, par jugement du 8 avril 1998, 25 188 810 F d'indemnités en réparation du dommage que lui a causé cette consignation, se décomposant en 21 040 730 F à titre principal, 2 254 080 F au titre des frais de congélation des viandes et 1 894 000 F au titre des frais financiers ; la société a été indemnisée de ces sommes par l'administration ; à la suite de ce jugement, la société a interrogé l'administration sur les conditions de destruction des viandes consignées ; le directeur des services vétérinaires de la Charente-Maritime a fait connaître ces modalités à la société par téléphone, le 13 mai 1998 ; ces modalités ont été confirmées par courrier du 25 mai 1998 ; par le jugement attaqué, le tribunal a accordé une réparation du fait du stockage de ces viandes entre le 18 janvier 1999 et le 6 octobre 1999, ainsi que du fait de la destruction de ces viandes ;

- le jugement est irrégulier car le tribunal n'a pas respecté l'obligation qui lui est faite d'analyser les conclusions et mémoires des différentes parties ; le jugement ne vise que les conclusions de la société FMT Productions et n'analyse pas les mémoires du ministre ni ne tient compte de son argumentation pour faire droit aux conclusions de la société ; le jugement est insuffisamment motivé : le juge ne justifie nullement en quoi la responsabilité de l'Etat serait engagée pour la période comprise entre l'ordre donné par le liquidateur de la société de détruire les viandes (18 janvier 1999) et la date du début des opérations de destruction (9 février) : ce délai n'est pas imputable à l'Etat et la société n'a apporté aucun élément de nature à démontrer la responsabilité de l'Etat pour cette période ; le même raisonnement peut être tenu pour les frais de stockage pendant la durée d'élimination des viandes (soit du 9 février au 6 octobre 1999) : la responsabilité de l'Etat ne peut être engagée que si la longueur du délai d'élimination n'est pas imputable à la société FMT Productions, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

- sur l'indemnisation des frais de stockage des viandes entre le 1er février 1998 et le 30 octobre 1999 : il ressort du premier jugement du tribunal administratif que les frais de stockage ont été indemnisés jusqu'au 8 avril 1998 ; la société ne saurait prétendre à l'indemnisation des frais de stockage antérieurs à ce jugement ; l'Etat ne peut payer une seconde fois ; c'est donc à juste titre que l'indemnisation de ces frais a été écartée pour cette période ;

- la société FMT Productions a attendu pour commencer à détruire les viandes stockées un engagement de l'Etat à prendre les frais liés à cette destruction alors même qu'aucune disposition légale n'était de nature à créer une telle obligation ; elle a délibérément décidé de ne commencer à procéder à la destruction des marchandises consignées qu'à compter du mois de février 1999 ; la décision de maintenir le stockage de ces viandes n'est donc imputable qu'à ladite société ; le délai d'un mois mis par l'administration pour répondre ne pouvant être considéré comme excessif ; il ne saurait donc y avoir indemnisation de ce stockage du 8 mai 1998 au 30 octobre 1999 ;

- sur l'indemnisation des frais liés à la destruction des viandes : le cahier des charges pour l'élimination et l'indemnisation des viandes de gros bovins et des produits d'origine bovine originaires du Royaume-Uni du 10 juin 1996 prévoit les modalités de prise en charge par l'OFIVAL des dépenses réalisées par les entreprises dont une partie de la marchandise a été consignée suite aux arrêtés du 21 mars 1996 et liées à la destruction de ces marchandises ; ce dispositif prévoit une indemnité de 1 000 F par tonne détruite ; à ce titre, la société FMT Productions ne se trouve en aucun cas dans une situation particulière : sa situation est comparable à celle des autres entreprises qui ont été concernées par ces arrêtés ; l'indemnité ne peut être versée que lorsque la preuve de la destruction a été apportée ; l'indemnité de 1 000 F la tonne couvrait la destruction et les frais divers qui y étaient liés, à condition que la société procède elle-même à cette destruction ; ces conditions ont été indiquées à la société ; par décision du 21 juillet 1998, le directeur de l'OFIVAL a accordé à la société FMT Productions une indemnité forfaitaire de 1 237 600 F (188 670,90 €) sous réserve de la production d'une attestation de la réalité de la destruction ; l'OFIVAL a émis plusieurs certificats de paiement entre le 29 mars et le 12 octobre 1999 ; mais l'OFIVAL a également émis un titre de recettes à l'encontre de cette société pour 1 286 742,02 F d'aides indûment perçues ; l'OFIVAL a compensé cette dette ; la société FMT Productions n'est donc pas fondée à demander à l'Etat de prendre en charge les frais engagés pour détruire les marchandises lui appartenant qui ont été consignées par les services vétérinaires, puisque ces frais ont déjà été pris en charge par l'OFIVAL ; les premiers juges ont porté une appréciation erronée sur les faits de l'espèce ; si la société FMT Productions entend contester les titres de recettes émis par l'OFIVAL, il lui appartient de saisir la juridiction compétente ;

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 novembre 2006 :

- le rapport de M. Dronneau ;

- et les conclusions de M. Valeins, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par jugement devenu définitif en date du 8 avril 1998, le tribunal administratif de Poitiers a condamné l'Etat à payer à la société FMT Productions une somme de 25 188 810 F en réparation des conséquences dommageables pour ladite société de la consignation, par décision du directeur des services vétérinaires de la Charente-Maritime en date du 8 juillet 1996, d'un stock de viandes qui contenait des viandes d'origine britannique interdites à la commercialisation et à la consommation en raison des risques liés à l'encéphalopathie spongiforme bovine ; que, par jugement du 4 décembre 2003, le tribunal administratif de Poitiers a, sur la demande de la société FMT Productions, condamné l'Etat à lui verser une indemnisation complémentaire de 306 655,14 € couvrant les frais de stockage de ces viandes pour les périodes du 9 avril au 10 juin 1998 et du 18 janvier au 6 octobre 1999, ainsi que les frais de destruction desdits stocks ; que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE L'ALIMENTATION, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal administratif de Poitiers ait analysé et pris en compte les mémoires produits en défense par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DE LA PECHE ET DES AFFAIRES RURALES ; que le jugement étant ainsi entaché d'irrégularité, le MINISTRE est fondé à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions de la société FMT Productions présentées devant le tribunal administratif de Poitiers ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, que si la société FMT Productions demande la condamnation de l'Etat à l'indemniser des frais de stockage des viandes en cause du 1er février au 8 avril 1998, il résulte de l'instruction, et notamment du jugement du 8 avril 1998, que lesdits frais ont été pris en compte jusqu'à cette date dans l'indemnité que lui a allouée ce jugement ; que, dès lors, la demande ne peut qu'être écartée pour cette période ;

Considérant, en deuxième lieu, que le ministre ne conteste pas qu'il incombe à l'Etat, sur le fondement de la rupture du principe d'égalité devant les charges publiques retenu par le jugement du 8 avril 1998, d'indemniser le préjudice anormal et spécial supporté par la société pour le stockage de ces viandes du 9 avril au 9 juin 1998, date à laquelle la société FMT Productions a eu connaissance, par une lettre du directeur de l'Office national interprofessionnel des viandes, de l'élevage et de l'aviculture (OFIVAL) confirmant l'information donnée le 25 mai 1998 par le directeur des services vétérinaires du département de la Charente-Maritime à ladite société, des modalités d'indemnisation forfaitaire de la destruction du stock de viande concerné;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction, qu'à partir du 10 juin 1998 et jusqu'au 6 octobre 1999, la lenteur avec laquelle les opérations de destruction des viandes ont été mises en oeuvre et effectuées est exclusivement imputable à la société FMT Productions ; que l'Etat ne saurait supporter le coût du stockage au-delà du 9 juin 1998 et jusqu'à la destruction complète du stock en dehors de toute faute ou retard lui incombant ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société FMT Productions a droit à une indemnité représentant le coût du stockage de la totalité du lot de viandes consigné, soit 1 237,69 tonnes, du 9 avril au 9 juin 1998 inclus ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des éléments produits par l'expert et retenus par le jugement du 8 avril 1998, que le coût journalier du stockage est de 0,44 euros par tonne ; que, dès lors, il y a lieu de fixer à la somme de 33 219,60 € l'indemnité complémentaire à laquelle la société requérante peut prétendre au titre du stockage des viandes ; qu'elle est également fondée à être indemnisée du coût de destruction sur la base du prix forfaitaire fixé par l'Etat pour l'ensemble de la profession à 152,45 euros la tonne, soit 188 684,62 euros ; que, si l'Etat soutient que cette somme a été versée à la société par l'OFIVAL au titre de la destruction du stock, la société FMT Productions fait valoir sans être utilement contredite qu'elle n'a reçu à ce titre qu'une somme de 143 234,84 € ; qu'elle est, dès lors, fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui payer la différence entre ces deux sommes, soit 45 449,78 € ; que, par suite, il y a lieu de limiter l'indemnisation complémentaire due à la société FMT Productions à la somme de 78 669,38 € ; que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 23 février 2001, date de la demande devant le tribunal administratif de Poitiers ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Etat doit être condamné à verser à la société FMT Productions une somme de 78 669,38 € avec intérêts au taux légal à compter du 23 février 2001 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société FMT Productions la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 4 décembre 2003 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à payer à la société FMT Productions la somme de 78 669,38 € avec intérêts au taux légal à compter du 23 février 2001.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par la société FMT Productions devant le tribunal administratif de Poitiers est rejeté.

4

No 04BX00250


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 04BX00250
Date de la décision : 19/12/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ZAPATA
Rapporteur ?: M. Michel DRONNEAU
Rapporteur public ?: M. VALEINS
Avocat(s) : PENNAFORTE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2006-12-19;04bx00250 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award