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26/12/2006 | FRANCE | N°03BX01657

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 26 décembre 2006, 03BX01657


Vu la requête enregistrée le 7 août 2003 au greffe de la cour sous le n° 03BX01657, présentée pour L'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES VINS (ONIVINS), dont le siège est 232 rue de Rivoli à Paris (75001), venant aux droits de la société des alcools viticoles (SAV), par la SCP d'avocats Parmentier et Didier ;

Il demande à la cour :

- d'annuler le jugement n° 0102565 en date du 11 juin 2003 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a, d'une part, annulé la décision du 28 juillet 1999 de la SAV procédant au retrait des aides à la distillation d'un montant

de 695 426,41 euros ayant été attribuées à la société Distillerie La Tour ...

Vu la requête enregistrée le 7 août 2003 au greffe de la cour sous le n° 03BX01657, présentée pour L'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES VINS (ONIVINS), dont le siège est 232 rue de Rivoli à Paris (75001), venant aux droits de la société des alcools viticoles (SAV), par la SCP d'avocats Parmentier et Didier ;

Il demande à la cour :

- d'annuler le jugement n° 0102565 en date du 11 juin 2003 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a, d'une part, annulé la décision du 28 juillet 1999 de la SAV procédant au retrait des aides à la distillation d'un montant de 695 426,41 euros ayant été attribuées à la société Distillerie La Tour au titre de la campagne 1997/1998, la décision de la SAV du 10 septembre 1999 informant la société Distillerie La Tour qu'elle procédait à une compensation entre lesdites aides et celles auxquelles elle pouvait prétendre au titre de l'année 1999 ainsi que la décision du 30 mars 2000 de l'ONIVINS rejetant le recours gracieux de la société distillerie La Tour et, d'autre part, lui a enjoint de reverser à la société Distillerie La Tour la somme de 695 426,41 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2001 ;

- de condamner la société Distillerie La Tour à lui verser une somme de 2 300 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………..

Vu l'ensemble des pièces du dossier ;

Vu le règlement CE n° 822/87 du conseil du 16 mars 1987 ;

Vu le règlement CE n° 3105/88 de la commission du 7 octobre 1988 ;

Vu le règlement CE n° 2046/89 du conseil du 19 juin 1989 ;

Vu le règlement CE n° 2988/95 du conseil du 18 décembre 1995 ;

Vu le règlement CE n° 1258/99 du conseil du 17 mai 1999 ;.

Vu l'arrêté du ministre de l'agriculture et de la pêche du 14 novembre 1997 relatif à la distillation des vins de certains vignobles ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement convoquées à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 décembre 2006 :

- le rapport de Mme Fabien, premier conseiller,

- les observations de Me Vannini, avocat pour la société Distillerie La Tour,

- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'office national interprofessionnel des fruits, des légumes, des vins et de l'horticulture (ONIFLVH), venant aux droits de l'office national interprofessionnel des vins (ONIVINS), venant lui-même aux droits de la société des alcools de vins (SAV) demande l'annulation du jugement en date du 11 juin 2003 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a, d'une part, annulé des décisions se rapportant au retrait d'aides à la distillation obligatoire d'un montant de 695 426,41 euros allouées à la société Distillerie La Tour au titre de la campagne 1997/1998 et, d'autre part, enjoint à l'ONIVINS de lui rembourser la somme de 695 426,41 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2001 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que pour écarter le moyen soulevé par l'ONIVINS et tiré de ce que la récupération auprès du distillateur des aides à la distillation indûment versées serait prévue par l'article 22 § 3 du règlement communautaire n° 2046/89 du 19 juin 1989, le tribunal administratif de Poitiers s'est borné, par le jugement attaqué, à indiquer que l'organisme d'intervention ne pouvait se prévaloir de dispositions « qui visent des situations étrangères à celles de l'espèce » sans préciser les circonstances particulières l'amenant à considérer que la situation en cause n'était pas au nombre de celles visées par lesdites dispositions ; que l'ONIFLVH est en conséquence fondé à soutenir que le jugement est insuffisamment motivé et doit être annulé pour irrégularité ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Distillerie La Tour devant le tribunal administratif de Poitiers ;

Sur la demande d'annulation des décisions des 28 juillet 1999, 10 septembre 1999 et 30 mars 2000 présentée par la société Distillerie La Tour :

Considérant qu'aux termes de l'article 36 du règlement n° 822-87 du conseil de la communauté européenne du 16 mars 1987, portant organisation commune du marché viti-vinicole et alors en vigueur : « …2 Les vins issus de raisins de variétés figurant dans le classement pour la même unité administrative simultanément en tant que variétés à raisins de cuve et en tant que variétés destinées à une autre utilisation qui dépassent les quantités normalement vinifiées et qui ne sont pas exportés, sont distillés avant la fin de la campagne au cours de laquelle ils ont été produits. Sauf dérogation, ils ne peuvent circuler qu'à destination d'une distillerie…4 Dans le cadre de la distillation visée au présent article, le distillateur peut soit bénéficier d'une aide pour le produit à distiller à condition que le produit obtenu de la distillation ait un titre alcoométrique d'au moins 52 % vol, soit livrer à l'organisme d'intervention le produit obtenu de la distillation à condition qu'il ait un titre alcoométrique d'au moins 92 % vol… » ; que l'article 17 du règlement du conseil de la communauté européenne n° 2046/89 du 19 juin 1989, établissant les règles générales relatives à la distillation des vins et des sous-produits de la vinification et alors en vigueur, dispose que : « 1. Afin de bénéficier d'une aide, le distillateur présente, avant une date à déterminer, une demande à l'organisme d'intervention en y joignant, pour les quantités pour lesquelles l'aide est demandée : …un état récapitulatif des livraisons effectuées par chaque producteur …une déclaration… mentionnant au moins : les quantités de produits issus de la distillation…, les dates d'obtention de ces produits…la preuve qu'il a versé au producteur, dans les délais prévus, le prix minimal d'achat …3 L'organisme d'intervention paie au distillateur … l'aide… dans un délai de trois mois à compter du jour de la présentation de la demande, complétée par la documentation requise » ; qu'aux termes de l'article 11 du règlement n° 3105/88 de la commission européenne du 7 octobre 1988, établissant les modalités d'application des distillations obligatoires visées aux articles 35 et 36 du règlement communautaire n° 822/87 et alors en vigueur : « …2 Le distillateur qui entend bénéficier de l'aide visée au paragraphe 1 présente au plus tard le 31 octobre suivant la fin de la campagne en cause une demande à l'organisme d'intervention de l'Etat membre sur le territoire duquel a eu lieu la distillation… 3 Le versement de l'aide par l'organisme d'intervention au distillateur est subordonné à la condition que le distillateur, dans les deux mois qui suivent la présentation de la demande visée au paragraphe 2 : fournisse la preuve qu'il a payé le prix d'achat visé à l'article 10 ou constitue une garantie en faveur de l'organisme d'intervention. Cette garantie est égale à 110 % de l'aide demandée. L'organisme d'intervention verse au distillateur un montant correspondant à l'aide dans les trois mois qui suivent la présentation de la preuve de la constitution de la garantie… Le distillateur est tenu de fournir à l'organisme d'intervention , au plus tard le 31 décembre suivant la campagne en cause, la preuve qu'il a payé en totalité le prix d'achat visé à l'article 10. Au plus tard trois mois après la fourniture de cette preuve, l'organisme d'intervention libère la garantie. » ;

Considérant que la société Distillerie La Tour, qui exerce concomitamment les activités de négociant en vin et de distillateur agréé, a, en cette dernière qualité, déposé, au titre de la campagne 1997/1998 et sur le fondement des dispositions précitées de l'article 36 du règlement n° 822-87 du 16 mars 1987, des dossiers de demandes d'aide à la distillation obligatoire de « vins de cépage à double fin » acquis par ses soins en sa qualité de négociant en vue d'opérations d' exportation n'ayant pu être réalisées et dont elle a procédé à la distillation en juillet et août 1998 ; qu'il ressort des pièces du dossier que la société des alcools de vins (SAV), organisme d'intervention national alors chargé notamment de l'octroi des aides à la distillation, lui a versé, entre septembre et novembre 1998, les aides demandées pour un montant de 695 426,41 euros (4 561 698,21 F) ; qu'il est constant que, compte tenu des preuves de paiement aux producteurs, cet organisme a levé le 22 décembre 1998 les garanties qu'elle avait constituées en vertu de l'article 11 § 3 du règlement communautaire n° 3105/88 du 7 octobre 1988 ; que, cependant, par décision en date du 28 juillet 1999, la SAV lui a demandé de procéder au remboursement des sommes lui ayant été versées au motif que, ainsi que l'indiquait la « note interprétative » annexée du directeur général de la direction de l'agriculture de la commission européenne du 28 mai 1999, les livraisons faites par des opérateurs autres que les producteurs ne pouvaient bénéficier de l'aide à la distillation ;

Considérant que la décision de la SAV d'octroyer à la société Distillerie La Tour les aides à la distillation demandées au titre de la campagne 1997/1998, est matérialisée par le versement desdites aides entre septembre et novembre 1998 ; que la circonstance que l'aide en cause soit prévue par un règlement communautaire ne fait pas obstacle à l'application des règles de droit national aux termes desquelles une décision administrative, explicite ou implicite, accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire, alors même que l'administration était tenue de refuser cet avantage, et ne peut, sauf disposition contraire et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, être retirée que dans un délai de quatre mois à compter de ladite décision ;

Considérant que ni les dispositions de l'article 8 du règlement 1258/1999 du 17 mai 1999 relatif au financement de la politique agricole commune, ni celles du règlement 2988/95 du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des communautés européennes ne faisaient obligation à la SAV d'exiger le reversement d'aides à la distillation précédemment octroyées en raison de l'intervention de la « note interprétative » lui ayant été adressée le 28 mai 1999 par le directeur général de la direction de l'agriculture de la commission européenne en réponse à sa demande d'avis et estimant que le versement desdites aides n'était pas conforme à la réglementation communautaire ; que cette note ne constitue pas une décision des autorités communautaires déclarant une aide étatique incompatible avec les dispositions communautaires et impliquant, en l'absence de circonstances exceptionnelles, la restitution de cette aide depuis son origine nonobstant les règles de droit national précitées relatives au retrait des décision pécuniaires créatrices de droit ;

Considérant que l'ONIFLVH se prévaut également des dispositions de l'article 22 § 3 du règlement 2046/89 du 19 juin 1989 aux termes desquelles : « Dans le cas où le producteur ou le distillateur ne remplit pas, pour tout ou partie des produits livrés à la distillation, les conditions prévues par les dispositions communautaires pour la distillation en question : l'aide n'est pas due… Si l'aide a déjà été versée, l'organisme d'intervention récupère l'aide auprès du distillateur » ; que, cependant, il ressort des pièces du dossier, que les services de la SAV avaient été informés, notamment au cours d'une entrevue en juin 1998 avec le président directeur général de la société Distillerie La Tour des vins, que les demandes d'aides à la distillation qu'envisageait de présenter cette dernière portaient sur des vins livrés par des négociants et n'ayant pu être exportés ; qu'elle n'a, avant le versement des aides à compter de septembre 1998, émis aucune réserve après le dépôt des dossiers de demande en août 1998 indiquant l'origine des livraisons et qu'elle n'a notamment pas subordonné leur octroi définitif à la condition que les institutions communautaires confirment la possibilité, au regard des dispositions communautaires, d'allouer une aide à la distillation de produits livrés par des négociants ; que ce n'est que le 26 janvier 1999, qu'elle a adressé, sous couvert du ministre de l'agriculture, une note à la commission européenne appelant l'attention de cette dernière sur les produits livrés par les négociants et l'informant que, sauf avis contraire de sa part, elle envisageait d'accepter ces livraisons au titre de la campagne 1997/1998 et de mettre fin à cette pratique à compter de la campagne 1998/1999 ; que, dans ces conditions, les dispositions précitées de l'article 22 § 3 du règlement 2046/89 ne sauraient être regardées comme autorisant l'organisme national d'intervention, compétent pour octroyer les aides communautaires à la distillation, à retirer ces dernières, sans condition de délai, en se fondant sur la circonstance, dont elle avait connaissance avant le versement desdites aides, que les distillations concernaient des produits livrés par des négociants et non par des producteurs ;

Considérant enfin que le délai de retrait des aides allouées à la société Distillerie La Tour a commencé à courir à compter de la date de versement desdites aides entre septembre et novembre 1998 nonobstant la circonstance que la SAV n'avait pas encore connaissance de la réponse lui ayant été adressée par le directeur général de l'agriculture de la commission européenne le 28 mai 1999 ; qu'en conséquence, la société Distillerie La Tour est fondée à soutenir que la décision de retrait du 28 juillet 1999 est illégale en tant qu'elle est intervenue après l'expiration d'un délai de quatre mois à compter du versement desdites aides ; que dès lors et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens soulevés à son encontre, il convient d'annuler cette décision et, par voie de conséquence, la décision de la SAV en date du 10 septembre 1999 informant la société Distillerie La Tour qu'elle procèderait à une compensation entre les aides dont le remboursement était demandé et celles auxquelles elle pouvait prétendre au titre de l'année 1999 ainsi que la décision de l'ONIVINS en date du 30 mars 2000 rejetant le recours gracieux de la société Distillerie La Tour ;

Considérant que, dès lors qu'il est fait droit à la demande présentée à titre principal par la société Distillerie La Tour tendant à l'annulation des décision précitées, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande, présentée à titre subsidiaire, tendant à la condamnation de l'ONIVINS à lui verser une indemnité en réparation du préjudice subi ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ;

Considérant que l'annulation de la décision du 28 juillet 1999 au motif qu'elle est intervenue après l'expiration du délai de quatre mois dans lequel le retrait d'une décision créatrice de droits peut légalement intervenir, implique nécessairement que l'ONIVINS reverse à la société Distillerie La Tour la somme de 695 426,41 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la demande ; qu'il ressort cependant des mémoires produits par les parties devant la cour que cette somme a été effectivement reversée à la société Distillerie La Tour en exécution du jugement du tribunal administratif de Poitiers; que, dès lors, il n'y a pas lieu de prescrire une telle mesure ; qu'il y a lieu en revanche de rejeter les conclusions présentées en appel par l'ONIFLVH tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Distillerie La Tour de lui restituer ladite somme ;

Sur l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Distillerie La Tour, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à l'ONIFLVH la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de condamner à ce titre l'ONIFLVH à verser à la société Distillerie La Tour une somme de 1 300 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0102565 du tribunal administratif de Poitiers en date du 11 juin 2003 est annulé.

Article 2 : Les décisions de la SAV en date du 28 juillet 1999 et 10 septembre 1999 ainsi que la décision de l'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DES VINS en date du 30 mars 2000 relatives aux aides à la distillation versées à la société Distillerie la Tour sont annulées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de la société Distillerie La Tour est rejeté.

Article 4 : L'ONIFLVH versera à la société Distillerie La Tour une somme de 1 300 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par l'ONIFLVH en application des articles L 761-1 et L 911-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 03BX01657


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 03BX01657
Date de la décision : 26/12/2006
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. DUDEZERT
Rapporteur ?: Mme Mathilde FABIEN
Rapporteur public ?: Mme JAYAT
Avocat(s) : SCP PARMENTIER-DIDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2006-12-26;03bx01657 ?
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