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15/03/2007 | FRANCE | N°07BX00098

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, Juge des reconduites à la frontière, 15 mars 2007, 07BX00098


Vu la requête, enregistrée le 15 janvier 2007, présentée pour M. Nedjadi X, demeurant ..., par Me Bachet ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 065014 du 21 décembre 2006 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2006 par lequel le préfet du Tarn a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer une autorisation de séjour dans un délai d

e sept jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de ...

Vu la requête, enregistrée le 15 janvier 2007, présentée pour M. Nedjadi X, demeurant ..., par Me Bachet ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 065014 du 21 décembre 2006 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2006 par lequel le préfet du Tarn a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer une autorisation de séjour dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de se prononcer sur sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt sous la même astreinte ;

4°) de condamner l'Etat à verser la somme de 1 196 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir, au cours de l'audience publique du 13 mars 2007, présenté son rapport et entendu les conclusions de M. Cristille, commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention de Mme X :

Considérant que Mme X a intérêt à l'annulation de la décision contestée ; que son intervention est, dès lors, recevable ;

Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « l'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : [...] 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait [...] » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité algérienne, s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 16 septembre 2006, de la décision du 29 août 2006 du préfet du Tarn lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article L. 511-1-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant la reconduite à la frontière de l'intéressé ;

Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'après avoir effectué plusieurs séjours en France depuis 2000, M. X est entré pour la dernière fois sur le territoire national en août 2004, sous couvert d'un visa régulier, pour rejoindre son épouse avec laquelle il s'était marié en août 2000 ; qu'il est constant que celle-ci, titulaire d'une carte de résident, réside depuis l'âge de neuf ans en France, où vit toute sa famille depuis près de trente années, dont une soeur de nationalité française, et a donné naissance à un enfant, né en France le 3 novembre 2006 ; que la demande de regroupement familial formée par l'épouse du requérant a été rejetée pour insuffisance de ressources par décision du 5 février 2002 ; que M. X justifie de ce que les ressources du couple, à la date de l'arrêté attaqué, ne permettent pas davantage de satisfaire les conditions requises pour bénéficier de cette procédure ; que, dans ces circonstances, et alors même que l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel il a été pris ; qu'il a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du Tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé » ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet du Tarn de réexaminer la situation de M. X, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision, sans qu'il y ait lieu de prononcer d'astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant que M. X a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; que, par suite, son conseil peut, à la condition d'obtenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre définitif, se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions et sous réserve que Me Bachet, avocat de M. X, d'une part, obtienne le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre définitif, et, d'autre part, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner l'Etat à verser au conseil de M. X la somme de 1 196 euros demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de Mme X est admise.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Toulouse du 21 décembre 2006 est annulé, ensemble l'arrêté du préfet du Tarn en date du 19 décembre 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. X.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Tarn de réexaminer la situation de M. X au regard de son droit au séjour, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Bachet la somme de 1 196 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que M. X obtienne l'aide juridictionnelle à titre définitif, et que Me Bachet renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

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07BX00098


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc VIE
Rapporteur public ?: M. CRISTILLE
Avocat(s) : BACHET

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 15/03/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07BX00098
Numéro NOR : CETATEXT000017994481 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2007-03-15;07bx00098 ?
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