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28/06/2007 | FRANCE | N°06BX00047

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 28 juin 2007, 06BX00047


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 janvier 2006, présentée pour la société en nom collectif FRIEDLAND AMAZONIA, dont le siège est sis 1 rue du général Foy à Paris (75008), prise en la personne de son représentant légal, la société Friedland Gérance, elle-même représentée par son gérant en exercice, par la SCP Recoules et associés ;

La société FRIEDLAND AMAZONIA demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 02/28 - 02/100 - 02/101, en date du 20 octobre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Cayenne a rejeté ses demandes tendant

à la condamnation de l'Etat et de la commune de Macouria à lui verser une indemnité ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 janvier 2006, présentée pour la société en nom collectif FRIEDLAND AMAZONIA, dont le siège est sis 1 rue du général Foy à Paris (75008), prise en la personne de son représentant légal, la société Friedland Gérance, elle-même représentée par son gérant en exercice, par la SCP Recoules et associés ;

La société FRIEDLAND AMAZONIA demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 02/28 - 02/100 - 02/101, en date du 20 octobre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Cayenne a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l'Etat et de la commune de Macouria à lui verser une indemnité de 17.425.800 francs (2.656.546,10 euros) en réparation des conséquences dommageables de l'échec du projet de réalisation d'équipements de loisirs nautiques, à Macouria, dans lequel elle s'est investie ;

2° de condamner solidairement l'Etat et la commune de Macouria à lui verser une indemnité de 2.551.577 euros en réparation dudit préjudice ;

3° de condamner solidairement l'Etat et la commune de Macouria à lui verser la somme de 4000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2007,

le rapport de M. Zupan, premier conseiller ;

et les conclusions de M. Péano, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société FRIEDLAND AMAZONIA relève appel du jugement, en date du 20 octobre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Cayenne a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l'Etat et de la commune de Macouria à lui verser une indemnité de 17.425.800 francs (2.656.546,10 euros) en réparation des conséquences dommageables de l'échec du projet de réalisation d'équipements de loisirs nautiques, à Macouria, dans lequel elle s'est investie ;

Considérant que, par bail emphytéotique signé le 5 juillet 1993, le préfet de la Guyane a concédé à la société Fun Air un terrain appartenant à l'Etat, situé sur le territoire de la commune de Macouria, à l'effet d'y réaliser un équipement touristique comprenant, outre un bâtiment d'accueil, un « club house », des installations destinées à la pratique de l'ULM, une piscine et un terrain de tennis ; que ces installations ont été inaugurées en 1994 ; que la société Fun Air a envisagé d'y adjoindre une base nautique équipée d'un téléski, et en a confié la réalisation et l'exploitation à la société FRIEDLAND AMAZONIA, constituée à cet effet, à laquelle elle a loué, par contrat du 20 décembre 1995, une partie du terrain faisant l'objet du bail emphytéotique dont elle était titulaire ; que la société FRIEDLAND AMAZONIA a aussitôt fait l'acquisition du matériel nécessaire aux aménagements qu'elle s'était ainsi engagée à réaliser, pour un montant de 17.425.800 francs ; que, toutefois, le maire de Macouria a ordonné, par arrêté du 13 février 1997, la fermeture de l'ensemble du centre de loisirs Fun Air, aux motifs que les ouvrages le composant avaient été édifiés sans autorisation d'urbanisme, qu'il n'avait fait l'objet d'aucune décision d'ouverture au public, et que sa desserte routière était insuffisante ; que la société FRIEDLAND AMAZONIA, qui a ainsi vainement fait l'acquisition des matériels susmentionnés, demeurés à l'état d'abandon sur le site, estime avoir été trompée, tant par la commune de Macouria que par les services de l'Etat, quant à la faisabilité du projet en cause ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article I 5° du bail emphytéotique du 5 juillet 1993, le preneur et, par suite, également ses ayants-cause, doivent satisfaire, par leurs propres diligences, à l'ensemble des charges, « sans aucune exception ni réserve » résultant des réglementations en vigueur, ce qui inclut nécessairement les prescriptions d'urbanisme applicables aux terrains concernés et à la nature des aménagements devant y être réalisés ; qu'ainsi, il n'appartenait qu'à la société Fun Air, concernant les premières installations du centre de loisirs, puis à la société FRIEDLAND AMAZONIA, concernant la base nautique, de s'aviser de la constructibilité des terrains concédés par l'Etat, sans que le contrat du 5 juillet 1993 ne puisse être lu comme garantissant, par lui-même, la faisabilité de tels projets ; que, pour les mêmes raisons, l'inconstructibilité desdits terrains et, en conséquence, l'impossibilité, pour l'emphytéote, d'assurer légalement l'exécution de la clause lui imposant d'aménager le centre de loisirs, si elles étaient de nature à justifier l'échéance anticipée de ce contrat, comme il le stipulait lui-même expressément, n'en constituent pas une cause de nullité ; qu'ainsi, et à supposer d'ailleurs que la société FRIEDLAND AMAZONIA pût utilement, en tant que tiers, se prévaloir d'une telle nullité, la signature de ce bail emphytéotique, dont les stipulations précitées sont claires, ne peut en tout état de cause être regardée comme constitutive d'une faute de nature à engager, vis à vis de ladite société, la responsabilité de l'Etat ;

Considérant, en second lieu, que si le préfet de la Guyane et plusieurs responsables de services de l'Etat dans ce département ont manifesté leur satisfaction lors de l'inauguration du centre de loisirs Fun Air, puis leur intérêt pour l'installation, sur ce site, d'un téléski nautique, qu'ils estimaient de nature à favoriser le développement touristique local, il ne résulte pas de l'instruction qu'ils auraient donné à la société Fun Air, puis à la société FRIEDLAND AMAZONIA, des assurances quant à la régularité de ces projets au regard des prescriptions d'urbanisme auxquels ils étaient assujettis, et quant à l'obtention des autorisations y afférentes ; que de telles assurances ne sauraient résulter, ni du classement de ce site en village de vacance, selon arrêté préfectoral du 17 mai 1993, ni de l'agrément délivré par le directeur des services fiscaux de la Guyane, afin de constater l'éligibilité des investissements à la réduction de base d'imposition prévue par l'article 238 bis HA du code général des impôts, l'objet de telles décisions, comme le pouvoir d'appréciation dont elles procèdent, demeurant en tout état de cause étrangers à l'application des règles issues du code de l'urbanisme ou du code de la construction et de l'habitation ;

Considérant enfin que, les investissements engagés par la société FRIEDLAND AMAZONIA ne présentant pas le caractère de dépenses utiles pour l'Etat, ce dernier ne saurait voir sa responsabilité engagée, en l'absence même de toute faute commise par ses services, au titre d'un enrichissement sans cause ;

Sur la responsabilité de la commune de Macouria :

Considérant que l'arrêté susmentionné du 13 février 1997 prescrivant la fermeture du centre de loisirs est nécessairement fondé sur les dispositions de l'article R. 123-52 du code de la construction et de l'habitation, et non sur l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, lequel autorise seulement l'interruption de travaux en cours ; qu'il a dès lors été pris par le maire au nom de cette commune et non, comme elle le soutient, au nom de l'Etat ; qu'il est toutefois constant que les constructions édifiées sur le terrain concédé à la société Fun Air n'ont fait l'objet d'aucune autorisation d'urbanisme, ni d'aucune autorisation d'ouverture au public ; qu'en admettant même que certaines des installations en cause fussent soumises au seul régime de la déclaration de travaux, la société FRIEDLAND AMAZONIA ne saurait sérieusement en déduire que le caractère inconstructible des terrains concédés à la société Fun Air, classés en zone agricole par le plan d'occupation des sols de Macouria, ne pouvait faire obstacle à la réalisation de ces ouvrages ; que l'irrégularité de la situation ainsi créée pouvait légalement suffire à justifier, en vertu notamment de l'article R. 123-22 du code de la construction et de l'habitation, la fermeture du site ; que, par suite, l'adoption de cette mesure ne peut être regardée comme constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Macouria, alors même que celle-ci, comme il est soutenu, aurait méconnu ses propres engagements, à l'égard de la société Fun Air, quant à la réalisation d'un aménagement routier destiné à améliorer la desserte du centre de loisirs, et que cette société avait accepté, par convention du 22 avril 1994, de financer en partie ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le maire de Macouria, s'il a manifesté à son tour, entre 1993 et 1995, un vif intérêt pour la création du centre de loisir Fun Air, puis, en particulier, pour l'aménagement de la base nautique devant y être aménagée par la société FRIEDLAND AMAZONIA, aurait donné à cette dernière des assurances quant à la régularité de ces projets au regard des prescriptions d'urbanisme auxquels ils étaient assujettis, et quant à l'obtention des autorisations y afférentes ; qu'ainsi qu'il a été dit, il n'appartenait qu'à cette entreprise, eu égard notamment à l'importance des investissements qu'elle s'était engagée, vis à vis de la société Fun Air, à réaliser, de s'aviser, tant auprès de celle-ci que des autorités compétentes, des conditions dans lesquelles les installations prévues pourraient être réalisées ; qu'ainsi, les premiers juges ont à bon droit relevé que le préjudice dont elle se prévaut trouve son origine exclusive dans l'imprudence dont elle a fait preuve ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société FRIEDLAND AMAZONIA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cayenne a rejeté ses demandes dirigées contre l'Etat et contre la commune de Macouria ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat et la commune de Macouria, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, soient condamnés à verser à la société FRIEDLAND AMAZONIA la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement des mêmes dispositions, de condamner la société FRIEDLAND AMAZONIA à verser à la commune de Macouria une somme de 1300 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société FRIEDLAND AMAZONIA est rejetée.

Article 2 : La société FRIEDLAND AMAZONIA versera à la commune de Macouria une somme de 1300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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06BX00047


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 06BX00047
Date de la décision : 28/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LEPLAT
Rapporteur ?: M. David ZUPAN
Rapporteur public ?: M. PEANO
Avocat(s) : SCP RECOULES ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2007-06-28;06bx00047 ?
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