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10/07/2007 | FRANCE | N°04BX00532

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 10 juillet 2007, 04BX00532


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 25 mars 2004, présentée pour M. et Mme X, demeurant ..., par Me Boubal, avocat ;

M. et Mme X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9802886 du 2 décembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande de décharge du complément d'impôt sur le revenu qui leur a été assigné au titre de l'année 1994 ;

2°) de leur accorder la décharge demandée ou, pour le moins, celle des pénalités de mauvaise foi qui leur ont été infligées, et de condamner l'Etat à leur payer

une somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 25 mars 2004, présentée pour M. et Mme X, demeurant ..., par Me Boubal, avocat ;

M. et Mme X demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9802886 du 2 décembre 2003 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande de décharge du complément d'impôt sur le revenu qui leur a été assigné au titre de l'année 1994 ;

2°) de leur accorder la décharge demandée ou, pour le moins, celle des pénalités de mauvaise foi qui leur ont été infligées, et de condamner l'Etat à leur payer une somme de 2 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2007 :

- le rapport de M.Bonnet, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Jayat, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. et Mme X font appel d'un jugement du 2 décembre 2003, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande de décharge du complément d'impôt sur le revenu qui leur a été assigné au titre de l'année 1994 ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que si M. et Mme X soutiennent que l'administration a prononcé un dégrèvement en première instance, dont le tribunal administratif n'aurait pas tenu compte, il résulte de l'instruction que tel n'est pas le cas, l'avis produit devant la cour et invoqué en ce sens par les requérants concernant un autre impôt que celui en litige ; qu'ainsi le moyen manque en fait ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant que l'administration a remis en cause, à l'issue d'une vérification de comptabilité diligentée à l'égard de la SA PME Gestion, dont M. et Mme X étaient actionnaires majoritaires et dirigeants, la perception par M. X d'une indemnité de mission de 50 000 F, ainsi que d'une indemnité de licenciement de 800 000 F, et de même la perception par Mme X d'une indemnité de licenciement de 550 000 F ; que le vérificateur a en outre remis en cause l'exonération dont les intéressés avaient demandé à bénéficier sur les plus-values réalisées à l'occasion de la cession de droits sociaux ;

Considérant, sur le premier point, que si M. X fait valoir qu'il avait été chargé par la SA PME Gestion d'une mission dans le cadre de la création de la société industrielle d'assurances, et que la SA PME Gestion lui avait simplement remboursé les frais occasionnés par cette mission, qu'elle avait auparavant facturés à la nouvelle entité, il résulte de l'instruction que la réalité desdits frais n'est, en tout état de cause, aucunement justifiée ; qu'au surplus M. et Mme X n'établissent nullement que cette prétendue mission aurait été étrangère à l'objet social de la SA PME Gestion et aurait nécessité la mise en oeuvre par M. X de compétences propres sans rapport avec celles exigées pour l'exercice de ses fonctions de dirigeant de la même société ; qu'ainsi le vérificateur pouvait à bon droit regarder cette somme comme un revenu distribué à M. X et l'imposer dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Considérant, sur le deuxième point, que si M. X soutient qu'il n'a pas eu la disposition de l'indemnité susmentionnée de 800 000 F, dès lors qu'il devait, en cas de nécessité, la rembourser à la SA PME Gestion, ce qu'il aurait d'ailleurs fait en 1996, il résulte de l'instruction que cette somme lui a été effectivement été versée en 1994 et qu'il en a eu ainsi la disposition effective ; que la réalité du préjudice que cette somme était censée indemniser n'est nullement établie, M. X ayant conservé par la suite son poste de dirigeant au sein de la SA PME Gestion ; qu'enfin le remboursement ultérieur susmentionné de cette somme, d'ailleurs compensé par le versement d'une indemnité d'un montant supérieur au titre d'un départ à la retraite supposé intervenir la même année, a été motivé par l'appréciation défavorable du commissaire aux comptes de la société, lequel a relevé l'absence de justification du préjudice allégué ; qu'ainsi c'est à bon droit que le vérificateur a également retenu le caractère imposable, en totalité, de la somme en cause ;

Considérant, sur le troisième point, que si M. et Mme X soutiennent que la somme versée à Mme X par la SA PME GESTION, à titre d'indemnité de licenciement, revêtait un caractère non imposable, il résulte toutefois de l'instruction que l'intéressée a été recrutée, en juillet 1993, dans des fonctions équivalentes à celles assumées auparavant par ses soins au sein de la SA PME Gestion, par la Société industrielle d'Assurances, et que le contrat de travail alors signé entre les parties stipulait la reprise intégrale dans la nouvelle entité de l'ancienneté acquise par la requérante au sein de la SA PME Gestion ; que, par suite, il appartenait à la seule Société industrielle d'assurances de régler à Mme X une indemnité à l'occasion du licenciement ultérieur de cette dernière le 18 janvier 1994 ; que si Mme X fait valoir que la SA PME Gestion s'était engagée le 30 juin 1993 à lui régler elle-même, à titre dérogatoire, ladite indemnité dans l'hypothèse où l'emploi qu'elle obtiendrait ne revêtirait pas un caractère durable, un tel moyen doit être écarté en l'espèce, dès lors, d'une part, que le contrat souscrit entre l'intéressée et son nouvel employeur était à durée indéterminée et, d'autre part, qu'aucune précision ne figure au dossier quant aux véritables causes de la rupture de ce contrat ; que si les requérants, enfin, invoquent la doctrine administrative, c'est inutilement, dès lors que tant l'instruction du 5 F 1144 du 29 décembre 1992, que la réponse ministérielle Boisseau, du 13 novembre 1995, d'ailleurs postérieure à l'année en litige, portent sur la part éventuellement indemnisable d'une indemnité de licenciement, et que, pour les raisons susmentionnées, l'indemnité ici en litige ne peut être ainsi qualifiée ;

Considérant, sur le quatrième et dernier point, qu'aux termes de l'article 92 B I du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : « Sont considérés comme des bénéfices non commerciaux les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectués directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières … lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, 150 000 F par an. Toutefois, dans les cas et conditions fixés par décret en Conseil d'Etat et correspondant à l'intervention d'un événement exceptionnel dans la situation personnelle, familiale ou professionnelle des contribuables, le franchissement de la limite précitée de 150 000 F est apprécié par référence à la moyenne des cessions de l'année considérée et des deux années précédentes. Les événements exceptionnels mentionnés ci-dessus doivent notamment s'entendre de la mise à la retraite, du chômage, du redressement ou de la liquidation judiciaire ainsi que de l'invalidité ou du décès du contribuable ou de l'un ou l'autre des époux soumis à une imposition commune » ; qu'aux termes de l'article 39 A de l'annexe II du même code, pris pour l'application de ces dispositions : « La limite de 150 000 F indiquée au I de l'article 92 B du code général des impôts s'entend de la moyenne des cessions de l'année considérée et des deux années précédentes dans les cas suivants : 1° Licenciement du contribuable ou de l'un des époux soumis à une disposition commune ; bénéficient de cette disposition les personnes qui se trouvent privées d'activité professionnelle pour des raisons indépendantes de leur volonté et sont inscrites comme demandeurs d'emploi à l'agence nationale pour l'emploi (…) 7° Tout autre événement exceptionnel affectant la situation personnelle, familiale ou professionnelle du contribuable et revêtant un caractère de gravité tel qu'il contraigne le contribuable, pour y faire face, à liquider tout ou partie de son portefeuille » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme Y s'est trouvée licenciée en 1994, ainsi qu'il a été dit, par la Société industrielle d'assurances, et inscrite à l'ANPE ; que, toutefois, si M. et Mme X soutiennent qu'ils ont été contraints à cette occasion de procéder à une vente de leurs titres en raison de la nécessité de rembourser rapidement un prêt familial de 250 000 F qui leur avait été consenti pour le paiement d'une caution destinée à éviter leur emprisonnement, il est constant que ledit prêt avait été consenti sur une durée de dix ans à un taux modéré, et que son remboursement immédiat ne revêtait ainsi aucun caractère impératif ; qu'enfin, M. et Mme X disposaient, compte tenu des indemnités qui leur avaient été versées par la SA PME Gestion, de liquidités importantes ; qu'ils ne justifient ainsi nullement de la réalité d'un événement exceptionnel au sens des dispositions précitées, de nature à les contraindre à la liquidation immédiate, partielle ou totale, de leur portefeuille de valeurs mobilières ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration a pu, à bon droit, imposer les sommes en litige ;

Sur les pénalités et les intérêts de retard :

Considérant, d'une part, qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en oeuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication, et qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements, afin que l'intéressé ait la possibilité, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, de demander que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour établir la mauvaise foi de M. et Mme X, le vérificateur s'est fondé notamment sur la circonstance que les fonds perçus par les intéressés, à raison des indemnités susmentionnées, avaient été transférés en Suisse, sans indiquer ni la teneur ni l'origine des éléments ayant permis de disposer de cette information ; que les requérants sont par suite fondés à soutenir que lesdites pénalités ont été infligées sur une procédure irrégulière et à demander, pour ce motif, que de simples intérêts de retard leur soient substitués ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1732 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : « Lorsqu'un contribuable fait connaître, par une indication expresse portée sur la déclaration ou l'acte, ou dans une note y annexée, les motifs de droit ou de fait pour lesquels il ne mentionne pas certains éléments d'imposition en totalité ou en partie, ou donne à ces éléments une qualification qui entraînerait, si elle était fondée, une taxation atténuée … les redressements opérés à ces titres n'entraînent pas l'application de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 » ;

Considérant que M. et Mme X avaient fait mention, ainsi que le reconnaît le ministre, dans leur déclaration de revenus, des motifs pour lesquels ils estimaient n'être pas imposables sur les plus-values réalisées à l'occasion de la cession de leur portefeuille de valeurs mobilières ; qu'ils sont par suite fondés, en vertu des dispositions de l'article 1732 précité, à soutenir que c'est à tort que l'administration a assorti d'intérêts de retard le redressement afférent à ces plus-values ;

Considérant, en revanche, qu'aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : « A l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations, ou accepte les rehaussements proposés, dans la notification prévue à l'article L. 57, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements » ; que si M. et Mme X soutiennent que le vérificateur n'a pas mentionné les conséquences financières des intérêts de retard qui leur ont été assignés pour les autres sommes en litige, et que ces intérêts auraient été, dans cette mesure, mis en recouvrement de manière irrégulière, un tel moyen, compte tenu des dispositions précitées, ne peut en tout état de cause qu'être écarté, dès lors que les redressements contestés ne font suite ni à une vérification de comptabilité ni à un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle des requérants ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme X sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse, par le jugement attaqué, a rejeté leur demande de décharge des pénalités de mauvaise foi qui leur ont été infligées, ainsi que des intérêts de retard afférents au redressement portant sur la cession de leur portefeuille de valeurs mobilières ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel, soit condamné à payer à M. et Mme X la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés devant la cour et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : M. et Mme X sont déchargés des intérêts de retard afférents à l'imposition des plus-values réalisées sur la cession des droits sociaux au titre de l'année 1994.

Article 2 : Les intérêts de retard sont substitués aux pénalités de mauvaise foi assignées à M. et Mme X pour les impositions autres que celles citées à l'article 1 au titre de l'année 1994.

Article 3 : Le jugement n° 9802886 du 2 décembre 2003 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. et Mme X est rejeté.

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N° 04BX00532


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DUDEZERT
Rapporteur ?: M. André BONNET
Rapporteur public ?: Mme JAYAT
Avocat(s) : BOUBAL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 10/07/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 04BX00532
Numéro NOR : CETATEXT000017994973 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2007-07-10;04bx00532 ?
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