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08/10/2007 | FRANCE | N°04BX00006

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 08 octobre 2007, 04BX00006


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 5 janvier 2004, présentée pour M. Roger X demeurant ... ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement, en date du 6 novembre 2003, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que la commune de Vilhonneur soit condamnée à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des nuisances sonores en provenance de la salle polyvalente municipale, d'autre part, de prononcer la fermeture de cette salle, de condamner la commune à exécute

r les travaux permettant de remédier aux nuisances sonores sous astreinte...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 5 janvier 2004, présentée pour M. Roger X demeurant ... ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement, en date du 6 novembre 2003, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que la commune de Vilhonneur soit condamnée à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis du fait des nuisances sonores en provenance de la salle polyvalente municipale, d'autre part, de prononcer la fermeture de cette salle, de condamner la commune à exécuter les travaux permettant de remédier aux nuisances sonores sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard et de ne prononcer sa réouverture qu'après exécution desdits travaux ;

2°) de condamner la commune de Vilhonneur à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) de condamner la commune à exécuter tous travaux de réparation visant à remédier aux nuisances acoustiques en provenance de la salle polyvalente municipale sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard ;

4°) d'ordonner la fermeture administrative de cette salle si ces travaux ne sont pas exécutés dans les délais impartis et de ne prononcer sa réouverture qu'après justification par la commune de l'exécution de ces travaux ;

5°) de mettre à la charge de la commune, d'une part, les dépens, qui comprendront les frais d'expertise, d'autre part, la somme de 3 048,98 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2007 :

- le rapport de M. Labouysse ;

- les observations de Me Pielberg, avocat de la commune de Vilhonneur ;

- et les conclusions de M. Pouzoulet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X est propriétaire, dans la commune de Vilhonneur (Charente), d'un terrain, sur lequel est implantée sa maison, situé à une centaine de mètres de la salle polyvalente municipale construite en 1987 ; qu'il se plaint depuis l'année 1990 de nuisances engendrées par l'utilisation de cette salle ; qu'il fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers qui a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la condamnation de la commune de Vilhonneur à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis, avec sa famille, en raison de ces nuisances, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à cette même commune de fermer cette salle dans l'attente de la réalisation des travaux destinés à y remédier ;

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du tableau d'utilisation de la salle établi pour les années 1990 à 2003, qu'au cours de la période couvrant les années 1990 à 1993, des manifestations impliquant l'usage d'une sonorisation amplifiée, organisées notamment par le comité des fêtes de la commune ou par des particuliers, se sont tenues régulièrement, en dehors des fêtes traditionnelles ou de la fête communale, dans la salle polyvalente municipale ; qu'en particulier, cette salle a été louée à cette fin en 1992 et 1993 respectivement à 21 et 19 reprises ; qu'un tel usage occasionnait des nuisances importantes et régulières, se prolongeant tard dans la nuit ; que les portes et les fenêtres de la salle polyvalente, qui est dépourvue d'un système de ventilation ou de climatisation, devaient rester le plus souvent ouvertes lors de son utilisation, notamment lors de ces manifestations nocturnes ; que cette inadaptation de la salle pour l'organisation de fêtes avec musique amplifiée a été relevée en 1991 par une étude acoustique constatant que l'absence de nuisances sonores pour le voisinage supposait la fermeture des portes et des fenêtres lors de l'utilisation de la salle ; que, dans ces conditions, M. X et sa famille, dont la propriété, acquise avant la construction de la salle polyvalente en cause, est située à proximité de celle-ci, subissent des troubles, qui causés par la présence et le fonctionnement mêmes de l'ouvrage, excèdent les sujétions normales inhérentes au voisinage d'un tel bâtiment et présentent le caractère d'un préjudice anormal et spécial dont le requérant est fondé à demander réparation ;

Considérant que si le rapport établi le 5 avril 2002 par la société Idb Acoustique, intervenant en qualité de sapiteur dans le cadre de l'expertise ordonnée en référé le 5 mars 2001, à la demande de M. X, comme le rapport de l'expert, ont relevé tant l'absence d'isolation sonore de la salle polyvalente municipale que celle d'un système de ventilation ou de climatisation la rendant inadaptée pour l'accueil des manifestations impliquant une sonorisation amplifiée, et si ces rapports ont préconisé la réalisation de travaux tendant à y remédier, il résulte de l'instruction que la salle municipale n'a été louée, pour des manifestations impliquant l'utilisation d'une musique amplifiée, qu'à 6 reprises en 1996, 5 reprises en 1994 et 1995, 2 reprises au cours de l'année 2002, et une seule fois au cours des années 1997 et 1999 à 2001 ; que la fréquence d'utilisation de cette salle sur l'ensemble de ces années pour de telles manifestations n'est pas telle qu'elle ait causé, en raison même de la présence et du fonctionnement de l'ouvrage, des troubles excédant les inconvénients normaux résultant du voisinage d'un tel bâtiment ;

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la faible utilisation de la salle pour des fêtes avec musique amplifiée au cours des années 1994 à 2002 procède tant de la politique de tarifs dissuasifs adoptée par la commune au cours de l'année 1994 en ce qui concerne les personnes non domiciliées dans celle-ci, ce qui a abouti à limiter l'utilisation de la salle pour des activités bruyantes, que de l'adoption d'un nouveau règlement intérieur, qui a été affiché, diffusé et dont le maire a veillé à l'application ; que, par ce règlement, le maire a rappelé aux utilisateurs de la salle l'obligation qui leur incombait de prendre toutes dispositions afin de ne pas occasionner de gêne au voisinage, notamment en laissant fermées les portes et fenêtres lors de l'utilisation du matériel musical ; qu'il a, ce faisant, édicté des mesures visant à limiter l'émergence acoustique du matériel sonore utilisé dans cette salle ; que, si ce règlement intérieur ne restreint pas l'utilisation des appareils d'amplification sonore et si les travaux de climatisation ou d'insonorisation n'ont pas été réalisés durant la période couvrant les années 1994 à 2002, le maire de Vilhonneur doit être regardé comme ayant, dans les circonstances de l'espèce, usé des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales, afin de remédier, à compter de 1994, aux nuisances engendrées par l'exploitation de la salle au cours de la période antérieure ; qu'il n'a ainsi commis aucune faute dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par cet article ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité de la commune de Vilhonneur est seulement engagée à raison du préjudice anormal et spécial subi par M. X et sa famille au cours de la période couvrant les années 1990 à 1993 ;

Sur le préjudice :

Considérant que M. X, qui ne fait état d'aucun projet de vente de la propriété durant la période au titre de laquelle la responsabilité de la commune est engagée, ne saurait obtenir une indemnisation au titre de la perte de valeur vénale de cette propriété ; qu'il n'établit pas la réalité d'un préjudice financier qui résulterait de la résiliation du bail d'habitation conclu sur une partie de son immeuble et de l'impossibilité de conclure un nouveau bail ; qu'en revanche, il y a lieu, en réparation des troubles dans les conditions d'existence causés par les nuisances sonores provoquées par l'exploitation de la salle municipale au titre des années 1990 à 1993, de fixer le montant de la réparation à la somme d'un euro symbolique demandée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Poitiers n'a pas fait droit, à hauteur de la somme d'un euro, à sa demande tendant à la condamnation de la commune de Vilhonneur à réparer les préjudices subis par lui-même et sa famille en raison des nuisances sonores engendrées par l'exploitation de la salle polyvalente municipale au cours des années 1990 à 1993 ;

Sur l'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique, nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution » ; que selon l'article L. 911-3 du même code : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet » ;

Considérant que le présent arrêt, qui ne retient la responsabilité de la commune de Vilhonneur qu'à raison du préjudice anormal et spécial causé à M. X et sa famille durant les années 1990 à 1993, n'implique aucune autre mesure que le versement de l'indemnité alloué au requérant ; qu'au demeurant, il résulte de l'instruction que la réalisation des travaux pour laquelle M. X demande qu'il soit prononcé une injonction à la commune, assortie d'une astreinte, a été décidée par la commune qui en a prévu le financement ;

Sur les dépens :

Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Vilhonneur les frais de l'expertise ordonnée le 5 mars 2001 par le président du tribunal administratif de Poitiers statuant en référé ; que, le jugement ayant déjà mis ces frais à la charge de la commune, il n'y a pas lieu de le réformer sur ce point ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le remboursement à la commune de Vilhonneur des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions par M. X, en ne mettant toutefois à la charge de la commune de Vilhonneur que la somme de 1 300 euros ;

DECIDE :

Article 1er : La commune de Vilhonneur est condamnée, en réparation des troubles dans les conditions d'existence subis par M. X du fait des nuisances sonores causées par l'exploitation de la salle polyvalente municipale au cours des années 1990 à 1993, à verser au requérant la somme d'un euro.

Article 2 : Le jugement, en date du 6 novembre 2003, du tribunal administratif de Poitiers est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les frais de l'expertise ordonnée le 5 mars 2001 par le président du tribunal administratif de Poitiers statuant en référé sont mis à la charge de la commune de Vilhonneur.

Article 4 : La commune de Vilhonneur versera à M. X la somme de 1 300 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et des conclusions présentées par la commune de Vilhonneur est rejeté.

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No 04BX00006


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. David LABOUYSSE
Rapporteur public ?: M. POUZOULET
Avocat(s) : KREMER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 08/10/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 04BX00006
Numéro NOR : CETATEXT000017995258 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2007-10-08;04bx00006 ?
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