Vu la requête, enregistrée le 14 septembre 2004, présentée pour M. Jean-Paul X, domicilié ..., par Me Froehlich, avocat au barreau de Soissons ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0200013-0200021 du 13 juillet 2004 en tant que le Tribunal administratif de Limoges a partiellement rejeté ses demandes en décharge, d'une part, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997 par avis de mise en recouvrement du 17 avril 2001, ainsi que des pénalités dont il a été assorti, d'autre part, du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1996 et 1997 ainsi que des pénalités dont il a été assorti, et enfin, d'autres pénalités pour mauvaise foi afférentes à des compléments d'imposition non contestés ;
2°) de prononcer les décharges demandées ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant dispositions d'ordre économique et financier ;
Vu la loi n° 98-1266 du 30 décembre 1998 portant loi de finances pour 1999 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 octobre 2007 :
- le rapport de M. Kolbert, président assesseur ;
- et les conclusions de M. Doré, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de l'exploitation agricole de M. Jean-Paul X pour la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997, l'administration fiscale a notamment réclamé à l'intéressé des compléments de taxe sur la valeur ajoutée afférents à des opérations de cession de matériel usagé réalisées en 1996 et en 1997, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôts sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles établies après réintégration dans son bénéfice imposable des années 1996 et 1997 de certaines plus-values de cessions d'actifs, de charges qu'il avait déduites et d'amortissements qu'il avait pratiqués ; qu'elle a également remis en cause, au titre de l'année 1997, l'abattement dont bénéficiait M. X au titre de son adhésion à un centre de gestion agréé et a enfin appliqué à ces divers redressements les majorations pour mauvaise foi prévues à l'article 1729 du code général des impôts ; qu'après avoir obtenu du Tribunal administratif de Limoges la décharge de certaines de ces impositions et pénalités, M. X maintient en appel ses conclusions en décharge visant l'impôt sur le revenu des années 1996 et 1997, la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997 et les majorations afférentes à certains chefs de redressements, que ceux-ci aient été eux-même contestés ou non ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : « Avant l'engagement de l'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration » ;
Considérant, en premier lieu, que si M. X fait valoir que la charte du contribuable qui lui a été transmise lors du début de la vérification en janvier 1999, portait le millésime « mars 1997 » et qu'elle était ainsi périmée, comme ne comportant pas les modifications apportées en matière de contrôle fiscal par les dispositions des lois n° 98-546 du 2 juillet 1998 et 98-1266 du 30 décembre 1998 susvisées, il ne résulte pas de l'instruction que ces lacunes aient été, en l'espèce, de nature à priver le contribuable d'une garantie essentielle ;
Considérant, en second lieu, que le paragraphe 5 du chapitre III de la charte du contribuable vérifié remise à M. X indique que « si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les redressements envisagés, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur divisionnaire ou principal » et que « si, après ces contacts, des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur départemental ou régional qui est un fonctionnaire de rang élevé spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur » ; qu'il résulte de ces dispositions que l'interlocuteur départemental n'est tenu de recevoir le contribuable qu'à la condition, en cas de persistance du désaccord avec les redressements malgré un entretien avec l'inspecteur principal, que le contribuable en fasse alors la demande ; qu'il résulte de l'instruction qu'après avoir été destinataire des notifications de redressements contestées, M. X a, par courrier reçu le 5 mai 1999, obtenu d'être reçu, le 11 mai suivant, par l'inspecteur principal qui l'a ensuite informé par écrit du maintien des redressements envisagés ; que, toutefois, s'il avait indiqué dans son courrier sollicitant cette première entrevue, qu'il était également à la disposition de l'administration pour une rencontre « si nécessaire » avec l'interlocuteur départemental, il est constant qu'il n'a pas réitéré cette demande lorsque les conditions de cette saisine telles que prévues dans la charte, ont été réunies ; que contrairement à ce qu'il soutient, la procédure d'imposition n'est donc pas irrégulière faute pour lui d'avoir été convoqué par ce fonctionnaire ;
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'impôt sur le revenu :
S'agissant des plus-values de cession d'actifs :
Considérant qu'en vertu des dispositions des articles 38 et 39 duodecies du code général des impôts, rendus applicables en matière de bénéfices agricoles par l'article 72 du même code, sont soumises au régime des plus-values à court terme, les plus-values provenant de la cession d'éléments d'actifs d'une exploitation agricole, acquis ou créés depuis moins de deux ans ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que par acte notarié du 5 août 1995, M. X a acquis un ensemble immobilier situé à Saint-Maur (Indre) au lieu-dit « Le Colombier » et composé d'une bâtisse du XIIe siècle attenante à divers bâtiments d'exploitation agricole ainsi que des terres, prés et bois, pour une valeur totale de 4 millions de francs, dont 3 millions payables au comptant ; qu'il a parallèlement obtenu du vendeur, également propriétaire d'une parcelle voisine d'une surface de 129 hectares, la concession sur cette dernière, d'un bail rural moyennant un fermage annuel de 60 000 francs, et assorti d'une option de rachat à exercer avant le 31 octobre 1998 pour un montant de 2,5 millions de francs ; que, toutefois, ladite parcelle devant finalement être cédée à la Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural du Centre, M. X a obtenu de son bailleur le paiement d'une indemnité de résiliation d'un montant de 810 000 francs qui est venue partiellement compenser le reliquat encore dû sur le prix de vente du domaine du Colombier et qu'un tel accord a été formalisé par un acte notarié enregistré le 30 mai 1996 ; que contrairement à ce que soutient M. X, l'indemnité stipulée dans cet acte notarié ne saurait être assimilée, contrairement aux énonciations claires qu'il comporte, à une simple réduction du prix de vente du Colombier convenue par les parties indépendamment de la résiliation du bail alors qu'il n'est pas contesté que ledit bail avait emporté des effets jusqu'à cette résiliation ; que dans ces conditions, sans préjudice des dispositions des articles L. 411-35 et suivants du code rural sur l'incessibilité en général, des baux ruraux, le droit dont disposait M. X sur ce bail, constituait l'un des éléments d'actifs de son exploitation agricole, dont il a, moins de deux ans après, abandonné la jouissance par l'effet de la résiliation prononcée d'un commun accord et qu'ainsi, c'est à bon droit que l'administration a estimé que le montant de l'indemnité perçue en contrepartie de cet abandon, dont il n'est pas soutenu qu'elle réparait d'autres préjudices, devait être regardé comme une plus-value à court terme qui devait être réintégrée dans ses bénéfices agricoles de l'année 1996, et imposée dans les conditions prévues par les dispositions sus-rappelées du code général des impôts ;
Considérant, en second lieu, que la vente par M. X d'un matériel d'irrigation à la société civile d'exploitation agricole du Colombier, facturé à cette société le 4 septembre 1997 pour un montant de 600 000 francs hors taxe, devait être regardée comme parfaite dès l'établissement de cette facture dès lors que les parties étaient, à cette date, d'accord sur la chose et le prix et que d'ailleurs, ce matériel figurait comme actif immobilisé au bilan de clôture au 31 décembre 1997 de cette société qui avait également commencé à l'amortir ; qu'ainsi, nonobstant la circonstance que l'encaissement du prix ne serait intervenu qu'en janvier 1998, c'est à bon droit que l'administration a estimé que la cession par M. X de cet actif, réalisée dès 1997, soit moins de deux ans après son acquisition, avait généré une plus-value à court terme qui devait être rattachée au résultat imposable de l'année 1997 et imposée comme telle ;
S'agissant des charges afférentes à l'habitation de l'exploitant :
Considérant qu'aux termes de l'article 38 sexdecies D de l'annexe III du code général des impôts pris pour l'application de l'article 72 du même code, et relatif aux bénéfices agricoles : « I. Les immeubles bâtis ou non bâtis appartenant à l'exploitation et utilisés pour les besoins de l'exploitation sont obligatoirement inscrits à l'actif du bilan … La maison d'habitation dont l'exploitant est propriétaire peut être inscrite à l'actif sous réserve qu'elle fasse partie de l'exploitation et qu'elle ne présente pas le caractère de maison de maître » ; que si cette dernière restriction doit être interprétée comme interdisant seulement l'inscription à l'actif du bilan de l'habitation qui ne serait, en aucune de ses parties, utilisée pour les besoins de l'exploitation, il appartient néanmoins à l'exploitant, qui comme tout contribuable doit, dans tous les cas, justifier tant du montant de ses charges que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est ;à ;dire du principe même de leur déductibilité, d'établir que son habitation répond aux dites conditions ; qu'en se bornant à soutenir que la demeure du XIIe siècle dont la valeur était estimée seule à 2 550 000 francs lors de son achat, était partiellement affectée à l'exploitation agricole en raison de l'unicité de l'accès desservant la bâtisse et le reste de l'exploitation, M. X n'établit pas que son habitation ne présentait pas le caractère d'une maison de maître dont il pouvait déduire les charges d'entretien de son résultat imposable ; que c'est dès lors, à bon droit que l'administration a réintégré lesdites charges dans les bénéfices imposables des années 1996 et 1997 ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes de l'article 269 du code général des impôts en sa rédaction alors applicable : «1. Le fait générateur de la taxe se produit … a) Au moment où la livraison, l'achat au sens du 10° de l'article 257, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de service est effectué … 2. La taxe est exigible : a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 … lors de la réalisation du fait générateur … » ; que, toutefois, aux termes de l'article 298 bis de ce code : « I Pour leurs opérations agricoles, les exploitants agricoles sont placés sous le régime du remboursement forfaitaire prévu aux articles 298 quater et 298 quinquies … Ils peuvent cependant opter pour leur imposition d'après le régime simplifié ci-après : … 2° L'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée due à raison des ventes effectuées par eux intervient lors de l'encaissement des acomptes ou du prix … II. Sont soumis de plein droit au régime simplifié : … 5° Les exploitants agricoles, lorsque le montant moyen des recettes de l'ensemble de leurs exploitations, calculé sur deux années civiles consécutives, dépasse 300 000 francs … » ; qu'au nombre des opérations agricoles assujetties à la taxe sous le régime simplifié prévu par les dispositions qui précèdent, doivent être incluses les cessions de biens mobiliers d'investissement et de matériel, sous réserve que ces biens soient affectés à l'activité agricole, et qui sont réalisées par les exploitants agricoles dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 261 du code général des impôts, lesquelles regardent comme des opérations taxables les ventes de biens usagés et les ventes de biens ayant ouvert droit à déduction complète ou partielle lors de leur achat ; que, par suite, l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée due à raison de telles cessions, intervient lors de l'encaissement du prix et non lors de la livraison du bien ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le matériel d'irrigation cédé par M. X à la SCEA du Colombier, et facturé à cette dernière le 4 septembre 1997, pour un montant hors taxe de 600 000 francs, était affecté à son activité agricole ; que l'administration ne conteste ni que son exploitation relevait du régime simplifié visé par les dispositions précitées de l'article 298 bis du code général des impôts, ni que l'encaissement du prix n'est intervenu que le 13 janvier 1998 ; qu'ainsi, et contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle cette opération était soumise ne pouvait lui être réclamée au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997 et que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a refusé de lui en accorder la décharge ;
Sur les pénalités :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : « Lorsque la déclaration ou l'acte mentionné à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts, ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie … » ;
Considérant, d'une part, que pour rejeter la demande en décharge des pénalités dont ont été assorties les impositions supplémentaires mises à la charge de M. X, les premiers juges ont relevé qu'il résultait de l'instruction que l'intéressé avait omis de déclarer l'indemnité de résiliation du bail rural d'un montant de 810 000 francs qu'il n'avait pas non plus comptabilisée et qu'il n'avait pas davantage constaté dans ses écritures comptables ni la plus-value réalisée à l'occasion de la cession de matériel d'irrigation pour un montant de 600 000 francs, ni la cession elle-même, continuant d'amortir indûment ces biens, et minorant ainsi les résultats de son exploitation ; qu'il avait procédé de même s'agissant d'autres cessions de matériels réalisées en 1996, et ayant généré d'importantes plus-values dont il n'a pas contesté la réintégration dans son bénéfice imposable, pas plus qu'il n'a contesté l'assujettissement de la cession proprement dite à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il ne pouvait enfin utilement faire valoir que ces omissions résultaient de négligences de son comptable, dès lors que son expérience professionnelle d'exploitant agricole et d'entrepreneur de travaux agricoles l'avait nécessairement conduit à acquérir les principes fondamentaux des règles comptables et fiscales en l'espèce ; que faute d'éléments supplémentaires de nature à établir que l'administration n'avait pas suffisamment justifié le prononcé des pénalités contestées, il y a lieu d'adopter les motifs ainsi retenus ;
Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que l'administration a remis en cause l'abattement dont, sur le fondement du 4 bis de l'article 158 du code général des impôts et de l'article 371 L de l'annexe II dudit code, M. X avait bénéficié sur son impôt sur le revenu de l'année 1997, au motif que l'intéressé s'était déclaré à tort adhérent d'un centre de gestion agréé dans sa déclaration de résultats, alors qu'il avait déjà été rendu destinataire d'un avertissement de cet organisme le prévenant de sa radiation prochaine faute pour lui de s'acquitter du montant de sa cotisation ; que nonobstant la circonstance que cet avis était également adressé pour information à son comptable qui n'a pas fait les diligences nécessaires, l'administration doit être regardée comme apportant ainsi la preuve de la mauvaise foi de M. X et comme justifiant suffisamment le prononcé des majorations litigieuses appliquées à ce redressement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander la décharge, pour un montant de 18 842,70 euros, du complément de taxe sur la valeur ajoutée afférent à la cession d'un matériel d'irrigation et qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, conformément aux dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État, qui est, dans la présente instance, la partie perdante, une somme de 1 300 euros au profit de M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il est accordé à M. X décharge, à hauteur de 18 842,70 euros, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997.
Article 2 : L'article 4 du jugement n° 0200013-0200021 du 13 juillet 2004 du Tribunal administratif de Limoges est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. X est rejeté.
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N° 04BX01616