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17/12/2007 | FRANCE | N°05BX00372

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 17 décembre 2007, 05BX00372


Vu la requête, enregistrée le 17 février 2005 sous le n° 05BX00372, présentée pour la société à responsabilité limitée LE BASTION DE LA MER, dont le siège social est cours Pasteur à Saint-Martin-de-Ré (17410) ; la SARL LE BASTION DE LA MER demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 04-00327 du 16 décembre 2004 en ce qu'il lui a accordé une décharge, qu'elle estime insuffisante, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janv

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Vu la requête, enregistrée le 17 février 2005 sous le n° 05BX00372, présentée pour la société à responsabilité limitée LE BASTION DE LA MER, dont le siège social est cours Pasteur à Saint-Martin-de-Ré (17410) ; la SARL LE BASTION DE LA MER demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 04-00327 du 16 décembre 2004 en ce qu'il lui a accordé une décharge, qu'elle estime insuffisante, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1998 par avis de mise en recouvrement du 5 décembre 2001 établi par le receveur principal des impôts de La Rochelle ;

2°) d'ordonner la décharge des droits et pénalités restés à sa charge ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………………….

Vu, II, la requête, enregistrée sous forme de télécopie le 28 février 2005 sous le n° 05BX00455, et en original le 3 mars 2005, présentée pour la société à responsabilité limitée LE BASTION DE LA MER, dont le siège social est cours Pasteur à Saint-Martin-de-Ré (17410) ; la SARL LE BASTION DE LA MER demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 04-00328 du 16 décembre 2004 en ce qu'il lui a accordé une décharge, qu'elle estime insuffisante, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sur l'impôt sur les sociétés et des pénalités auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1996, 1997 et 1998 par des avis d'imposition émis le 14 décembre 2001 ;

2°) d'ordonner la décharge des droits et pénalités restés à sa charge ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
………………………………………………………………………………………………….
Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2007 :

- le rapport de Mme Boulard ;

- et les conclusions de M. Pouzoulet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SARL LE BASTION DE LA MER, qui exploite une discothèque à Saint-Martin-de-Ré, a fait l'objet en 1999 d'opérations de contrôle fiscal ; qu'au terme de ces opérations, lui ont été réclamés des rappels de taxes sur le chiffre d'affaires au titre de la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1998 ainsi que des rappels d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt au titre des années 1996, 1997 et 1998 ; que, par les instances n°s 05BX00372 et 05BX00455, la société fait appel des jugements en date du 16 décembre 2004, par lesquels le tribunal administratif de Poitiers ne lui a accordé qu'une décharge partielle des droits et pénalités mis à sa charge ; qu'il y a lieu de joindre ces deux affaires, qui concernent une même société redevable, pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que les opérations de contrôle susmentionnées ont donné lieu à un premier avis de vérification de comptabilité, en date du 25 février 1999, qui visait « tous impôts susceptibles d'être vérifiés » du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1997 ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1998 et prévoyait une première visite sur place le 16 mars 1999 ; qu'un second avis de vérification en date du 9 juin 1999 a été adressé à la SARL LE BASTION DE LA MER, qui visait l'impôt sur les sociétés du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1998 et prévoyait une visite sur place le 21 juin 1999 ; qu'à l'issue de ces contrôles, une notification de redressement en date du 25 novembre 1999 a été envoyée à la société, qui mentionnait qu'elle avait « fait l'objet d'une vérification du 16 mars 1999 au 14 juin 1999 » ; que cette notification ne contenait que des redressements intéressant les bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés au titre des années 1996 et 1997 et la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la sous-période composée de ces mêmes années ; qu'une autre notification du même jour a également été envoyée à la société, qui mentionnait qu'elle « avait fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 16 mars 1999 au 14 juin 1999, pour le contrôle de la taxe sur la valeur ajoutée de la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1998, et du 21 juin 1999 au 13 septembre 1999 pour le contrôle de l'impôt sur les sociétés » de la même année ; que cette dernière notification ne concernait que des redressements en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée afférents à l'année 1998 ;


Sur les impositions relatives à l'année 1998 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable en l'espèce : Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres et documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : /1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies du code général des impôts … / Les dispositions du premier alinéa sont valables dans les cas où un même vérificateur contrôle à la fois l'assiette de plusieurs catégories différentes d'impôts ou de taxes ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un vérificateur habilité à contrôler l'assiette de plusieurs impôts ou taxes, et qui peut effectuer ces contrôles simultanément ou successivement, ne peut, en tout cas, lorsque le redevable est de ceux que visent lesdites dispositions, poursuivre l'examen sur place de ses livres et documents comptables relatifs aux mêmes années ou périodes d'imposition après l'expiration de la durée de trois mois courant de la date à laquelle il entreprend ses opérations ;

Considérant qu'il est constant que la SARL LE BASTION DE LA MER est une entreprise dont le chiffre d'affaires n'excède pas, au titre de la période vérifiée, les limites prévues au I de l'article 302 septies du code général des impôts auquel renvoient les dispositions susmentionnées de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ; qu'il résulte de l'instruction que le contrôle des comptes de l'année 1998, pour l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée, puis pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés, a été engagé par le même agent habilité à les vérifier à partir du 16 mars 1999 pour se terminer le 13 septembre 1999 ; qu'en admettant même que la vérificatrice ait interrompu, comme l'indiquent son courrier du 8 juin 1999 ainsi que la notification de redressement propre à l'année 1998 et comme le défend le ministre, la vérification de l'assiette des taxes sur le chiffre d'affaires le 14 juin pour ne plus vérifier à compter du 21 juin que l'assiette de l'impôt sur les sociétés, le temps pendant lequel elle a examiné sur place les livres et documents comptables retraçant les opérations effectuées par la société requérante au cours de l'année 1998 a, au total, excédé la durée de trois mois décomptée à partir du 16 mars 1999, autorisée par les dispositions précitées de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ; qu'il suit de là qu'est irrégulière la procédure au terme de laquelle ont été établis les droits et pénalités mis à la charge de la SARL LE BASTION DE LA MER au titre de 1998 tant en matière de taxe sur la valeur ajoutée qu'en matière d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt ; qu'à cet égard, l'administration ne peut utilement se prévaloir de ce que le délai de déclaration en matière d'impôt sur les sociétés pour 1998 n'était pas expiré lorsque le contrôle faisant l'objet du premier avis de vérification a été engagé ; que la société requérante est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a refusé de prononcer la décharge des droits et pénalités en litige au titre de 1998 ;


Sur les autres impositions restant en litige au titre de 1996 et 1997 :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le contrôle de la comptabilité au titre des années 1996 et 1997 ait débuté avant la date du 16 mars 1999 visée par l'avis de vérification de comptabilité du 25 février 1999, ni qu'il se soit poursuivi après la date du 14 juin 1999 visée par le courrier adressé par la vérificatrice le 8 juin 1999 comme par la notification de redressement du 25 novembre 1999 propre à cette période ; que la circonstance que, dans cette notification, il soit fait état de la remise tardive, annoncée par courrier du 2 juin, du registre de billetterie tenu pour 1997 ne suffit pas à établir que ce registre a été vérifié après le 14 juin ; que, si la vérificatrice est retournée sur place après une première séance de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, cette visite faisait suite à une demande de cet organisme tendant à ce que les parties se rapprochent afin que la société fournisse à l'administration les éléments qu'elle disait détenir quant à sa billetterie ; que l'examen par le service des impôts de la billetterie présentée par la société n'a pas excédé les limites de la mission fixée par la commission et ne peut être regardé comme une poursuite de la vérification ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte pas davantage de l'instruction qu'au cours des opérations de vérification, lesquelles se sont déroulées sur place, la société redevable aurait été privée de la possibilité d'avoir avec la vérificatrice un débat oral et contradictoire, dès lors qu'il n'est pas établi que celle-ci se serait refusée à tout échange de vues avec son représentant ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation » ; qu'en l'espèce, la notification de redressement du 25 novembre 1999 propre aux années 1996 et 1997 distingue bien les années et les impôts qu'elle concerne, de sorte que, contrairement à ce que soutient la société, aucune confusion n'est possible quant aux redressements notifiés le même jour au titre de 1998 ; que ce même document, composé de 29 pages sans compter les annexes, expose de manière détaillée les raisons pour lesquelles la comptabilité n'est pas regardée comme probante ; qu'il explicite les motifs de chacun des chefs de redressement ; que, s'agissant en particulier de la reconstitution des recettes au titre de 1996, il décrit de manière précise la méthode de cette reconstitution, et les éléments retenus pour son application, une annexe détaillant la reconstitution par type de produit ; qu'une telle notification est suffisamment motivée ; que la circonstance que ladite notification, qui décrit la reconstitution d'une comptabilité-matière établie à partir de l'analyse des achats de boissons comptabilisés, n'ait pas été accompagnée du tableau de dépouillement de ces achats dressé par la vérificatrice et que celle-ci se soit refusée à le communiquer, n'entache pas la procédure de redressement d'irrégularité, dès lors que la notification, accompagnée de ses annexes, était suffisamment explicite, par elle-même, quant aux données de la reconstitution de recettes et que la société était en mesure d'effectuer sa propre analyse de ses achats ;


En ce qui concerne le bien-fondé des impositions au titre de 1996 résultant de la reconstitution des recettes :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que ni le journal de caisse ni le brouillard de caisse tenus pour 1996 n'enregistrent les dépenses payées en espèce et que le solde du journal de caisse au 31 décembre de cette année, reconstitué pour tenir compte de ces dépenses, ne correspond pas à celui porté en comptabilité à cette date ; que le registre des entrées, qui fait état pour 1996 de billets émis en ordre discontinu et s'accompagne de justificatifs dénués de valeur probante, tels que des cartons où figure la mention manuscrite du prix, ne peut pallier les lacunes des documents comptables de caisse, lesquels ne présentent pas de garantie quant à l'enregistrement chronologique des opérations réalisées en espèce ; que les bandes de la caisse enregistreuse ne peuvent elles-mêmes suffire à justifier les recettes, dès lors que, si des tickets sont délivrés aux clients pour les ventes de boissons effectuées en plus de celles correspondant aux billets d'entrée et si la caisse enregistre également ces recettes de billetterie, leur montant ne correspond pas à celui retracé par le registre des entrées ; que les affirmations d'ordre général de la société quant aux différents temps et modes d'enregistrement des recettes, qui ne sont pas étayées d'élément de justification, ne suffisent pas à justifier ces discordances ; que l'analyse, par type de boissons, des achats comptabilisés a révélé des achats négatifs, que la notification de redressement détaille ; que non seulement la société, qui conteste l'existence d'achats négatifs, n'apporte pas de contredit aux indications précises du service, de sorte que l'existence d'une telle anomalie doit être tenue pour établie, mais encore elle reconnaît que les stocks comptabilisés par elle ne correspondent pas à la réalité, y compris pour ce qui est de la période correspondant à l'année 1996 ; que, dans ces conditions et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, l'administration a pu, dans le cadre de la procédure contradictoire, légalement écarter une telle comptabilité dépourvue de valeur probante, alors même qu'aucune poursuite n'a été engagée en matière de contributions indirectes ;

Considérant que, dans son avis du 21 août 2001, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, si elle a regardé comme dépourvue de valeur probante la comptabilité de la société et a admis la validité de la méthode de reconstitution suivie par l'administration, s'est refusée à « se prononcer sur les conséquences » de cette reconstitution et a déclaré ne « pouvoir statuer sur les redressements proposés par l'administration » ; qu'un tel avis, qui ne se prononce pas sur le montant des recettes reconstituées, ne peut avoir pour effet d'exonérer l'administration de la charge de démontrer le bien-fondé des rappels correspondants ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour reconstituer les recettes réalisées par la société en 1996, l'administration a déterminé le nombre de consommations vendues à partir de l'analyse, par produit et contenance, des achats de boissons utilisés ; que les boissons non alcoolisées achetées dans des emballages d'une contenance au moins égale à 1 litre ont été regardées comme ayant seulement servi de boissons d'accompagnement ; que les produits ayant donné lieu à des achats comptabilisés négatifs ont été distraits de la reconstitution ; que la ventilation entre les consommations vendues au verre ou à la bouteille a été faite en fonction de chaque type de produit acheté, les bouteilles de produits alcoolisés d'une contenance supérieure à 1 litre et demi étant regardées comme vendues au verre, les autres bouteilles de même produit mais de moindre contenance, comme distribuées à l'unité, de même que les bouteilles de produits non alcoolisés de 20 à 25 centilitres ; que le tarif retenu pour la consommation au verre, soit 40 F, correspond au montant figurant sur les bandes de caisse de l'année 1996 ; que le prix de la bouteille correspond à la moyenne du prix des bouteilles vendues en août de cette année, période de plus grande activité de la discothèque ; que la différence, soit 30 F, entre le tarif d'une consommation et le prix du billet d'entrée, lequel était alors de 70 F, a été multipliée par le nombre des entrées enregistrées ; qu'enfin, la part des offerts retenue par le service des impôts, soit 7, 9 %, est celle que la société avait elle-même comptabilisée comme telle ; qu'une telle méthode de reconstitution, adaptée aux données de la discothèque, n'est ni radicalement viciée, ni excessivement sommaire, ni même entachée d'une « erreur de raisonnement » comme le soutient la société ; que la référence à des monographies ou à des usages ne suffit pas à établir que les dosages retenus par l'administration pour dénombrer les consommations seraient insuffisants au regard des pratiques de l'entreprise ni que les produits exclus de la reconstitution tiendraient insuffisamment compte des pertes et de la consommation du personnel ; que faire abstraction des consommations servies en contrepartie du billet d'entrée, comme le souhaite la société, ne donne pas une meilleure approche des recettes qu'elles ont effectivement procurées ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'existence et du montant des minorations de recettes qu'elle a imposées au titre de 1996 ; que, par suite, les moyens de la société dirigés contre ce chef de redressement, que ce soit en matière de taxe sur la valeur ajoutée ou en matière d'impôt sur les sociétés, doivent être écartés ;


En ce qui concerne le bien-fondé des autres redressements au titre de 1996 et 1997 :

Considérant, en premier lieu, que l'administration a rejeté les amortissements réputés différés en période déficitaire que la SARL AU BASTION DE LA MER avait imputés sur ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1996 ; que ces amortissements trouvent leur origine dans les opérations, déclarées par la société comme déficitaires, comptabilisées au titre d'une période antérieure à l'année 1990, de l'année 1990 elle-même et de l'année 1994 ; que la société requérante, à laquelle il incombe de justifier des charges qu'elle a comptabilisées, ne s'en acquitte pas en se référant à une comptabilité, qu'elle n'a pas présentée au titre de la période 1990 ; qu'au titre des années 1990 et 1994, elle a produit des documents comptables dont sont notamment absents les relevés de stocks et les justificatifs de recettes ; que, comme l'ont relevé les premiers juges dont il y a lieu d'adopter la motivation sur ce point, la société « n'établit pas, par la production d'un rapport d'expertise réalisé pour le règlement d'une indemnité d'assurance, que l'incendie survenu le 23 avril 1992 dans les bureaux du cabinet tenant la comptabilité de la requérante a détruit les pièces manquantes de sa comptabilité » et n'est par suite « pas fondée à soutenir que ce sinistre a constitué à son égard un cas de force majeure » ; qu'il suit de là que le moyen tenant au rejet des amortissements réputés différés doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, que l'administration a exclu des charges déduites par la SARL AU BASTION DE LA MER au titre de 1996 et 1997 une part des loyers et frais annexes qu'elle a versés pour la location nue à l'année de quatre habitations, situées à Saint-Martin-de-Ré, appartenant à la SCI Regor, dont certains associés étaient également ceux de la société requérante, tel le gérant de cette dernière ; que seules ont été admises par le service des impôts les charges correspondant à la location à l'année d'une habitation ; que, si la SARL AU BASTION DE LA MER prétend que les charges en litige ont été exposées pour le logement de salariés, elle n'établit pas avoir effectivement mis les locaux en cause à la disposition des salariés dont elle se borne à dresser la liste, alors que ses employés saisonniers étaient logés au camping et qu'elle n'avait d'ailleurs déclaré aucun avantage en nature au titre du logement ; qu'ainsi, il n'est pas établi que les dépenses dont il s'agit ont été engagées dans l'intérêt de la société ; que, par suite, le moyen dirigé contre le rejet de ces charges ne peut être accueilli ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant, en premier lieu, que l'administration a appliqué aux rappels de droits résultant de la reconstitution de recettes et du rejet de charges locatives, outre l'intérêt de retard, la majoration de 40 % prévue en cas de mauvaise foi par l'article 1729 du code général des impôts ;


Considérant que les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts proportionnent les pénalités selon la gravité des agissements commis par le contribuable et prévoient l'application de taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de celui-ci ; que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, soit de maintenir ou d'appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, soit, s'il estime que l'administration n'établit ni que le contribuable se serait rendu coupable de manoeuvres frauduleuses, ni qu'il aurait agi de mauvaise foi, de ne laisser à sa charge que des intérêts de retard ; qu'il dispose ainsi d'un pouvoir de pleine juridiction conforme aux stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lesquelles n'impliquent pas que le juge puisse moduler l'application des taux prévus à l'article 1729 ;

Considérant qu'en l'espèce, la notification du 25 novembre 1999, qui avise la société de ce que la majoration sera appliquée, explique, dans un paragraphe spécifiquement consacré aux sanctions, en quoi, pour chacun des redressements concernés, sa bonne foi est exclue ; que, dans ce même document, lui sont également indiqués la base légale de la majoration ainsi que son montant ; qu'une telle motivation est suffisante tant au regard de la loi fiscale que de la doctrine qui la commente ; que, compte tenu de la nature des minorations de recettes commises à la faveur d'irrégularités comptables et de leur importance au regard du résultat déclaré, l'administration établit l'intention de la société redevable d'éluder l'impôt ; qu'il en va de même pour les loyers en litige, dont la déduction, répétée sur plusieurs exercices, a été opérée pour des montants dépassant largement les bénéfices comptabilisés ; qu'ainsi, la majoration de 40 % a été légalement appliquée ;

Considérant, enfin, s'agissant de la pénalité prévue par l'article 1763 A du code général des impôts, que l'administration l'a appliquée en l'espèce au titre de 1997 en se fondant sur l'absence de désignation des bénéficiaires des revenus regardés comme distribués dans le délai de 30 jours imparti par l'article 117 du code général des impôts ; que la demande faite au titre de cet article, dans la notification précitée du 25 novembre 1999, invite la société à lui faire connaître le nom des bénéficiaires des sommes distribuées en 1997 pour un montant indiqué de manière globale et sans autre précision de 240 807 F, dont le montant ne correspond pas à celui des chefs de redressements ni même du supplément de bénéfice notifiés au préalable par ce même document pour ladite année ; qu'ainsi, cette demande ne permettait pas à la société d'y répondre et le fait qu'elle n'y ait pas répondu ne peut légalement justifier l'application de la pénalité de l'article 1763 A ; que la circonstance que l'administration n'ait en définitive assis cette pénalité au titre de 1997 que sur une base de 182 080 F, correspondant à l'excédent de distribution à raison de la réintégration des loyers en litige, n'efface pas l'irrégularité de la demande initiale ; que la société est, dans ces conditions, fondée à demander la décharge de la pénalité prévue par l'article 1763 A restant en litige au titre de 1997 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL AU BASTION DE LA MER est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge des droits et pénalités qui lui ont été réclamés au titre de l'année 1998 en matière de taxe sur la valeur ajoutée comme en matière d'impôt sur les sociétés et de contribution sur cet impôt, y compris la pénalité qui lui a été réclamée sur le fondement de l'article 1763 A du code général des impôts pour ladite année 1998, d'autre part, à la décharge de la pénalité qui lui a été réclamée sur le fondement de ce même article 1763 A au titre de l'année 1997 ;


Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser une somme de 1 300 euros à la SARL LE BASTION DE LA MER au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La SARL LE BASTION DE LA MER est déchargée de l'intégralité des droits et pénalités qui lui ont été réclamés au titre de l'année 1998 en matière de taxe sur la valeur ajoutée et en matière d'impôt sur les sociétés et de contribution supplémentaire sur cet impôt ainsi que de la pénalité qui lui a été réclamée au titre de l'année 1997 sur le fondement de l'article 1763 A du code général des impôts.
Article 2 : Les jugements du tribunal administratif de Poitiers du 16 décembre 2004 sont reformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à LA SARL LE BASTION DE LA MER la somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des requêtes de la SARL LE BASTION DE LA MER est rejeté.

8
Nos 05BX00372,05BX00455


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Dominique BOULARD
Rapporteur public ?: M. POUZOULET
Avocat(s) : DUPOUX

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 17/12/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 05BX00372
Numéro NOR : CETATEXT000018077673 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2007-12-17;05bx00372 ?
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