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04/03/2008 | FRANCE | N°06BX01068

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 04 mars 2008, 06BX01068


Vu le recours enregistré au greffe de la cour le 22 mai 2006, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE ; le MINISTRE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 30 janvier 2006, par lequel le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à payer à M. X une somme de 78 000 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2003 ;

2°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit sur le préjudice lié à la perte de rémunération, une expertise à l'effet de déterminer son montant en raiso

n de la perte d'une chance sérieuse de titularisation dans le corps des personnels ...

Vu le recours enregistré au greffe de la cour le 22 mai 2006, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE ; le MINISTRE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 30 janvier 2006, par lequel le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat à payer à M. X une somme de 78 000 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2003 ;

2°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant-dire droit sur le préjudice lié à la perte de rémunération, une expertise à l'effet de déterminer son montant en raison de la perte d'une chance sérieuse de titularisation dans le corps des personnels administratifs supérieurs des services déconcentrés de l'équipement ;

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Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la loi n° 83-481 du 11 juin 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 2004-586 du 23 juin 2004 fixant les conditions exceptionnelles d'intégration des agents, non titulaires des établissements publics chargés des parcs nationaux dans des corps de fonctionnaires de catégorie A ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2008 :
- le rapport de M. Dronneau, président-assesseur ;
- les observations de Me Maylie, avocat de M. X ;
- et les conclusions de M. Valeins, commissaire du gouvernement ;


Considérant que, par jugement en date du 30 janvier 2006, le tribunal administratif de Pau a, à la demande de M. X, agent contractuel de première catégorie, recruté le 1er septembre 1973 et exerçant les fonctions de chef du service de communication au sein de l'établissement public chargé de la gestion du Parc national des Pyrénées, condamné l'Etat à payer à l'intéressé une somme de 78 000 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 14 novembre 2003, en réparation du préjudice causé à l'intéressé par la privation d'une chance très sérieuse d'intégration dans un corps de fonctionnaire de catégorie A ; que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE relève appel de ce jugement ;


Sur le recours du ministre :

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la demande préalable d'indemnisation présentée par M. X au ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, en date du 13 novembre 2003, ne concernait que la seule réparation du préjudice de carrière qu'il estimait avoir subi et qu'il chiffrait à la somme de 107 087,92 € ; que les conclusions ultérieures, présentées directement devant le tribunal administratif de Pau par mémoire enregistré le 10 octobre 2005 et s'étendant, en plus de cette somme, à la réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence de l'intéressé étaient nouvelles ; que l'administration n'ayant pas lié le contentieux, sur ces chefs de préjudice elles étaient irrecevables ; qu'ainsi, c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à ces demandes ; qu'il y a lieu, dans cette mesure, d'annuler le jugement attaqué ;

Considérant, en second lieu, que le tribunal administratif de Pau, pour juger que M. X avait été privé d'une chance sérieuse de titularisation, a relevé que celui-ci exerçait en qualité de chef du service de communication au sein de l'établissement public chargé de la gestion du Parc national des Pyrénées et que ses capacités professionnelles n'étaient pas contestées ; qu'il a, ce faisant, suffisamment motivé sa décision ;

Au fond :

Considérant qu'aux termes de l'article 73 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : « Les agents non titulaires qui occupent un emploi présentant les caractères définis à l'article 3 du titre 1er du statut général ont vocation à être titularisés, sur leur demande, dans des emplois de même nature qui sont vacants ou qui seront créés par les lois de finances (...) » ; qu'aux termes de l'article 79 de la même loi : « Des décrets en Conseil d'Etat peuvent organiser pour les agents non titulaires mentionnés aux articles 73, 74 et 76 ci-dessus l'accès aux différents corps de fonctionnaires suivant l'une des modalités ci-après ou suivant l'une ou l'autre de ces modalités : 1) Par voie d'examen professionnel ; 2) par voie d'inscription sur une liste d'aptitude établie en fonction de la valeur professionnelle des candidats » ; qu'en vertu de l'article 80 de la loi précitée, les décrets prévus par son article 79 fixent, notamment pour chaque ministère, les corps auxquels les agents non titulaires mentionnés à l'article 73 peuvent accéder et pour chaque corps les modalités d'accès à ces corps et les conditions de classement des intéressés dans le corps d'accueil ;

Considérant que le gouvernement avait l'obligation de prendre les décrets prévus à l'article 79 de la loi du 11 janvier 1984 précitée dans un délai raisonnable ; qu'à la date du 23 juin 2004, à laquelle est intervenu le décret n° 2004-586 fixant les conditions exceptionnelles d'intégration des agents non titulaires des établissements publics chargés des parcs nationaux dans des corps de fonctionnaires de catégorie A, ce délai était dépassé ; que cette abstention prolongée est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

Considérant que M. X a exercé les fonctions de chef du service de communication au sein de l'établissement public chargé de la gestion du Parc national des Pyrénées, du 1er septembre 1973 au 31 décembre 2006, date de son admission à la retraite, sans pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 79 de la loi précitée du 11 janvier 1984, et notamment des dispositions du décret du 23 juin 2004 fixant les conditions exceptionnelles d'intégration des agents non titulaires de ces établissements publics dans des corps de catégorie A, auxquelles correspondaient les fonctions exercées ; que le tribunal administratif de Pau a pu retenir, pour reconnaître le droit de l'intéressé à être indemnisé du manque à gagner dont il s'est ainsi trouvé privé, que M. X soutenait sans être utilement contredit par l'administration qu'il avait les capacités professionnelles pour réussir les épreuves de l'examen auxquelles était conditionnée sa titularisation en vertu de l'article 3 du décret du 23 juin 2004 précité et pour estimer qu'il avait été privé d'une chance très sérieuse d'être titularisé et intégré dans le corps des personnels administratifs supérieurs des services déconcentrés de l'équipement ; que si le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE soutient que le tribunal aurait ainsi indûment renversé la charge de la preuve, il ne produit aucun élément de nature à établir que le tribunal aurait procédé à une inexacte appréciation des chances de l'intéressé quand bien même son intégration aurait été conditionnée, selon le décret du 23 juin 2004 susmentionné, à la réussite d'un examen professionnel ; que, par suite, LE MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a condamné l'Etat à payer à M. X une somme de 75 000 € en réparation de la perte de rémunération qu'il a subie ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE est seulement fondé à demander que la somme de 78 000 €, à laquelle le tribunal administratif de Pau a condamné l'Etat, soit ramenée à 75 000 €, assortie des intérêts à compter du 14 novembre 2003 et de leur capitalisation à compter du 16 décembre 2005 ;

Sur l'appel incident :

Considérant que M. X, par la voie de l'appel incident, soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau n'a pas intégralement fait droit à sa demande de condamnation de l'Etat et, dans le dernier état de ses conclusions, demande que la somme que l'Etat a été condamné à lui payer soit portée à 299 658,27 € ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que le préjudice de M. X lié à la perte de rémunération, s'est poursuivi du 1er août 2005, date retenue par le tribunal administratif de Pau pour déterminer ses droits, au 31 décembre 2006, date de son admission à la retraite ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice de l'intéressé pour cette période en condamnant l'Etat à lui accorder une somme complémentaire de 6 000 €, intérêts compris ;

Considérant, d'autre part, que la perte alléguée de retraite subie par M. X est la conséquence directe de la faute de l'Etat susmentionnée ; que, dès lors, l'intéressé est fondé, dans la limite de sa demande préalable à l'administration, à solliciter la condamnation de l'Etat à réparer le manque à gagner sur sa pension du 1er janvier 2007 à la date de lecture du présent arrêt ; que M. X soutient sans être utilement contredit que son manque à gagner est de l'ordre de 9 € par jour ; qu'au-delà de la date de lecture du présent arrêt, en revanche, le préjudice de M. X ne présente pas un caractère certain ; qu'ainsi, M. X est fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui payer, à ce titre, une somme de 3 883,87 € ;

Considérant, en revanche, que les conclusions de M. X, relatives à la réparation de son préjudice moral et aux troubles dans les conditions d'existence qu'il a pu supporter, n'avaient pas fait l'objet de la demande préalable du 13 novembre 2003 ; qu'elles ont été présentées directement devant les premiers juges par mémoire enregistré le 10 octobre 2005 ; qu'étant nouvelles, elles étaient, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, irrecevables ; que, dès lors, M. X n'est pas recevable à faire valoir ces conclusions devant le juge d'appel ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a demandé au ministre de l'environnement de le titulariser sur le fondement des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 par lettre du 5 mai 1994 ; que s'il avait vocation à être titularisé en vertu de ces dispositions, le bénéfice de cette mesure était conditionné par l'article 73 de la même loi à la présentation d'une demande ; que, dès lors, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que ce serait à tort que le tribunal administratif de Pau a, pour ce motif, écarté sa demande d'indemnisation pour la période du 1er janvier 1984 au 4 mai 1994 ;

Considérant que M. X demande la prise en compte, au titre de son préjudice de carrière, des primes auxquelles il aurait pu prétendre s'il avait été titularisé dans l'un des grades de la catégorie A ; qu'à ce titre, il sollicite une indemnité représentative de « l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires » et de « l'indemnité de polyvalence » ; que quand bien même l'établissement public chargé de la gestion du Parc national des Pyrénées accorderait aux personnels administratifs supérieurs des services déconcentrés du ministère de l'équipement les primes dont s'agit de façon systématique et forfaitaire, il demeure que leur attribution est assujettie à l'exercice effectif des fonctions et à la satisfaction des conditions qu'elles prévoient ; qu'il n'est pas établi que M. X - qui n'a pas exercé les fonctions auxquelles elles correspondent - ait rempli les conditions qu'elles prévoient pour y prétendre ; que, dès lors, le tribunal a pu à juste titre écarter ces demandes de l'intéressé ;

Considérant, enfin, que la perte de valeur de la monnaie n'est pas susceptible d'ouvrir droit à réparation ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir que ce serait à tort que le tribunal a rejeté sa demande tendant à ce que l'indemnité accordée soit affectée d'un coefficient d'érosion monétaire ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui payer les sommes complémentaires de 6 000 € et 3 883,87 € intérêts compris ; que, déduction faite de la somme de 3 000 €, accordée à tort par le tribunal administratif de Pau, il y a lieu d'arrêter la somme nette complémentaire que l'Etat est condamné à payer à l'intéressé à 6 883,87 € ;


Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat, à payer à M. X une somme de 1 300 € au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


DECIDE :


Article 1er : L'Etat est condamné à payer à M. X une somme complémentaire de 6 883,87 €, intérêts compris, en sus de celle accordée par le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 30 janvier 2006.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 30 janvier 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 300 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus du recours du MINISTRE, ensemble le surplus de l'appel incident de M. X, sont rejetés.

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No 06BX01068


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 06BX01068
Date de la décision : 04/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ZAPATA
Rapporteur ?: M. Michel DRONNEAU
Rapporteur public ?: M. VALEINS
Avocat(s) : THALAMAS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-03-04;06bx01068 ?
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