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11/03/2008 | FRANCE | N°06BX00144

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 11 mars 2008, 06BX00144


Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la Cour respectivement les 23 janvier et 9 mars 2006, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX, par Me Le Prado, avocat ;
LE CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 17 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à verser conjointement à M. et Mme une somme globale de 25 000 euros au titre des troubles de toute nature subis par eux, en leur nom personnel et en leur qualité d'ayants droi

t de leur fille, Estelle, décédée le 8 août 2002 ;
2°) de rej...

Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif, enregistrés au greffe de la Cour respectivement les 23 janvier et 9 mars 2006, présentés pour le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX, par Me Le Prado, avocat ;
LE CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 17 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à verser conjointement à M. et Mme une somme globale de 25 000 euros au titre des troubles de toute nature subis par eux, en leur nom personnel et en leur qualité d'ayants droit de leur fille, Estelle, décédée le 8 août 2002 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme audit tribunal administratif ;
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Considérant que LE CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX demande l'annulation du jugement en date du 17 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux, après avoir considéré que le décès de Mlle Estelle , survenu dans ses services le 8 août 2002, devait être imputé à une infection nosocomiale dont il était présumé responsable, l'a condamné à verser conjointement à M. et Mme une somme globale de 25 000 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2004, au titre des troubles de toute nature subis par eux, en leur nom personnel et en leur qualité d'ayants droit de leur fille ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'article 98 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, applicables aux infections nosocomiales consécutives à des soins réalisés à compter du 5 septembre 2001 : « Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé …, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise prescrite en première instance, que Mlle Estelle était atteinte depuis l'enfance de la maladie de Fanconi, spontanément et inéluctablement mortelle vers l'âge de 20 ans ; qu'à la suite de la perte d'efficacité des androgènes, seul traitement alors disponible, Mlle Estelle , âgée de 23 ans, en état d'immunodépression sévère, a été admise le 22 mai 2002 au CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX pour y subir une greffe de moelle effectuée à partir d'un donneur non apparenté le 28 mai 2002, puis une seconde greffe pratiquée à partir du même donneur le 7 août 2002 ; qu'ainsi son état de santé lors de son admission au centre universitaire de Bordeaux l'exposait particulièrement aux complications infectieuses et aux surinfections, fréquentes chez les patients immunodéprimés ; qu'en admettant même que Mlle Estelle ait été victime le 8 août 2002 d'une infection nosocomiale, la septicémie à staphylocoque doré, survenue immédiatement après les lourdes opérations pratiquées n'était pas sans rapport avec son état initial fortement dégradé ou l'évolution prévisible de cet état et ne peut être imputée qu'à sa seule déficience immunitaire sans que puissent être mises en cause les mesures prises par le centre hospitalier universitaire ; que, par suite, le décès de Mlle Estelle doit être regardé comme résultant d'une cause étrangère au sens des dispositions précitées ; qu'en conséquence, c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX était engagée sur le fondement des dispositions de l'article L.1142-1 du code de la santé publique ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que les deux opérations de greffe de moelle ont été réalisées conformément aux règles de l'art et étaient adaptées à l'état de la patiente, laquelle présentait lors de son admission au centre hospitalier des troubles qui engageaient le pronostic vital à court terme ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'apparition de la septicémie à staphylocoque doré aurait été favorisée par l'absence de changement d'un cathéter surinfecté alors notamment que le rapport de l'expertise prescrite en première instance note qu'un changement de cathéter, qui restait à cette époque dangereux et contre-indiqué, aurait ajouté un risque d'hématome infecté ; qu'en conséquence, aucune faute médicale ou dans l'organisation et le fonctionnement du service ne peut être relevée à l'encontre du personnel du centre hospitalier universitaire de Bordeaux au cours ou à la suite des opérations qu'y a subies Mlle Estelle ;
Considérant que si M. et Mme soutiennent qu'ils n'avaient pas été informés du fait que le taux de mortalité découlant d'une greffe de moelle provenant d'un donneur non apparenté était d'environ 90 %, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise prescrite en première instance, qu'au cours de la réunion du 18 septembre 2003, Mme avait admis connaître les risques présentés par une telle opération et que, de même, le sapiteur adjoint à l'expert nommé en première instance, note qu'Estelle, majeure et consciente à l'époque des faits, avait été informée des risques de l'opération, à laquelle elle avait consenti par écrit en étant suffisamment éclairée ; qu'ainsi le moyen manque en fait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que LE CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bordeaux l'a condamné à indemniser M. et Mme du fait des préjudices subis en raison du décès de leur fille le 8 août 2002 ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre les frais d'expertise exposés devant le Tribunal administratif de Bordeaux à la charge de M. et Mme ;
Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que LE CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE BORDEAUX, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. et Mme la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.


DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Bordeaux en date du 17 novembre 2005 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme audit tribunal administratif est rejetée.
Article 3 : Les frais d'expertise exposés devant le Tribunal administratif de Bordeaux sont mis à la charge de M. et Mme .
Article 4 : Les conclusions de M. et Mme tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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06BX00144


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DUDEZERT
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: Mme VIARD
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 11/03/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 06BX00144
Numéro NOR : CETATEXT000018802585 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-03-11;06bx00144 ?
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