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15/04/2008 | FRANCE | N°06BX01352

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 15 avril 2008, 06BX01352


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 28 juin 2006, présentée pour LA POSTE, Centre régional des services financiers, dont le siège est situé 52 rue Georges Bonnac à Bordeaux (33900), par la SCP Granrut, avocat au barreau de Paris ;

LA POSTE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 25 avril 2006, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a, à la demande du syndicat CGT -secteur des activités postales et de télécommunication- annulé la décision du 7 mai 2004, par laquelle le directeur du centre régional de Bordea

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Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 28 juin 2006, présentée pour LA POSTE, Centre régional des services financiers, dont le siège est situé 52 rue Georges Bonnac à Bordeaux (33900), par la SCP Granrut, avocat au barreau de Paris ;

LA POSTE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 25 avril 2006, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a, à la demande du syndicat CGT -secteur des activités postales et de télécommunication- annulé la décision du 7 mai 2004, par laquelle le directeur du centre régional de Bordeaux des services financiers de LA POSTE a interdit les « délégations de masse » et donné des instructions pour que soit opérée une retenue de 1/30ème pour toutes les personnes participant à une telle manifestation ;

2°) de condamner le Syndicat CGT-Secteur des activités postales et de télécommunication à lui payer une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


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Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la loi de finances n° 61-825 du 29 juillet 1961, rectificative pour 1961 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 2008 :
- le rapport de M. Dronneau, président-assesseur ;
- les observations de Me Bellanger, avocat de LA POSTE ;
- les observations de Me Meyer, avocat du syndicat CGT ;
- et les conclusions de M. Valeins, commissaire du gouvernement ;


Vu la note en délibéré enregistrée au greffe de la cour le 18 mars 2008, présentée pour LA POSTE ;


Considérant que, par lettre du 7 mai 2004, adressée au personnel, le directeur régional des services financiers de LA POSTE à Bordeaux a, notamment, d'une part, interdit une forme d'action syndicale, dite « délégation de masse », et, d'autre part, donné pour instruction à ses services de retenir 1/30ème de salaire aux agents qui, à l'avenir, participeraient à de telles actions ; que LA POSTE relève appel du jugement en date du 25 avril 2006, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a, à la demande du syndicat CGT-secteur des activités postales et de télécommunication - annulé « la décision du 7 mai 2004 » ;


Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 13 des statuts du syndicat départemental CGT des salariés du secteur des activités postales et de télécommunication de la Gironde : « Le syndicat peut agir en justice dans le cadre défini par l'article 3. Le secrétaire général représente le syndicat départemental dans tous les actes de la vie civile et en justice. Le bureau départemental peut désigner tout membre du syndicat départemental en tant que de besoin, pour représenter le syndicat notamment en justice » ; que ledit syndicat a produit devant le tribunal administratif, le 1er mars 2006, copie de ses statuts et du procès-verbal de son congrès départemental des 1er, 2 et 3 décembre 2005, désignant le dernier bureau élu, dont M. Notais est secrétaire général ; que M. Notais avait qualité pour agir au nom du syndicat ; que la production du procès-verbal et des statuts en cours d'instance a régularisé la demande introduite devant le tribunal administratif de Bordeaux, le 24 juin 2004, pour le syndicat par M. Notais ; que, par suite, c'est à juste titre que le tribunal administratif de Bordeaux a déclaré cette demande recevable ;

Considérant, en deuxième lieu, que par sa lettre du 7 mai 2004, le directeur régional des services financiers de LA POSTE a interdit l'action syndicale sous forme de « délégation de masse », consistant pour le personnel, au terme d'une assemblée générale, à se réunir sous la direction du syndicat devant le bureau d'un supérieur hiérarchique pour lui remettre une réclamation ou une motion revendicative ; qu'il a, par la même lettre, assorti cette interdiction de l'ordre, donné aux services, de retirer 1/30ème de la rémunération des agents qui participeraient à ce type d'action ; que cette lettre, qui ne se borne pas à rappeler une réglementation préexistante mais modifie les modalités de l'action syndicale et touche à la rémunération du personnel, constitue un acte administratif faisant grief aux agents, dont le syndicat a intérêt à demander l'annulation, quand bien même la règle du retrait du 1/30ème de la rémunération en cas d'inexécution des obligations de service était déjà applicable ;

Considérant, en troisième lieu, que lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du commissaire du gouvernement, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision ; que, s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ; qu'il ressort des pièces du dossier que LA POSTE a produit une note en délibéré postérieurement aux conclusions du commissaire du gouvernement prononcées au cours de l'audience du 21 mars 2006 ; que si le syndicat CGT a, de son côté, produit, le 23 mars 2006, une nouvelle copie du procès-verbal de son congrès des 1er, 2 et 3 décembre 2005, ce document était déjà en possession du tribunal depuis le 1er mars 2006 ; que le jugement attaqué visant l'un et l'autre documents, le tribunal a pu, sans entacher son jugement d'irrégularité, statuer sans rouvrir l'instruction, dès lors qu'il n'est ni allégué ni établi que LA POSTE n'aurait pas eu connaissance des pièces produites par le syndicat le 1er mars 2006 ;

Considérant, enfin, que la minute du jugement attaqué comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'article R. 741-7 du code de justice administrative aurait été méconnu manque en fait ;


Au fond :

Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires qui s'applique aux agents de LA POSTE : « Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération (...) » ; qu'aux termes de l'article 4 de la loi de finances rectificative du 29 juillet 1961, dans sa rédaction résultant de la loi n° 77-826 du 22 juillet 1977 : « Le traitement exigible après service fait (...) est liquidé selon les modalités édictées par la réglementation sur la comptabilité publique. L'absence de service fait, pendant une fraction quelconque de la journée, donne lieu à une retenue dont le montant est égal à la fraction du traitement frappée d'indivisibilité en vertu de la réglementation (...) Il n'y a pas service fait : 1° Lorsque l'agent s'abstient d'effectuer tout ou partie de ses heures de service ; 2° Lorsque l'agent, bien qu'effectuant ses heures de service, n'exécute pas tout ou partie des obligations de service qui s'attachent à sa fonction telles qu'elles sont définies dans leur nature et leurs modalités par l'autorité compétente dans le cadre des lois et règlements » ; qu'il suit de là, qu'en l'absence de toute disposition législative contraire, les agents publics ne peuvent être privés du droit de percevoir l'intégralité de leur rémunération dès lors qu'ils ont accompli la totalité de leurs heures de service ou ont exécuté la totalité de leurs obligations de service s'attachant à leurs fonctions ; que si la participation des agents à un mouvement revendicatif n'implique pas, par elle-même, la méconnaissance des obligations de service, il en va différemment si cette participation a lieu pendant les heures de service ; qu'ainsi, en se prononçant sur la légalité de la lettre du directeur régional des services financiers de LA POSTE en ce qu'elle intime aux services de retirer 1/30ème de rémunération aux agents qui participeraient à l'avenir à une « délégation de masse » au regard des seules dispositions de l'article 20 précité de la loi du 13 juillet 1983, sans examiner si cette participation a pu avoir lieu en partie durant le temps de pause, le tribunal administratif de Bordeaux a méconnu les dispositions de l'article 4 de la loi de finances rectificative du 29 juillet 1961, telle qu'elle résulte de sa rédaction précitée modifiée par la loi du 22 juillet 1977 ;

Considérant qu'il appartient à la cour, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par le Syndicat départemental CGT des salariés du secteur des activités postales et de télécommunication devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 du décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique : « Les organisations syndicales peuvent tenir des réunions statutaires ou d'information à l'intérieur des bâtiments administratifs en dehors des horaires de service (...) » ; qu'aux termes de l'article 7 du même décret : « La tenue des réunions mentionnées aux articles 4, 5 et 6 ne doit pas porter atteinte au bon fonctionnement du service ou entraîner une réduction de la durée d'ouverture de ce service aux usagers. / Les demandes d'organisation de telles réunions doivent, en conséquence, être formulées au moins une semaine avant la date de la réunion » ; que s'il appartenait au directeur régional, en qualité de chef de service, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l'administration placée sous son autorité pour organiser la tenue des réunions syndicales définies par les dispositions précitées, il ne pouvait, par une mesure générale et absolue, interdire totalement l'une des modalités d'exercice de ces réunions, autorisées à l'intérieur des bâtiments administratifs, en dehors des heures de service, c'est-à-dire pendant les temps de pause ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision d'assortir la méconnaissance de l'interdiction de participer à toute « délégation de masse » du retrait automatique de 1/30ème de la rémunération des agents est, par voie de conséquence, illégale, d'autant qu'elle n'établit pas de lien avec la méconnaissance des obligations de service conformément aux dispositions de l'article 4 précité de la loi du 29 juillet 1961 modifiée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que LA POSTE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les décisions du directeur régional des services financiers de LA POSTE contenues dans sa lettre circulaire du 7 mai 2004 ;


Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le syndicat CGT-secteur des activités postales et de télécommunication de la Gironde, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à LA POSTE la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner LA POSTE à payer au syndicat CGT-secteur des activités postales et de télécommunication de la Gironde une somme de 1 300 € au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


DECIDE :


Article 1er : La requête de LA POSTE est rejetée.

Article 2 : LA POSTE versera au syndicat CGT-secteur des activités postales et de télécommunication de la Gironde une somme de 1 300 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 06BX01352


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 06BX01352
Date de la décision : 15/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. ZAPATA
Rapporteur ?: M. Michel DRONNEAU
Rapporteur public ?: M. VALEINS
Avocat(s) : SCP GRANRUT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-04-15;06bx01352 ?
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