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20/05/2008 | FRANCE | N°07BX00298

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 20 mai 2008, 07BX00298


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 février 2007, présentée pour la SOCIETE JOSEPH PARIS, dont le siège est 7 boulevard Général Koenig à Nantes (44100), représentée par son président directeur général en exercice, par la SELARL Armen ;

La SOCIETE JOSEPH PARIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°9905137 en date du 7 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à condamner la région Guadeloupe à lui payer la somme de 225 428, 34 euros, assortie des intérêts moratoires

à compter du 25 juin 1998, au titre de travaux effectués en sous-traitance dans le...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 février 2007, présentée pour la SOCIETE JOSEPH PARIS, dont le siège est 7 boulevard Général Koenig à Nantes (44100), représentée par son président directeur général en exercice, par la SELARL Armen ;

La SOCIETE JOSEPH PARIS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°9905137 en date du 7 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à condamner la région Guadeloupe à lui payer la somme de 225 428, 34 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 25 juin 1998, au titre de travaux effectués en sous-traitance dans le cadre du marché portant réalisation du deuxième franchissement de la Rivière Salée ;

2°) de faire droit à la demande présentée audit tribunal administratif tendant à condamner la région Guadeloupe à lui payer la somme de 225 428, 34 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 25 juin 1998, eux-mêmes capitalisés ;

3°) de condamner la région Guadeloupe à lui verser une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2008,
le rapport de M. Péano, président-assesseur ;
et les conclusions de Mme Viard, commissaire du gouvernement ;


Considérant que la SOCIETE JOSEPH PARIS fait appel du jugement n° 9905137 en date du 7 décembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à condamner la région Guadeloupe à lui payer la somme, en principal, de 225 428,34 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 25 juin 1998, au titre de travaux effectués en sous-traitance dans le cadre du marché portant réalisation du deuxième franchissement de la Rivière Salée ;

Considérant que, pour rejeter la demande présentée par la SOCIETE JOSEPH PARIS, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif qu'elle n'a jamais saisi la direction départementale de l'équipement, maître d'oeuvre de l'opération, avant de présenter sa demande de paiement direct à la région Guadeloupe, maître de l'ouvrage, et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 13.54 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier : Le sous-traitant qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution (...) ; qu'aux termes de l'article 7 de la même loi : Toute renonciation au paiement direct est réputée non écrite ; qu'aux termes de l'article 8 : L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. / Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article 186 ter du code des marchés publics dans sa rédaction alors en vigueur, rendu applicable aux marchés conclus par les collectivités locales et leurs établissements publics par l'article 356 du même code : Au vu des pièces justificatives fournies par le sous-traitant et revêtues de l'acceptation du titulaire du marché, l'ordonnateur mandate les sommes dues au sous-traitant et, le cas échéant, envoie à ce dernier l'autorisation définie au I de l'article 178 bis. / Dès réception de ces pièces, l'administration avise le sous-traitant de la date de réception de la demande de paiement envoyée par le titulaire et lui indique les sommes dont le paiement à son profit a été accepté par ce dernier. / Dans le cas où le titulaire d'un marché n'a ni opposé un refus motivé à la demande de paiement du sous-traitant dans le délai de quinze jours suivant sa réception, ni transmis celle-ci à l'administration, le sous-traitant envoie directement sa demande de paiement à l'administration par lettre recommandée avec avis de réception postal ou la lui remet contre récépissé dûment daté et inscrit sur un registre tenu à cet effet. / L'administration met aussitôt en demeure le titulaire, par lettre recommandée avec avis de réception postal, de lui faire la preuve, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre, qu'il a opposé un refus motivé à son sous-traitant. Dès réception de l'avis, elle informe le sous-traitant de la date de cette mise en demeure. / A l'expiration de ce délai, au cas où le titulaire ne serait pas en mesure d'apporter cette preuve, l'administration contractante dispose du délai prévu au I de l'article 178 pour mandater les sommes dues aux sous-traitants à due concurrence des sommes restant dues au titulaire ou du délai prévu au I de l'article 178 bis pour envoyer au sous-traitant l'autorisation d'émettre une lettre de change-relevé à due concurrence des sommes restant dues au titulaire ;

Considérant que, s'il est loisible au maître de l'ouvrage de soumettre au maître d'oeuvre les demandes d'acompte et les pièces justificatives présentées par un sous-traitant au titre du paiement direct, aux fins de contrôler le montant de la créance de ce dernier, compte tenu des travaux exécutés et des prix stipulés par le marché, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose leur transmission au maître d'oeuvre par le sous-traitant ou le titulaire du marché à peine d'irrecevabilité de la demande de paiement direct ; que, notamment, à supposer même que les actes spéciaux par lesquels les conditions de paiement de la SOCIETE JOSEPH PARIS ont été agréées par le maître de l'ouvrage aient rendu opposables à cette société les stipulations de l'article 13.54 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, ces stipulations ne pouvaient, en tout état de cause, avoir légalement pour effet de déroger, sur ce point, aux dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1975 et du code des marchés publics ; qu'ainsi c'est à tort que, pour rejeter la demande présentée par la SOCIETE JOSEPH PARIS, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif susanalysé ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SOCIETE JOSEPH PARIS ;

Considérant que, par acte d'engagement du 2 juillet 1991, la région Guadeloupe a confié la réalisation du deuxième franchissement de la Rivière Salée à un groupement d'entreprises ayant pour mandataire commun la société SOBETRAP ; que par l'annexe n°2 audit acte d'engagement, la région a agréé la SOCIETE JOSEPH PARIS en qualité de sous-traitant en charge de la réalisation de la travée mobile du lot n° 2 du marché et a accepté les conditions de paiement au titre du contrat de sous-traitance ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, après la réception des travaux en octobre 1997, conformément aux dispositions précitées de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 juin 1998, la SOCIETE JOSEPH PARIS a adressé à la société SOBETRAP les pièces justificatives devant servir de base au paiement de la somme de 1 478 713 francs TTC, soit 225 428, 34 euros, correspondant au montant des travaux qu'elle avait réalisés en qualité de sous-traitante ; qu'en l'absence d'acceptation et de refus motivé sur cette demande, transmise par la société SOBETRAP à la région Guadeloupe dans un délai de quinze jours courant à compter de la date de l'accusé de réception, la SOCIETE JOSEPH PARIS a, par un courrier en date du 27 août 1998, transmis à cette dernière la demande de paiement direct de cette même somme ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que le décompte général du marché a été notifié à la société SOBETRAP au mois de décembre 1999 ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient la région Guadeloupe, la demande de paiement direct de la SOCIETE JOSEPH PARIS a été présentée en temps utile ;
Considérant que les procédures instituées par les dispositions précitées de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975 et de l'article 186 ter du code des marchés publics autorisant le contrôle par le maître de l'ouvrage du montant de la créance du sous-traitant compte tenu des travaux qu'il a exécutés et des prix stipulés par le marché, n'ont ni pour objet ni pour effet de permettre au maître d'ouvrage de refuser la demande de paiement direct dont il a été régulièrement saisi au motif qu'un conflit oppose le sous-traitant au titulaire du marché ; que la région Guadeloupe ne peut utilement arguer du conflit opposant la société SOBETRAP à la SOCIETE JOSEPH PARIS pour rejeter sa demande de paiement direct ; que la région Guadeloupe ne peut pas davantage prétendre s'être valablement libérée de ses dettes à l'égard de la SOCIETE JOSEPH PARIS par le paiement qu'elle a déjà effectué entre les mains de la société SOBETRAP pour refuser de faire droit à la demande de paiement direct dont elle était régulièrement saisie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE JOSEPH PARIS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à condamner la région Guadeloupe à lui payer la somme, en principal, de 225 428, 34 euros, au titre de travaux effectués en sous-traitance dans le cadre du marché portant réalisation du deuxième franchissement de la Rivière Salée ;

Considérant que le paiement de cette somme doit être subordonné à la condition que la SOCIETE JOSEPH PARIS subroge la région Guadeloupe dans les droits qu'elle pourrait faire valoir à l'encontre de la société SOBETRAP du fait du non-paiement par celle-ci des travaux exécutés pour son compte dans le cadre des travaux admis au paiement direct ;

Considérant que la SOCIETE JOSEPH PARIS a adressé sa demande de paiement direct à la région Guadeloupe par un courrier en date du 27 août 1998 ; que, conformément aux dispositions de l'article 186 ter du code des marchés publics, il appartenait au maître d'ouvrage de mettre en demeure la société SOBETRAP de lui apporter la preuve, dans un délai de quinze jours, de son refus d'accepter les pièces justificatives que lui avait adressées la SOCIETE JOSEPH PARIS ; qu'à l'expiration de ce délai, et dans la mesure où cette preuve n'avait pas été apportée, la région disposait du délai de trente cinq jours prévu au I de l'article 178 du code des marchés publics pour mandater la somme due au sous-traitant ; qu'il est constant que ce mandatement n'a pas eu lieu ; qu'aux termes du II de l'article 178 du code des marchés publics, ce défaut de mandatement dans le délai de trente cinq jours a fait courir de plein droit, au bénéfice de la requérante, des intérêts moratoires à partir du jour suivant l'expiration de ce délai, soit le 16 octobre 1998 ; qu'ainsi, la SOCIETE JOSEPH PARIS a droit aux intérêts de la somme de 225 428, 34 euros à compter de cette date ;
Considérant que pour l'application de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que la société JOSEPH PARIS a conclu à la capitalisation des intérêts dans sa requête enregistrée au greffe de la Cour le 9 février 2007 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, par suite, la société JOSEPH PARIS a droit à la capitalisation des intérêts de la somme de 225 428, 34 euros au 9 février 2007 et à chaque échéance annuelle à partir de cette date ; qu'en revanche, elle ne peut prétendre à la capitalisation des intérêts moratoires antérieurement à sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la SOCIETE JOSEPH PARIS, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à la région Guadeloupe les sommes qu'elle demande sur ce fondement au titre de la première instance et de l'appel ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la région Guadeloupe le paiement au profit de la SOCIETE JOSEPH PARIS d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°9905137 du Tribunal administratif de Basse-Terre en date du 7 décembre 2006 est annulé.
Article 2 : La région Guadeloupe est condamnée à verser à la SOCIETE JOSEPH PARIS la somme de 225 428, 34 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 16 octobre 1998, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés au 9 février 2007 et à chaque échéance annuelle suivante à partir de cette date.

Article 3 : Le paiement de la somme prévue à l'article 2 est subordonné à la condition que la SOCIETE JOSEPH PARIS subroge la région Guadeloupe dans les droits qu'elle pourrait faire valoir à l'encontre de la société SOBETRAP.
Article 4 : La région Guadeloupe versera à la SOCIETE JOSEPH PARIS une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE JOSEPH PARIS et les conclusions de la région Guadeloupe sont rejetés.

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07BX00298


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 07BX00298
Date de la décision : 20/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DUDEZERT
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: Mme VIARD
Avocat(s) : SELARL ARMEN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-05-20;07bx00298 ?
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