Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 30 mai 2006 sous le n° 06BX01132, présentée pour M. Olivier X, demeurant ..., par Me Delvolve, avocat ;
M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0300105 en date du 16 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Fort-de-France à lui verser une indemnité de 20.700 euros ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Fort-de-France à lui verser une indemnité de 20.700 euros ;
3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Fort-de-France à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n°59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 avril 2008,
- le rapport de Mme Lefebvre-Soppelsa, premier conseiller ;
- les observations de Me Delvolve, avocat de M. X ;
- et les conclusions de Mme Balzamo, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er modifié de l'ordonnance n°59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques : « Lorsque le décès, l'infirmité ou la maladie d'un agent de l'Etat est imputable à un tiers, l'Etat dispose de plein droit contre ce tiers, par subrogation aux droits de la victime ou de ses ayants-droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droits à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie » et qu'aux termes de l'article 3 de cette même ordonnance : « Lorsque la victime ou ses ayants droits engagent une action contre le tiers responsable, ils doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci à peine de nullité (...) » ; que ces dispositions créent pour le juge lorsque la victime est agent de l'Etat l'obligation de le mettre en cause en vue de permettre l'exercice par celui-ci de l'action subrogatoire qui lui est ouverte de plein droit contre le tiers responsable du préjudice ;
Considérant que, bien qu'informés par M. X de sa qualité de militaire, les premiers juges ont omis de communiquer sa demande au ministère de la Défense, son employeur ; qu'ils ont ainsi méconnu les dispositions susrappelées leur faisant obligation de le mettre en cause ; qu'eu égard au motif qui a conduit le législateur à édicter ces prescriptions, leur violation constitue une irrégularité que le juge d'appel doit soulever d'office ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué ;
Considérant que la cour ayant mis en cause le ministère de la Défense, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Fort-de-France ;
Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Fort-de-France
Considérant que l'introduction accidentelle d'un germe microbien dans l'organisme lors d'une intervention chirurgicale révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier et engage la responsabilité de celui-ci envers la victime des conséquences dommageables de l'infection ; qu'il en va toutefois autrement lorsque l'infection, si elle est déclarée à la suite d'une intervention chirurgicale, résulte de germes déjà présents dans l'organisme du patient avant l'hospitalisation ;
Considérant que M. X, victime d'une fracture bimalléolaire droite, a subi une intervention chirurgicale avec osthéosynthèse le 24 février 1999 au centre hospitalier universitaire de Fort-de-France ; que dans les suites de cette intervention est apparue au 8ème jour post-opératoire une infection au staphylocoque doré de l'articulation tibio-astragalienne ; que le centre hospitalier universitaire de Fort-de-France n'établit pas que accident infectieux consécutif à l'acte chirurgical résulte de germes déjà présents dans l'organisme de M. X avant l'hospitalisation ; qu'ainsi le fait qu'une telle infection ait pu se produire révèle une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service hospitalier ; que dès lors, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, M. X est fondé à demander au centre hospitalier universitaire de Fort-de-France réparation des préjudices qu'il a subis du fait de cette infection ;
Sur l'évaluation du préjudice
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert, désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Fort-de-France le 28 octobre 1999, non contesté sur ce point, que M. X garde une raideur articulaire de la cheville entraînant une incapacité permanente partielle de 7% dont 4% liés à la complication d'ostéoarthrite ; qu'il subit également un préjudice esthétique de 2,5/7 dont 2/7 liés à cette complication, un pretium doloris de 5/7 dont 2/7 liés à cette complication et un préjudice d'agrément lié au fait qu'alors qu'il avait une activité physique intense notamment au titre de sa profession militaire, il ne pourra plus faire de sport justifiant la nécessité d'une mobilité de la cheville ; qu'enfin il a subi une incapacité totale de quatre mois et demi dont deux mois imputables à l'infection nosocomiale ; qu'il sera fait une juste appréciation de la part des préjudices liés à la faute du centre hospitalier universitaire de Fort-de-France en l'évaluant à la somme totale de 10500 euros ;
Considérant que si l'Etat justifie avoir versé la somme de 3.925,93 euros au titre des frais d'hospitalisation de M. X au centre hospitalier universitaire de Fort-de-France, ces frais ne sont pas consécutifs à l'infection nosocomiale contractée par M. X ; que par suite, les conclusions aux fins de remboursement de cette somme ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les frais d'expertise
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre les frais de l'expertise taxés et liquidés par ordonnance rendue le 10 juillet 2000 par le président du Tribunal administratif de Fort-de-France à la somme de 289,65 euros (1.900 francs), à la charge définitive du centre hospitalier universitaire de Fort-de-France ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, de condamner le centre hospitalier universitaire de Fort-de-France à verser à M. X la somme de 1300 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Fort-de-France en date du 16 mars 2006 est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier universitaire de Fort-de-France est condamné à verser à M. X une indemnité de 10.500 euros.
Article 3 : Les conclusions de l'Etat sont rejetées.
Article 4 : Les frais de l'expertise taxés et liquidés par ordonnance du président du Tribunal administratif de Fort-de-France en date du 10 juillet 2000 à la somme de 289,65 euros sont mis à la charge définitive du centre hospitalier universitaire de Fort-de-France.
Article 5 : Le centre hospitalier universitaire de Fort-de-France est condamné à verser à M.X la somme de 1.300 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Fort-de-France et des conclusions de sa requête est rejeté.
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No 06BX01132