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02/06/2008 | FRANCE | N°06BX00088

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 02 juin 2008, 06BX00088


Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2006, présentée pour la SARL DISTILLERIE MERLET et Fils, dont le siège social est situé à Chevessac à Saint-Sauvant (17610) ;

La SARL DISTILLERIE MERLET et Fils demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 novembre 2005 du tribunal administratif de Poitiers en tant que, après avoir prononcé un non-lieu partiel, il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été ass

ujettie au titre des exercices clos le 30 septembre des années 1997, 1998 et 1999 ...

Vu la requête, enregistrée le 16 janvier 2006, présentée pour la SARL DISTILLERIE MERLET et Fils, dont le siège social est situé à Chevessac à Saint-Sauvant (17610) ;

La SARL DISTILLERIE MERLET et Fils demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 novembre 2005 du tribunal administratif de Poitiers en tant que, après avoir prononcé un non-lieu partiel, il a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos le 30 septembre des années 1997, 1998 et 1999 ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions demeurant en litige ;

...............................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2008 :

- le rapport de Mme Rey-Gabriac, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Pouzoulet, commissaire du gouvernement ;


Considérant que la SARL DISTILLERIE MERLET et Fils, qui exerce une activité de négoce de spiritueux, a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt au titre des exercices clos le 30 septembre de chacune des années 1997, 1998 et 1999 à raison de ses droits dans le groupement d'intérêt économique (GIE) Socodivi, dont elle détient 80 % des parts ; qu'elle fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 17 novembre 2005 qui, après avoir prononcé un non-lieu partiel à hauteur du dégrèvement accordé en cours d'instance, a rejeté le surplus de ses demandes tendant à la décharge de ces impositions ;


Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 239 quater I du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : « Les groupements d'intérêt économiques constitués et fonctionnant dans les conditions prévues par l'ordonnance n° 67-821 du 23 septembre 1967 n'entrent pas dans le champ d'application du 1 de l'article 206, mais chacun de leurs membres est personnellement passible, pour la part des bénéfices correspondant à ses droits dans le groupement, soit de l'impôt sur le revenu, soit de l'impôt sur les sociétés s'il s'agit de personnes morales relevant de cet impôt. Pour l'application de cette disposition, la répartition est effectuée dans les conditions fixées par le contrat de groupement ou, à défaut, par fractions égales » ; qu'aux termes de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : « En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même » ; que les articles L. 55 et suivants du même livre prévoient les conditions dans lesquelles d'une part, les déclarations fiscales ne peuvent être corrigées qu'après envoi d'une notification de redressement motivée, d'autre part, le contribuable peut demander, lorsque le désaccord persiste sur le redressement notifié, que le litige soit soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que c'est avec le groupement d'intérêt économique que l'administration fiscale doit engager et poursuivre la procédure de vérification et de redressement des résultats déclarés par ce groupement et que seul celui-ci peut demander que soit soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le désaccord persistant sur les redressements qui lui ont été notifiés ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à l'issue de la vérification de la comptabilité du GIE Socodivi, l'administration a remis en cause la déduction par ce groupement, au titre des exercices clos le 30 septembre de chacune des années 1997, 1998 et 1999, de commissions à l'exportation versées à la société Alcovin ; qu'à la demande du GIE, le désaccord subsistant sur ces redressements a été soumis à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et l'avis émis par cette commission communiqué au GIE ; que les conséquences de ces redressements ont été notifiées à la SARL DISTILLERIE MERLET à proportion de ses droits dans le groupement ; que le rehaussement de ses bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés a été confirmé à la société par une réponse aux observations du contribuable sur l'imprimé de laquelle le vérificateur a laissé subsister la mention pré-imprimée informant le redevable de la possibilité qui lui est offerte de soumettre le différend à la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;


Considérant que, dès lors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, seul le GIE pouvait demander que le désaccord persistant sur le redressement qui lui avait été notifié fût soumis à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, la circonstance que l'administration n'a pas rayé, sur la réponse aux observations de la société requérante, la mention relative à la possibilité de demander la saisine de cette commission et n'a pas donné suite à la demande de la société tendant à la saisine de cette commission n'a privé la société requérante d'aucun droit et est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition ;


Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, (...), notamment : 1° Les frais généraux de toute nature ... » ; qu'aux termes de l'article 238 A du même code : « Les intérêts (...) les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. / Pour l'application de l'alinéa qui précède, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus notablement moins élevés qu'en France. » ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle s'en prévaut pour contester la déduction de commissions, l'administration doit justifier que le bénéficiaire de ces commissions est soumis hors de France à un régime fiscal privilégié par comparaison à celui auquel il serait soumis s'il les percevait en France ;

Considérant que le GIE Socodivi a versé à la société Alcovin, dont le siège est à Vaduz (Liechtenstein) des commissions destinées à rémunérer son intervention en vue de l'exportation de vins et alcools en Lituanie, en Pologne et en Lettonie ; que l'administration a remis en cause la déduction de ces commissions à concurrence des sommes de 1 603 292 F, 946 120 F et 592 039 F, respectivement au titre des exercices clos en 1997, 1998 et 1999 ;

Considérant que si, en l'absence de convention d'assistance administrative entre la France et la principauté du Liechtenstein, l'administration n'est pas en mesure d'établir le prélèvement fiscal effectivement supporté par la société Alcovin sur les commissions qu'elle a perçues, il résulte de l'instruction et il n'est d'ailleurs pas contesté que les sociétés holding et les sociétés de domicile sont exonérées d'impôt sur les bénéfices au Liechtenstein et que seules les sociétés exerçant une industrie en la forme commerciale y sont assujetties à l'impôt sur les bénéfices à un taux compris entre 7,5 % et 15 % ; qu'en France, le taux d'imposition résultant du cumul de l'impôt sur les sociétés et de la contribution supplémentaire de 10 % à cet impôt s'élevait à 36,66 % au cours des exercices litigieux ; qu'ainsi, par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, le tribunal administratif a relevé à juste titre que « quel que soit le statut juridique exact de la société Alcovin, celle-ci ne peut qu'avoir été soumise, au titre de l'impôt sur les bénéfices auxquels ont contribué les commissions perçues, à un régime fiscal nettement plus favorable que celui qui lui aurait été applicable si elle avait perçu les mêmes sommes en France » de sorte que « l'administration doit être regardée comme établissant que la société Alcovin était assujettie au Liechtenstein à un régime fiscal privilégié et a donc fait une exacte application de l'article 238 A précité » et « qu'il appartient, en conséquence, à la société requérante d'apporter la preuve que les dépenses litigieuses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré » ;

Considérant que si la société requérante a produit devant le tribunal administratif de Poitiers un contrat de courtage passé avec la société Alcovin datant de mars 1997 et portant sur la livraison de brandy à un client lituanien jusqu'au 31 mars 1998, l'administration en a tiré les conséquences en accordant au cours de la première instance un dégrèvement correspondant à la déduction des commissions afférentes aux livraisons couvertes par ce contrat, en retenant toutefois un taux de commission limité à 5 % ; que, s'agissant des autres commissions, la SARL DISTILLERIE MERLET et Fils n'a fourni aucun élément justificatif permettant d'établir l'intervention effective de la société Alcovin au cours des exercices en litige ; que, ainsi que l'a relevé le tribunal administratif par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, si la société « fait état d'une augmentation du chiffre d'affaires du GIE, notamment à l'exportation, elle n'établit pas que cette progression proviendrait d'affaires réalisées avec des clients apportés ou démarchés par le bénéficiaire des commissions », et « de plus, ces dernières, qui représentent des pourcentages extrêmement variables du montant des ventes, quand bien même il s'agit des mêmes clients et des mêmes produits livrés en quantités identiques, ont été acquittées à des taux moyens de 26,54 %, 28,52 % et 27,29 %, respectivement au titre des trois exercices en cause », ces taux apparaissant « substantiellement plus élevés que ceux habituellement pratiqués en matière de commissions à l'exportation, même s'agissant de pays réputés d'accès difficile » et ne pouvant « s'expliquer uniquement par l'importance de la marge réalisée sur les ventes » ; que, dans ces conditions, c'est à juste titre que, sous réserve des commissions à raison desquelles a été accordé le dégrèvement sus-évoqué, le service a procédé à la réintégration des commissions versées à la société Alcovin sur le fondement des dispositions précitées ;

Considérant que, par un motif qu'il y a également lieu d'adopter, le tribunal a relevé que « si la SARL DISTILLERIE MERLET et Fils invoque une rupture de l'égalité des contribuables en faisant valoir que l'administration s'est fondée sur le seul critère de la nationalité du bénéficiaire des commissions, ce moyen est inopérant dès lors qu'il a été fait en l'espèce une exacte application d'un texte législatif ; que si la société requérante soutient également que les redressements sont contraires au « droit européen », ce moyen n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé »;

Considérant, enfin, que la société requérante ne saurait en tout état de cause utilement invoquer, pour contester les impositions litigieuses, la position prise par le tribunal administratif de Poitiers dans un litige concernant d'autres impositions que celles qu'elle conteste ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL DISTILLERIE MERLET et Fils n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté le surplus de ses demandes tendant à la décharge des impositions litigieuses ;


D E C I D E :


Article 1er : La requête de la SARL DISTILLERIE MERLET et Fils est rejetée.

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No 06BX00088


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 06BX00088
Date de la décision : 02/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. POUZOULET
Avocat(s) : GUG

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-06-02;06bx00088 ?
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