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24/06/2008 | FRANCE | N°06BX02448

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 24 juin 2008, 06BX02448


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 décembre 2006 et 5 mars 2007, présentés pour Mme Léna X demeurant ..., par Me Carbonnier ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401813 du 28 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la compagnie d'assurances Prudence Créole et de la commune de Sainte-Rose à lui verser une indemnité de 37 753,51 euros en réparation des conséquences dommageables de l'accident dont elle a été victime l

e 30 mars 2000 ;

2°) de condamner la compagnie d'assurances Prudence Créole et...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 décembre 2006 et 5 mars 2007, présentés pour Mme Léna X demeurant ..., par Me Carbonnier ;

Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0401813 du 28 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la compagnie d'assurances Prudence Créole et de la commune de Sainte-Rose à lui verser une indemnité de 37 753,51 euros en réparation des conséquences dommageables de l'accident dont elle a été victime le 30 mars 2000 ;

2°) de condamner la compagnie d'assurances Prudence Créole et la commune de Sainte-Rose à lui verser ladite somme ;

3°) de condamner la compagnie d'assurances Prudence Créole et la commune de Sainte-Rose à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.......................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2008 :

- le rapport de Mme Jayat, premier conseiller,

- les observations de Maître Bracq pour la commune de Sainte-Rose,

- les observations de Maître Dessang pour la compagnie d'assurances Prudence Créole,

- et les conclusions de M. Vié, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme X fait appel du jugement du 28 septembre 2006 par lequel le Tribunal administratif de Saint-Denis a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Sainte Rose et de son assureur, la compagnie Prudence Créole, à lui verser une indemnité en réparation des conséquences dommageables de l'accident dont elle a été victime le 30 mars 2000 ; que la compagnie Prudence créole demande la réformation du même jugement portant rejet de ses conclusions ;

Sur la recevabilité de la requête d'appel de Mme X :

Considérant que, dans sa requête sommaire, Mme X soutient notamment que le jugement attaqué ne comporte pas les signatures du président et du greffier, requises à peine de nullité, et que les premiers juges ont à tort estimé que la matérialité des faits n'était pas établie, alors que la commune avait admis la réalité de ces faits dans un courrier dont les termes sont cités ; que cette requête est motivée conformément aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : « Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience » ; qu'il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué que celle-ci comporte les signatures requises par ces dispositions ; que l'expédition du jugement délivrée à Mme X, qui porte la signature du greffier en chef, conformément aux exigences de l'article R. 751-2 du même code, n'avait pas à être signée par les personnes visées à l'article R. 741- 7 de ce code ;

Considérant, en deuxième lieu, que le fait pour le jugement attaqué, après avoir analysé les moyens contenus dans les mémoires produits par les parties, d'avoir visé « les autres pièces du dossier » sans en détailler le contenu ne constitue pas une irrégularité ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que Mme X, qui ne conteste pas avoir reçu communication de l'ensemble des mémoires produits devant le Tribunal par les autres parties à l'instance, n'aurait pu avoir connaissance des pièces jointes à ces mémoires, lesquels faisaient référence aux pièces jointes ou comportaient un bordereau desdites pièces ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que pour rejeter la demande de Mme X, le tribunal, devant lequel la commune mettait en doute l'exposé laconique des faits tels que relatés par la demande, a relevé que la demanderesse n'apportait pas la preuve qui lui incombait de la matérialité des faits et du lien de causalité entre sa blessure et la grille de passage à laquelle elle imputait son accident ; que les premiers juges, auxquels il appartenait d'examiner si Mme X remplissait l'ensemble des conditions de la mise en jeu de la responsabilité de la puissance publique, n'étaient pas tenus de répondre aux arguments invoqués par l'intéressée à l'appui de son affirmation selon laquelle un ouvrage communal était à l'origine de son accident et notamment pas à l'argument tiré de ce que « cette responsabilité (n'avait) jamais été contestée » et de ce que l'assureur lui avait proposé une indemnisation ;

Considérant, en revanche, que l'action directe ouverte à la victime d'un dommage par l'article L. 124-3 du code des assurances contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre est distincte de son action en responsabilité contre ce dernier et ne poursuit que l'exécution de l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur, laquelle est une obligation de droit privé ; qu'ainsi, cette action ne relève que des tribunaux judiciaires, alors même que la juridiction administrative est compétente pour connaître de l'action en responsabilité engagée par la victime contre l'auteur du dommage et des litiges opposant l'assureur à son assuré en vertu du caractère administratif du contrat d'assurance ; que, dès lors, c'est à tort que le Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion n'a pas rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions de la demande de Mme X dirigées contre la compagnie d'assurances Prudence Créole ; que le jugement attaqué doit, dans cette mesure, être annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer l'affaire sur ce point et, pour le motif sus invoqué, de rejeter comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître les conclusions de la demande de Mme X dirigées contre la compagnie d'assurances Prudence Créole ;

En ce qui concerne le fond :

Considérant que Mme X soutient que les blessures qu'elle a subies le 30 mars 2000 sont dues au fait qu'en traversant un passage à grille, son pied droit, puis sa jambe, se sont engagés entre deux poutrelles de ce passage ; que la commune de Sainte-Rose, maître d'ouvrage de cet aménagement, ne conteste pas avoir reçu, comme elle l'a indiqué dans un courrier adressé à l'intéressée le 19 février 2001, un témoin de l'accident dont les affirmations corroborent les faits tels que les relate Mme X ; que, si la commune a allégué que l'écartement entre les barreaux de la grille n'était pas dangereux eu égard à la taille moyenne du pied des personnes susceptibles de traverser le passage, elle n'apporte aucune précision chiffrée sur cet écartement dont elle a, au demeurant, admis qu'il n'était pas conforme à la réglementation en vigueur, dans un courrier adressé à la victime le 27 mai 2002 produit pour la première fois en appel ; que, dans ces conditions, l'espacement entre les poutrelles de la grille en acier placée au dessus d'un fossé doit être regardé comme constituant un vice de conception de nature à engager la responsabilité de la collectivité, alors même que, comme le fait valoir la commune, aucun autre accident que celui de Mme X ne se serait produit du fait de cet ouvrage et que l'ouvrage était utile à l'évacuation des eaux pluviales ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que la grille qui est à l'origine de l'accident, survenu vers 16h30, était visible ; qu'eu égard à l'inattention de la victime, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'affaire en laissant à la charge de celle-ci les deux tiers des conséquences dommageables de l'accident ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise ordonnée en première instance, que Mme X, alors âgée de 48 ans, a subi, à la suite de l'accident, une incapacité temporaire totale de vingt-cinq jours durant laquelle elle n'a pu exercer son activité libérale de chirurgien dentiste ; que, compte tenu du chiffre d'affaires réalisé durant les années 2000 et 2001 et eu égard au fait que Mme X a dû continuer à supporter des charges durant cette période, il sera fait une juste appréciation du préjudice financier subi par la requérante en l'évaluant à 11 000 euros, alors même que l'intéressée ne justifie pas avoir recherché un remplaçant ; qu'il y a lieu d'évaluer à une somme globale de 3 000 euros, le préjudice résultant des souffrances physiques et le préjudice esthétique, l'un et l'autre estimés par l'expert à 2 sur 7 ; qu'en revanche, il n'est pas établi que la greffe mélanocytaire et les séances de puvathérapie dont Mme X a supporté les frais seraient en lien direct avec les conséquences de l'accident ; que, par ailleurs, Mme X ne démontre pas avoir subi des troubles autres que ceux liés à la souffrance physique et au préjudice esthétique entre la fin de la période d'incapacité temporaire totale et la date de la consolidation de son état de santé, fixé par l'expert au 30 juin 2001 ; que, n'étant atteinte, après consolidation de son état, d'aucune séquelle fonctionnelle, Mme X ne justifie pas du préjudice d'agrément qu'elle invoque ; qu'il suit de là que le préjudice résultant pour Mme X de l'accident du 30 mars 2000 doit être fixé à la somme totale de 14 000 euros dont le tiers, soit 4 666, 67 euros, doit être mis à la charge de la commune de Sainte-Rose ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a rejeté la totalité de ses conclusions indemnitaires ;

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais de l'expertise ordonnée en première instance à la charge de la commune de Sainte-Rose, qui succombe à l'instance ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Sainte-Rose une somme de 1 300 euros au titre des frais d'instance exposés par Mme X et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, la compagnie d'assurance Prudence Créole n'étant pas la partie perdante vis-à-vis de Mme X, les conclusions de celle-ci dirigées contre la compagnie d'assurance et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies ; que les dispositions de cet article font obstacle à ce que Mme X, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à la commune la somme que celle-ci demande au titre des frais d'instance exposés et non compris dans les dépens ; qu'enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner Mme X à verser à la Compagnie d'assurances Prudence créole la somme que celle-ci demande au même titre ;

Considérant que, devant les premiers juges, la Compagnie Prudence créole a conclu à la condamnation de la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion, qui avait présenté des conclusions indemnitaires à son encontre, à lui verser une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que le Tribunal a rejeté ces conclusions comme irrecevables ; que les conclusions de la Compagnie d'assurance tendant à la réformation du jugement sur ce point, présentées après l'expiration du délai d'appel, qui, en l'absence de conclusions d'appel de la caisse générale de sécurité sociale de la Réunion, ne constituent pas un appel incident et qui portent sur un litige distinct de celui soulevé par la requête principale, ne sont pas recevables ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion n° 0401813 du 28 septembre 2006 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de Mme X devant le Tribunal administratif dirigées contre la compagnie d'assurances Prudence Créole sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : La commune de Sainte-Rose est condamnée à verser à Mme X la somme de 4 666, 67 euros en réparation des conséquences dommageables de l'accident du 30 mars 2000.

Article 4 : La commune de Sainte-Rose versera à Mme X la somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la demande de Mme X devant le Tribunal administratif et de ses conclusions d'appel ainsi que les conclusions de la commune de Sainte-Rose tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Les conclusions d'appel de la Compagnie d'assurances Prudence Créole sont rejetées.

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N° 06BX02448


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 06BX02448
Date de la décision : 24/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FLECHER-BOURJOL
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. VIE
Avocat(s) : CARBONNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-06-24;06bx02448 ?
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