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26/06/2008 | FRANCE | N°07BX02598

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, Juge des reconduites à la frontière, 26 juin 2008, 07BX02598


Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2007 sous le n° 07BX02598, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704978 du 15 novembre 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 5 novembre 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. X et sa décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Toulouse ;

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Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2007 sous le n° 07BX02598, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704978 du 15 novembre 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé son arrêté du 5 novembre 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. X et sa décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Toulouse ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir au cours de l'audience publique du 5 juin 2008, fait le rapport et entendu les conclusions de M. Margelidon, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ; qu'aux termes de l'article R. 311-1 du même code : « Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour en application de l'article L. 311-3, est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient » ;

Considérant que M. X, de nationalité turque, ne justifiait ni d'une entrée régulière sur le territoire français ni d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article L. 511-1-II-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il est constant que l'intéressé ne s'est pas présenté personnellement à la préfecture de la Haute-Garonne, mais a, par courrier du 3 septembre 2007, adressé au préfet une demande de délivrance d'une carte de séjour par voie postale, qui ne saurait être regardée comme une demande de titre de séjour valablement présentée ; que, dans ces conditions, le préfet, qui n'était pas tenu d'instruire une telle demande, n'a pas commis d'erreur de droit en prenant l'arrêté attaqué en date du 5 novembre 2007 portant reconduite à la frontière de M. X ; que, par suite, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a retenu le moyen tiré de l'erreur de droit pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière de M. X, et, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination ;

Considérant toutefois qu'il appartient au juge d'appel de la reconduite à la frontière, saisi par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. X ;

En ce qui concerne l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il vient d'être dit ci-dessus, M. X n'a pas régulièrement présenté une demande de titre de séjour et entrait dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 511-1-II-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision de le reconduire à la frontière, prise sur le fondement de ces dispositions, n'est dès lors pas entachée de détournement de procédure ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que, par son jugement du 5 novembre 2007, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision implicite du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE portant rejet de la demande d'assignation à résidence de M. X, est sans incidence sur la légalité de la mesure de reconduite à la frontière en litige ;

Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté attaqué étant fondé sur les dispositions de l'article L. 511-1-II-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit de l'asile en vertu desquelles peut être reconduit à la frontière l'étranger qui ne peut justifier être entré régulièrement en France et n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, M. X ne peut utilement exciper de l'illégalité de la décision par laquelle le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE aurait refusé de lui attribuer un titre de séjour ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 313-11 de code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée» ; que M. X fait valoir que ses parents et plusieurs membres de sa famille résident régulièrement sur le territoire français et produit un certificat médical établi le 24 mai 2007 aux termes duquel sa présence est nécessaire aux côtés de sa mère, atteinte d'une maladie neurologique invalidante ; que, toutefois, il n'établit pas que les autres membres de sa famille présents en France ne pourraient apporter à cette dernière le soutien dont elle a besoin ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier que le requérant est célibataire et sans enfant, et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent notamment ses frères et soeurs ; qu'ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances, et notamment à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, M. X n'est pas fondé à se prévaloir d'un droit au séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par un arrêt n° 06BX00461 du 27 juin 2006, la cour de céans a annulé la décision du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE du 31 janvier 2006 fixant la Turquie comme pays à destination duquel M. X devait être reconduit au motif, revêtu de l'autorité de la chose jugée, qu'il était établi que l'intéressé encourrait, en cas de retour dans son pays d'origine, des traitements inhumains ou dégradants ; que la cour s'était fondée sur des documents en provenance de Turquie dont il résultait que l'intéressé faisait l'objet de poursuites en raison de son activité politique ; qu'en se bornant à produire un courrier émanant de la cour d'assises d'Istanbul du 23 octobre 2007, dont il résulte uniquement qu'aucun procès concernant « l'accusé » M. X n'a commencé, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n'établit pas que les éléments déterminants sur lesquels s'était fondée la cour auraient perdu toute pertinence ; que, dans ces conditions, la nouvelle décision du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE du 5 novembre 2007 fixant la Turquie comme pays de renvoi de M. X doit être regardée comme méconnaissant l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués par M. X, le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé sa décision du 5 novembre 2007 fixant le pays de destination de la reconduite de M. X ;

Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est seulement fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé son arrêté du 5 novembre 2007 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le M. X et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 15 novembre 2007 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, en tant qu'il a annulé l'arrêté du 5 novembre 2007 du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE décidant la reconduite à la frontière de M. X, est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 novembre 2007 du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE décidant sa reconduite à la frontière est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du PREFET DE LA HAUTE-GARONNE est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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No 07BX02598


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: M. MARGELIDON
Avocat(s) : RIVIERE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 26/06/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07BX02598
Numéro NOR : CETATEXT000019215849 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-06-26;07bx02598 ?
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