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11/07/2008 | FRANCE | N°06BX00236

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 11 juillet 2008, 06BX00236


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe respectivement les 6 février 2006 et 7 juin 2006, présentés pour la SOCIETE ELECTRIQUE DE SIGNAC dont le siège est à Signac (31440) ;

La SOCIETE ELECTRIQUE DE SIGNAC demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement, en date du 8 décembre 2005, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer les préjudices subis en raison du refus de permis de construire une centrale thermique qui lui a été illégalement opposé le 22 déc

embre 1994 par le préfet de la Haute-Garonne ;

2°) de condamner l'Etat à lui vers...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe respectivement les 6 février 2006 et 7 juin 2006, présentés pour la SOCIETE ELECTRIQUE DE SIGNAC dont le siège est à Signac (31440) ;

La SOCIETE ELECTRIQUE DE SIGNAC demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement, en date du 8 décembre 2005, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer les préjudices subis en raison du refus de permis de construire une centrale thermique qui lui a été illégalement opposé le 22 décembre 1994 par le préfet de la Haute-Garonne ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 50 000 euros au titre des frais financiers, ainsi que la somme de 7 000 000 d'euros, ou à titre subsidiaire de 2 500 000 euros, au titre du manque à gagner, ainsi que les intérêts de droit ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu, enregistrée le 18 juin 2008, la note en délibéré produite pour la SOCIETE ELECTRIQUE DE SIGNAC ;

Vu la loi n° 46-628 du 8 avril 1946, modifiée, sur la nationalisation de l'électricité et du gaz ;

Vu la directive n° 75/404/CEE du Conseil, en date du 13 février 1975, concernant la limitation de l'utilisation de gaz naturel dans les centrales électriques ;

Vu la directive n° 75/405/CEE du Conseil, en date du 14 avril 1975 concernant la limitation de l'utilisation de produits pétroliers dans les centrales électriques ;

Vu le décret n° 55-662 du 20 mai 1955 réglant les rapports entre les établissements visés par les articles 2 et 23 de la loi du 8 avril 1946 et les producteurs autonomes d'énergie électriques, modifié par le décret n° 94-1110 du 20 décembre 1994 ;

Vu le décret n° 91-482 du 15 mai 1991 relatif au régime d'autorisation applicable aux centrales thermiques produisant de l'énergie électrique et utilisant exclusivement ou principalement des combustibles pétroliers ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 juin 2008 :

- le rapport de M. Labouysse, conseiller ;

- les observations de Me Fernandez, avocat de la SOCIETE ELECTRIQUE DE SIGNAC ;

- et les conclusions de M. Pouzoulet, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la SOCIETE ELECTRIQUE DE SIGNAC fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à être indemnisée des préjudices subis en raison de l'illégalité du refus qui a été opposé par le préfet de la Haute-Garonne le 22 décembre 1994 à sa demande, déposée le 28 juin 2004, tendant à obtenir un permis de construire portant sur une centrale thermique, refus qui a été annulé par un jugement devenu définitif de ce même tribunal, en date du 30 octobre 1998 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'en vertu des règles générales de procédure devant les juridictions administratives relatives aux productions postérieures à la clôture de l'instruction, il appartenait au tribunal administratif, saisi postérieurement à l'audience d'une note en délibéré, d'en prendre connaissance et, s'il estimait que cette note n'apportait pas d'éléments nouveaux de nature à justifier la réouverture de l'instruction, de la viser sans l'analyser ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, postérieurement à l'audience du 23 novembre 2005 du tribunal administratif de Toulouse au cours de laquelle a été appelée la demande de la SOCIETE ELECTRIQUE DE SIGNAC, celle-ci a produit une note en délibéré enregistrée au greffe du tribunal le 30 novembre 2005 ; que le jugement attaqué, en date du 8 décembre 2005, n'a pas visé cette note ; qu'ainsi, ce jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE ELECTRIQUE DE SIGNAC devant le tribunal administratif de Toulouse ;

Au fond :

Considérant que la SOCIETE ELECTRIQUE DE SIGNAC a été constituée en vue d'exploiter à Signac une entreprise de production d'électricité d'une puissance inférieure à 8000 kVA ; qu'en vertu des dispositions alors applicables du décret n° 55-662 du 20 mai 1955, modifié par un décret n° 94-1110 du 20 décembre 1994, de telles entreprises bénéficiaient d'une obligation d'achat par Electricité de France, détenteur du monopole dans la distribution de l'électricité, de celle qu'elles produisaient ; qu'Electricité de France devait passer à cette fin un contrat pour une durée au moins égale à celle de l'amortissement de leurs installations ; que ce décret prévoyait également que cette obligation pourrait être suspendue par arrêté du ministre chargé de l'énergie pour une durée déterminée, sur tout ou partie du territoire national, tout en précisant qu'une telle suspension ne serait pas opposable aux projets d'installations pour la réalisation desquels, à la date de la publication au Journal officiel dudit arrêté, le producteur aurait présenté par écrit à Electricité de France une demande de contrat d'achat et obtenu les autorisations administratives correspondantes dont la liste sera fixée par ce même arrêté ; qu'un arrêté, pris le 23 janvier 1995, a ainsi prononcé la suspension de ladite obligation d'achat pour trois ans à compter de sa publication régulière qui est intervenue le 27 janvier suivant ; que la possibilité de bénéficier de cette obligation a été toutefois maintenue, par cet arrêté, pour les sociétés qui, avant le 27 janvier 1995, avaient obtenu un permis de construire, l'autorisation prévue par le décret n° 91-482 du 15 mai 1991 applicable aux centrales thermiques produisant de l'énergie électrique et utilisant exclusivement ou principalement des combustibles pétroliers, ainsi que l'autorisation au titre des installations classées en application du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 dans la mesure où ces deux dernières autorisations étaient nécessaires à la réalisation du projet ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'avant le 27 janvier 1995, date de publication au Journal officiel de l'arrêté suspendant l'obligation d'achat précité, la SOCIETE ELECTRIQUE DE SIGNAC avait présenté une demande de contrat d'achat et obtenu le récépissé de déclaration au titre des installations classées pour la protection de l'environnement ; que, dès lors que son projet portait sur l'exploitation d'une centrale thermique fonctionnant exclusivement au gaz naturel, cette société ne saurait être regardée comme utilisant exclusivement ou principalement des combustibles pétroliers au sens du décret précité transposant la directive communautaire n° 75/405 du 14 avril 1975 relative à la limitation de l'utilisation de produits pétroliers dans les centrales électriques et n'était dès lors pas tenue d'obtenir l'autorisation prévue par ce décret ; qu'ainsi l'illégalité entachant le refus de permis de construire du 22 décembre 1994, qui constitue une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de la SOCIETE ELECTRIQUE DE SIGNAC, a fait obstacle à ce qu'elle puisse satisfaire aux conditions lui permettant d'échapper à la suspension de l'obligation d'achat que l'arrêté publié le 27 janvier 1995 a prononcé ; que, toutefois, le droit à réparation de ladite société est subordonné à la justification de préjudices directs et certains ;

Considérant que la société requérante soutient, en premier lieu, avoir exposé des frais financiers pour la conception du projet ; qu'elle n'apporte toutefois aucun élément de justification quant à la réalité et au montant des frais qu'elle aurait supportés, et qu'elle se borne à évaluer à 50 000 euros ; que, par suite, le préjudice invoqué ne présente pas un caractère certain ;

Considérant que la société requérante demande, en second lieu, l'indemnisation du manque à gagner résultant de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée, en raison du refus illégal de permis de construire, de bénéficier d'un contrat d'achat d'électricité aux conditions avantageuses qui étaient en vigueur avant que n'intervienne l'arrêté du 27 janvier 1995 ; que, toutefois, comme le relève le ministre en défense, la réalisation du projet était subordonnée, ainsi que le précise le contrat de bail passé avec le propriétaire du terrain d'implantation de la centrale projetée, à l'obtention, par la société, avant le 31 mars 1995, d'un prêt de plus de seize millions de francs, lequel représente la quasi-totalité de l'investissement ; que la société ne démontre, ni par la production d'études et de données afférentes à des centrales exploitées par d'autres sociétés, ni par la production d'une attestation d'un établissement bancaire délivrée quatorze ans après la date à laquelle devait être réalisé son projet, qu'elle avait la certitude ou en tout cas une chance sérieuse d'obtenir le financement nécessaire à la réalisation de son projet ; que, dans ces conditions, le lien direct de causalité entre le refus illégal de permis deconstruire et le manque à gagner invoqué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de la SOCIETE ELECTRIQUE DE SIGNAC tendant à ce que l'Etat soit condamné à l'indemniser des préjudices subis en raison du refus de permis de construire qui lui a été opposé le 22 décembre 1994 doit être rejetée ; que doivent, par suite, être également rejetées les conclusions de la société présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 8 décembre 2005 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SOCIETE ELECTRIQUE DE SIGNAC devant le tribunal administratif de Toulouse est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées en appel par la SOCIETE ELECTRIQUE DE SIGNAC sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

No 06BX00236


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 06BX00236
Date de la décision : 11/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: M. David LABOUYSSE
Rapporteur public ?: M. POUZOULET
Avocat(s) : FERNANDEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-07-11;06bx00236 ?
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