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17/07/2008 | FRANCE | N°07BX00551

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, Juge des reconduites à la frontière, 17 juillet 2008, 07BX00551


Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2007 sous le n° 07BX00551, présentée pour M. Efeogliari X, élisant domicile chez Me Sylvain Laspalles 9 rue Alsace-Lorraine à Toulouse (31000), par Me Laspalles, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0700521 du 19 février 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2007 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination

de la reconduite et de la décision du même jour ordonnant son placement en rétention ...

Vu la requête, enregistrée le 14 mars 2007 sous le n° 07BX00551, présentée pour M. Efeogliari X, élisant domicile chez Me Sylvain Laspalles 9 rue Alsace-Lorraine à Toulouse (31000), par Me Laspalles, avocat ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0700521 du 19 février 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2007 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé sa reconduite à la frontière et fixé le pays de destination de la reconduite et de la décision du même jour ordonnant son placement en rétention ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir, au cours de l'audience publique du 3 juillet 2008, présenté son rapport et entendu les conclusions de M. Cristille, commissaire du gouvernement;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Haute-Garonne :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : « La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. » ;

Considérant que la requête d'appel de M. X ne constitue pas la seule reproduction littérale de son mémoire de première instance et énonce à nouveau, de manière précise, les critiques adressées aux décisions dont il a demandé l'annulation au tribunal administratif ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 précité du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Haute-Garonne, tirée du défaut de motivation de la requête, doit être écartée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que si M. X soutient que le tribunal administratif aurait omis de statuer sur un moyen tiré du défaut de base légale de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre, il résulte de l'examen des mémoires présentés par l'intéressé en première instance qu'un tel moyen n'avait pas été soulevé par ses soins ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, que l'arrête du 7 février 2007 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé la reconduite à la frontière de M. X comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent ; qu'il est, par suite, suffisamment motivé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 juillet 2006 : « I- L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa (...) II- L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) » ; que l'article 52 de la loi susvisée a abrogé les 3° et 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, dans leur rédaction antérieure à la loi du 24 juillet 2006, prévoyaient qu'un étranger pouvait être reconduit à la frontière s'il s'était maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant une décision qui soit avait refusé de lui délivrer un titre de séjour, de renouveler un tel titre ou qui avait retiré le titre dont il bénéficiait, soit avait retiré ou refusé de renouveler un récépissé de demande de carte de séjour ou une autorisation provisoire de séjour précédemment délivrés ; que, conformément à l'article 118 de la loi du 24 juillet 2006, ces dispositions sont entrées en vigueur le 29 décembre 2006, jour de la publication du décret en Conseil d'Etat pris pour leur application ; qu'à compter du 1er janvier 2007, la nouvelle procédure d'obligation de quitter le territoire français est seule applicable lorsque l'autorité administrative refuse à un étranger, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte ou son autorisation provisoire de séjour ; que, pour les étrangers qui avaient fait l'objet de telles mesures avant la publication du décret susvisé, un arrêté de reconduite à la frontière peut être pris s'ils entrent par ailleurs dans le champ d'application du 1° ou du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction issue de la loi du 24 juillet 2006, qui visent respectivement le cas de l'étranger qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, et celui de l'étranger qui s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 311-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « La délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, d'un récépissé de demande de titre de séjour ou d'un récépissé de demande d'asile n'a pas pour effet de régulariser les conditions de l'entrée en France, sauf s'il s'agit d'un étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié » ;

Considérant que M. X ayant invoqué devant le tribunal administratif des moyens relatifs tant à la légalité externe qu'à la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière en litige, le moyen tiré par le requérant de ce que ledit arrêté serait dépourvu de base légale, qui n'est pas fondé sur une cause juridique distincte, est recevable ;

Considérant, cependant, que M. X, ressortissant turc, est entré en France en avril 2004 sans être titulaire d'un document l'y autorisant ; qu'à la suite du rejet de sa demande d'asile par la Commission des recours des réfugiés le 27 avril 2005, il a fait l'objet d'une décision de refus de séjour le 25 mai 2005 ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 311-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le fait que le requérant ait été autorisé à rester en France jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande d'asile n'a pas eu pour effet de régulariser son entrée en France ; que le refus de séjour opposé à l'intéressé étant antérieur au 1er janvier 2007 et l'arrêté de reconduite à la frontière étant expressément motivé par l'entrée irrégulière de M. X sur le territoire français, le préfet a pu légalement se fonder sur les dispositions susrappelées de l'article L. 511-1 II 1° du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile pour décider sa reconduite à la frontière ;

Considérant, enfin, qu'aux termes du premier alinéa de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) » ; que si M. X fait valoir qu'il a des liens personnels et familiaux en France, il ne l'établit pas ; qu'en outre, le requérant, célibataire et sans charge de famille, n'est pas dépourvu d'attache dans son pays d'origine où vivent notamment ses parents et ses frères et soeurs ; qu'ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé en France, l'arrêté attaqué par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé la reconduite à la frontière de M. X n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Garonne aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le préfet de la Haute-Garonne n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2007 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé sa reconduite à la frontière ;

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination de la reconduite :

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » ; que ce dernier texte énonce que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ; que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que M. X soutient qu'il est recherché par l'Etat turc en raison de ses activités en faveur de la cause kurde et qu'en cas de retour en Turquie il encourrait le risque d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants ; qu'il produit, pour la première fois en appel, la copie d'un mandat d'arrêt, accompagné de sa traduction par un traducteur-interprète agréé, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait été soumis à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à la Commission des recours des réfugiés, délivré contre lui par une autorité judiciaire turque en raison de son soutien logistique et économique au parti d'opposition DEHAP ; que si le préfet de la Haute-Garonne met en cause l'authenticité de ce document et sa portée, il n'apporte à l'appui de cette contestation aucun élément sérieux ; que le document susmentionné vient corroborer les affirmations du requérant selon lesquelles il serait exposé, en cas de retour en Turquie, à des risques sérieux en raison de ses activités politiques ; que l'intéressé produit en outre l'attestation d'un ancien membre du parti DEHAP, qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié, qui confirme son implication au sein dudit parti ; que, dans ces conditions, M. X établit qu'il serait exposé, en cas de retour dans son pays d'origine, à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, la décision du 7 février 2007 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a fixé la Turquie comme pays à destination duquel le requérant devait être reconduit est intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la légalité de la décision de placement en rétention :

Considérant qu'aux termes de l'article L 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger : (...) 3° soit, faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 et édicté moins d'un an auparavant, (...) ne peut quitter immédiatement le territoire français » ;

Considérant, d'une part, que la décision du préfet de la Haute-Garonne du 7 février 2007 ordonnant la rétention administrative de M. X, qui précise notamment que l'éloignement de celui-ci ne peut être mis en oeuvre qu'à l'expiration d'un délai de 48 heures et qu'il n'offre pas de garanties de représentation, est suffisamment motivée ; que, d'autre part, si le requérant fait valoir qu'il disposait de garanties suffisantes de représentation, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, dès lors, M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a rejeté ses conclusions dirigées contre ladite décision ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est fondé à demander l'annulation du jugement du 19 février 2007 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Toulouse qu'en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 février 2007 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a fixé le pays à destination duquel il devait être reconduit ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant que M. ADULBAKI ne justifie pas avoir sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat ne peut se prévaloir des dispositions des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête présentées sur ce fondement ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 19 février 2007 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Toulouse, en tant qu'il a rejeté la demande de M. X tendant à l'annulation de la décision du 7 février 2007 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a fixé le pays à destination duquel il devait être reconduit, ensemble cette décision, sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

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07BX00551


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: M. CRISTILLE
Avocat(s) : LASPALLES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : Juge des reconduites à la frontière
Date de la décision : 17/07/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07BX00551
Numéro NOR : CETATEXT000019246782 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-07-17;07bx00551 ?
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