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09/10/2008 | FRANCE | N°06BX01306

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 09 octobre 2008, 06BX01306


Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2006 sous le n° 06BX01306, présentée pour M. Alain X, domicilié ..., par Me Riviere Sacaze, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0001758 du 21 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er avril 1993 au 31 mars 1995 en sa qualité de codébiteur solidaire de la société SPIM ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la

charge de l'Etat le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du co...

Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2006 sous le n° 06BX01306, présentée pour M. Alain X, domicilié ..., par Me Riviere Sacaze, avocat ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0001758 du 21 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er avril 1993 au 31 mars 1995 en sa qualité de codébiteur solidaire de la société SPIM ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 septembre 2008 :

- le rapport de Mme Dupuy, conseiller,

- et les conclusions de M. Lerner, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'il incombe à l'administration d'informer le contribuable, dont elle envisage de rehausser les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a pu recueillir notamment dans l'exercice du droit de communication ou à toute autre occasion et qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements afin que l'intéressé ait la possibilité de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition ; qu'elle ne peut, en revanche, mettre à la disposition du contribuable des renseignements couverts par le secret professionnel ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour procéder aux rappels litigieux résultant de la remise en cause de la déduction, par la société SPIM, de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des factures émises par la société Ilisol et MM. Y, Z et A, le service s'est notamment fondé sur des éléments contenus dans leurs dossiers fiscaux ; que l'administration fiscale n'aurait pu, sans méconnaître le secret professionnel, mettre à disposition de la société SPIM les documents contenant lesdits renseignements utilisés ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1) Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) 2) Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie » ; qu'il résulte du texte même de cet article que l'ensemble de ses stipulations ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions quand elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale et qu'il n'énonce aucune règle ou aucun principe dont le champ d'application s'étendrait au-delà des procédures contentieuses suivies devant les juridictions ; que M. X ne peut, dès lors, utilement soutenir que lesdites stipulations auraient été méconnues au cours de la procédure d'imposition ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : « L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L.57 ou à la notification prévue à l'article L.76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications » ; qu'il résulte de l'examen de l'avis de mise en recouvrement du 15 juillet 1996 que cette pièce fait référence à la notification de redressements du 19 décembre 1995 et indique le montant et les modalités de calcul du rehaussement envisagé et des pénalités afférentes ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales n'est pas fondé ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant, en premier lieu qu'aux termes de l'article 256 A du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : « Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au troisième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. Ne sont pas considérés comme agissant de manière indépendante : les salariés et les autres personnes qui sont liés par un contrat de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail, les modalités de rémunération et la responsabilité de l'employeur ... » ; que selon l'article 223 de l'annexe II audit code dans sa rédaction applicable au présent litige, pris sur le fondement de l'article 273 pour l'application de l'article 271 de ce code : « 1. La taxe dont les entreprises peuvent opérer la déduction est, selon les cas : celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des constatations du juge pénal qui a reconnu M. X coupable de fraude fiscale, que la société SPIM dont il était le dirigeant a confié au cours de la période litigieuse la réalisation de travaux à MM. Y, Z et A sans qu'un contrat n'ait préalablement fixé les engagements respectifs du donneur d'ouvrage et du sous-traitant ; que ces personnes, dont certaines avaient auparavant été salariées de la société SPIM, réalisaient la quasi-totalité de leurs chiffres d'affaires avec cette société, utilisaient son matériel et étaient rémunérées forfaitairement, en fonction du nombre de mètres carrés réalisés ; que, dans ces circonstances, elles se trouvaient vis-à-vis de cette dernière, alors même qu'elles étaient inscrites au registre des métiers, dans les liens de subordination qui caractérisent les rapports de l'employeur et de ses salariés ; que les prestations qu'elles effectuaient pour le compte de la société SPIM ne l'étaient donc pas de manière indépendante au sens de l'article 256 A du code général des impôts ; que, par suite, ces activités n'étaient pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, ce que la société SPIM ne pouvait manifestement pas ignorer ; que les personnes susmentionnées n'étaient pas ainsi légalement autorisées à faire figurer la taxe en cause sur les factures qu'elles délivraient à la société SPIM ; qu'en application de l'article 223 de l'annexe II du code précité, la taxe facturée dans ces conditions n'ouvrait pas droit à déduction ;

Considérant, en revanche, que les personnes visées au deuxième alinéa de l'article 256 A du code général des impôts, qui n'agissent pas de manière indépendante, doivent s'entendre exclusivement comme des personnes physiques, à l'exclusion des personnes morales qui ne peuvent être regardées comme placées dans un lien de subordination vis-à-vis d'un employeur, quelles que soient les modalités de leur intervention ; que, par suite, la SARL Ilisol, qui effectuait également des prestations pour le compte de la société SPIM, n'étant pas une personne physique, M. X est fondé à faire valoir que c'est à tort que l'administration a estimé que ladite société se trouvait placée dans un lien de subordination vis-à-vis de la société SPIM et n'était pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Considérant, en second lieu, qu'en vertu des dispositions combinées des articles 271-1, 272-2 et 283-4 du code général des impôts, ainsi que de l'article 223-1 de l'annexe II au même code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucune marchandise ou prestation de services ou qui n'était pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée ; que, dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présentait à ses clients comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ces factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir que la société facturière n'avait pas d'activité réelle ou qu'elle n'a pas effectivement fourni de marchandises ou de prestations de services et que les factures qu'elle émettait étaient des factures fictives ou de complaisance ; que, dans ce cas, il revient au redevable de justifier que la facture qu'il a reçue correspond néanmoins à une marchandise réellement fournie ou à une prestation réellement exécutée ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les factures litigieuses émises par la société Ilisol étaient régulières en la forme ; que l'administration, qui se borne à faire valoir que cette société se trouvait dans un état de subordination vis-à-vis de la société SPIM, ne peut être regardée comme apportant la preuve, dont elle supporte la charge, de l'absence de prestations effectives, et, par suite, n'établit pas que la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux factures émises par la société Ilisol n'était pas déductible ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux factures émises par la société Ilisol et des pénalités y afférentes ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 1 300 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : M. X, en sa qualité de codébiteur solidaire de la société SPIM, est déchargé en droits et pénalités du rappel de taxe sur la valeur ajoutée afférent à la taxe ayant grevé les factures de la société Ilisol.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Toulouse du 21 mars 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

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N° 06BX01306


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 06BX01306
Date de la décision : 09/10/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. BRUNET
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : RIVIERE SACAZE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-10-09;06bx01306 ?
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