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04/11/2008 | FRANCE | N°06BX01112

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre (formation à 3), 04 novembre 2008, 06BX01112


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 mai 2006, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0400455 et 0400922 du 23 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Limoges, d'une part, a annulé la décision du 14 octobre 2003 portant rejet de la demande de regroupement familial présentée par M. et Mme X au bénéfice de leur petite-fille, Nadjat, ensemble la décision du 20 janvier 2004 rejetant le recours gracieux formé contre cette décision, d'autre part, lui a enjoin

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 mai 2006, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0400455 et 0400922 du 23 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Limoges, d'une part, a annulé la décision du 14 octobre 2003 portant rejet de la demande de regroupement familial présentée par M. et Mme X au bénéfice de leur petite-fille, Nadjat, ensemble la décision du 20 janvier 2004 rejetant le recours gracieux formé contre cette décision, d'autre part, lui a enjoint de délivrer l'autorisation sollicitée dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, enfin a condamné l'Etat à verser à M. et Mme X une somme de 3 000 euros avec intérêts à compter du 20 avril 2004 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme X audit tribunal administratif ;

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Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 octobre 2008,

le rapport de M. Péano, président-assesseur ;

les observations de Me Raffard substituant Me Malabre pour M. et Mme X ;

et les conclusions de Mme Viard, commissaire du gouvernement ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 7 octobre 2008, présentée pour M. et mme X, par Me Malabre ;

Considérant que le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE fait appel du jugement n°0400455 et 0400922 en date du 23 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Limoges, d'une part, a annulé la décision du 14 octobre 2003 portant rejet de la demande de regroupement familial présentée par M. et Mme X au bénéfice de leur petite-fille, Nadjat, ensemble la décision du 20 janvier 2004 rejetant le recours gracieux formé contre cette décision, d'autre part, a condamné l'Etat à verser à M. et Mme X une somme de 3 000 euros avec intérêts à compter du 20 avril 2004 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été notifié au PREFET DE LA HAUTE-VIENNE le 27 mars 2006 et que sa requête d'appel a été enregistrée au greffe de la Cour le 26 mai 2006; que par suite la fin de non-recevoir opposée par M. et Mme X au motif que la requête serait tardive ne saurait être accueillie ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans sa rédaction applicable au litige : « Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an, sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente (...) Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées au titre II du protocole annexé au présent accord (...) » ; qu'aux termes du titre II dudit protocole, dans sa rédaction issue du 3ème avenant en date du 11 juillet 2001 : « Les membres de la famille s'entendent du conjoint d'un ressortissant algérien, de ses enfants mineurs ainsi que des enfants de moins de dix-huit ans dont il a juridiquement la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne, dans l'intérêt supérieur de l'enfant (...) » ; qu'enfin, aux termes de l'article 3 de la convention susvisée relative aux droits de l'enfant : « 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ; qu'il résulte de ces stipulations que la condition essentielle pour que le regroupement familial puisse être demandé au profit d'un enfant mineur, qui n'est pas celui du demandeur mais dont ce dernier a la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire algérienne, est l'intérêt supérieur de cet enfant ; qu'il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de regroupement familial de vérifier, sous le contrôle du juge, que cette condition est effectivement remplie ; qu'ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, le préfet n'était pas légalement tenu d'accorder le bénéfice du regroupement familial demandé au profit d'un enfant dont le demandeur avait la charge dans le cadre d'un dispositif de « kafala », mais devait au préalable vérifier s'il y allait de l'intérêt supérieur de cet enfant ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le père de la petite Nadjat dont il est constant qu'il dispose d'un emploi, ne pourrait pas subvenir à l'entretien et à l'éducation de sa fille ; qu'ainsi, alors même que la mère serait malade et ne pourrait l'élever seule, il n'est pas établi qu'il serait de l'intérêt supérieur de la petite Nadjat d'être durablement éloignée de ses parents et de ses frères et soeurs pour rejoindre en France sa grand-mère ; que, dès lors, le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE ne peut être regardé comme ayant méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant au sens des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et ayant commis d'erreur d'appréciation en considérant que la demande de regroupement familial dont il était saisi par M. et Mme ne remplissait pas les conditions posées par l'accord franco-algérien alors même que cette dernière avait obtenu, par un jugement de kafala du tribunal de Sidi Ali (Algérie) en date du 18 décembre 2002, le droit de recueillir légalement la petite Nadjat ; que, par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Limoges s'est fondé sur ces motifs pour annuler la décision du 14 octobre 2003 portant rejet de la demande de regroupement familial présentée par M. et Mme X au bénéfice de leur petite-fille, Nadjat, ensemble la décision du 20 janvier 2004 rejetant le recours gracieux formé contre cette décision ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme X ;

Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n'impose que le préfet qui envisage de rejeter une demande de regroupement familial présentée par des ressortissants algériens pour un motif étranger à leurs conditions de logement et de ressources recueille au préalable l'avis, sur ces conditions, du maire de la commune où ils envisagent de s'établir ; que le moyen tiré de ce que le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE, qui a rejeté la demande de regroupement familial de M. et Mme X, de nationalité algérienne, pour un motif étranger à leurs conditions de logement et de ressources, n'a pas recueilli au préalable l'avis sur ces conditions du maire de la commune où ils envisagent de s'établir ne saurait être accueilli ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; que, pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure prise à l'encontre de la petite Nadjat, qui a toujours vécu en Algérie auprès de ses frères et soeurs et dont il n'est pas établi qu'elle ne pourrait être prise en charge par l'un de ses parents dans ce pays a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, en prenant la décision du 14 octobre 2003 portant rejet de la demande de regroupement familial présentée par M. et Mme X au bénéfice de leur petite-fille, Nadjat, le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-VIENNE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n°0400455 et 0400922 du 23 mars 2006, le Tribunal administratif de Limoges, d'une part, a annulé la décision du 14 octobre 2003 portant rejet de la demande de regroupement familial présentée par M. et Mme X au bénéfice de leur petite-fille, Nadjat, ensemble la décision du 20 janvier 2004 rejetant le recours gracieux formé contre cette décision, d'autre part, lui a enjoint de délivrer l'autorisation sollicitée dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, enfin a condamné l'Etat à verser à M. et Mme X une somme de 3 000 euros avec intérêts à compter du 20 avril 2004 ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement des sommes que M. et Mme X ont demandé au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens en première instance et en appel ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 0400455 et 0400922 du Tribunal administratif de Limoges en date du 23 mars 2006 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme X au Tribunal administratif de Limoges et les conclusions présentées à la Cour sont rejetées.

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06BX01112


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. DUDEZERT
Rapporteur ?: M. Didier PEANO
Rapporteur public ?: Mme VIARD
Avocat(s) : MALABRE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 04/11/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 06BX01112
Numéro NOR : CETATEXT000019801659 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-11-04;06bx01112 ?
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