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13/11/2008 | FRANCE | N°07BX00345

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre (formation à 3), 13 novembre 2008, 07BX00345


Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 16 février 2007, présentée pour M. Michel X, demeurant ..., par Me Malosse, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 juillet 2005 par laquelle le gouverneur de la Banque de France l'a muté, pour motif disciplinaire, à la succursale de Limoges à compter du 22 août 2005 ;

2°) d'annuler la décision litigieuse ;

3°) d'enjoindre au gouverneur de la Banque

de France de retirer la décision litigieuse de son dossier administratif et de le réinté...

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour le 16 février 2007, présentée pour M. Michel X, demeurant ..., par Me Malosse, avocat ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 juillet 2005 par laquelle le gouverneur de la Banque de France l'a muté, pour motif disciplinaire, à la succursale de Limoges à compter du 22 août 2005 ;

2°) d'annuler la décision litigieuse ;

3°) d'enjoindre au gouverneur de la Banque de France de retirer la décision litigieuse de son dossier administratif et de le réintégrer dans ses fonctions au sein de la succursale de Lyon ;

4°) de mettre à la charge de la Banque de France la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance en date du 15 mai 2008 fixant la clôture de l'instruction au 16 juin 2008 ;

Vu la loi n° 93-980 du 4 août 1993 ;

Vu le statut du personnel de la Banque de France ;

Vu le code du travail ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2008 :

- le rapport de M. Davous, premier conseiller ;

- les observations de M. X ;

- les observations de Me Delvolvé, avocat de la Banque de France ;

- et les conclusions de M. Gosselin, commissaire du gouvernement ;

Vu la note en délibéré enregistré le 16 octobre 2008, présentée par M. X ;

Considérant que M. X, chef-adjoint de caisse de classe exceptionnelle à l'établissement de Lyon de la Banque de France, relève appel du jugement du 20 décembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 29 juillet 2005 prononçant sa mutation disciplinaire à la succursale de Limoges ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'aux termes du 1er alinéa de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : « Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction » ; que, par une ordonnance en date du 9 mai 2006, l'instruction devant le tribunal administratif a été clôturée le 9 juin 2006 ; que, la lettre de la Banque de France, défendeur à l'instance, parvenue au greffe de la juridiction le 13 septembre 2006 qui d'ailleurs ne comportait aucun élément de fait ou de droit nouveau et dont il ne ressort pas du dossier que le commissaire du gouvernement en aurait fait état, n'avait pas à être communiquée au requérant ; que le principe du contradictoire n'a donc pas été méconnu par le tribunal administratif ; qu'ainsi, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité ;

Sur la légalité de la décision contestée :

Considérant, en premier lieu, que si M. X soutient que la décision du 29 juillet 2005 n'est ni datée, ni établie sur papier à en-tête, qu'elle n'est pas revêtue du nom du signataire et qu'elle ne comportait pas les voies et délais de recours, il ressort des pièces du dossier que ladite décision a bien été signée par le gouverneur de la Banque de France, qu'elle est datée et qu'elle mentionne les voies et délais de recours, dans le courrier d'accompagnement ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que selon l'article L. 142-1 du code monétaire et financier la Banque de France constitue une personne publique chargée par la loi de missions de service public qui, ayant principalement pour objet la mise en oeuvre de la politique monétaire, le bon fonctionnement des systèmes de compensation et de paiement et la stabilité du système bancaire, sont pour l'essentiel de nature administrative ; qu'elle n'a pas le caractère d'un établissement public mais revêt une nature particulière et présente des caractéristiques propres ; qu'au nombre de ces caractéristiques propres figure l'application au personnel de la Banque de France des dispositions du code du travail qui ne sont incompatibles ni avec son statut, ni avec les missions de service public dont elle est chargée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 122-44 du code du travail : « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales (...) » ; qu'il n'est pas établi que ces dispositions seraient incompatibles avec le statut de la Banque de France ou avec les missions de service public dont elle est chargée ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la Banque de France, ces dispositions sont applicables à son personnel ; qu'en vertu des dispositions de l'article 233 du statut des personnels de la Banque de France, aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée sans qu'il soit procédé, au préalable, à une enquête spéciale et qu'un rapport soit établi à cet effet ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la révélation à sa hiérarchie, le 22 février 2005, par l'agent placé sous l'autorité de M. X, de gestes déplacés à son encontre, de la part de celui-ci, le 1er février 2005, le directeur général des ressources humaines a, par note du 23 février 2005, prescrit une enquête spéciale à l'issue de laquelle un rapport a été remis à l'autorité hiérarchique, le 13 mai 2005 ; que M. X a été convoqué par lettre du directeur régional du 7 juin 2005, remise le jour même, pour un entretien prévu le 8 juin suivant ; que la Banque de France n'ayant eu connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits qu'à l'issue du rapport d'enquête établi par l'inspection générale, soit le 13 mai 2005, M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que c'est à la date du dépôt du rapport d'inspection que l'employeur devait être regardé comme ayant eu connaissance des faits à l'origine de la sanction contestée ; que, dès lors, la convocation à l'entretien du 8 juin 2005 est intervenue avant l'expiration du délai de deux mois fixé par l'article L. 122-44 du code du travail ; qu'il suit de là que le moyen doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 122-41 du code du travail applicable au litige : « La sanction ne peut intervenir moins d'un jour franc ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle doit être motivée et notifiée à l'intéressé. » ; qu'aux termes de l'article 235 du statut du personnel de la Banque de France : « les sanctions du second degré, dont relève le déplacement disciplinaire, ne sont prononcées qu'après avis d'un conseil de discipline. Les résolutions sont prises à la majorité des membres présents » ; qu'aux termes de l'article 236 du même statut : « Dans le cas où, faute de réunir la majorité prévue par le dernier alinéa de l'article 235 ci-dessus, le conseil de discipline ne peut prendre de résolution proposant une sanction, le gouverneur doit requérir de celui-ci une nouvelle délibération en lui renvoyant le dossier de l'affaire par une décision motivée » ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que lorsque le gouverneur de la Banque de France est tenu, en vertu des garanties statutaires conférées aux agents, de saisir le conseil de discipline puis de demander une nouvelle délibération de ce conseil, le délai d'un mois prévu par l'article L. 122-41 pour notifier la sanction, qui a été interrompu du fait de la saisine du conseil de discipline, ne court qu'à compter du deuxième avis rendu par cette instance ;

Considérant que le gouverneur de la Banque de France a, par décision du 17 juin 2005, décidé de convoquer le conseil de discipline qui s'est tenu le 28 juin 2005, soit dans le délai d'un mois prévu à l'article L. 122-41 précité ; que la décision du 29 juillet 2005 par laquelle le gouverneur de la Banque de France a prononcé le déplacement disciplinaire de M. X a été prise après la deuxième réunion d'un conseil de discipline, le 26 juillet 2005, convoqué en vertu des dispositions de l'article 236 suite au partage des voix lors du premier conseil de discipline ; que cette décision a été notifiée au requérant le 4 août 2005, soit dans le délai d'un mois susmentionné ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 121-41 du code du travail doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en sa qualité d'agent de la Banque de France, M. X n'est pas fondé à se prévaloir de la protection instituée par l'article L. 425-1 du code du travail ; qu'il n'est pas davantage fondé à soutenir que la sanction disciplinaire que lui a infligée le gouverneur de la Banque de France devait recueillir, au préalable, son accord ; que, par suite, le moyen tiré de ce que sa qualité de salarié protégé ferait obstacle au prononcé d'une sanction disciplinaire doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, que pour prononcer la sanction disciplinaire, le gouverneur de la Banque de France a retenu, d'une part, le geste déplacé de M. X à l'égard de l'une de ses collaboratrices le 1er février 2005 dans l'atelier AT3 dont il était le chef, d'autre part, le comportement général de M. X, révélé à l'occasion de l'inspection, caractérisé par des agissements et une attitude déstabilisatrice à l'encontre des agents subordonnés visant leurs compétences professionnelles et leur vie privée ou leur handicap, par une attitude de pression psychologique portant atteinte à la dignité des intéressés, incompatibles avec ses fonctions d'encadrement ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment du rapport spécial d'enquête non sérieusement contredit, que cette décision repose sur des faits matériellement inexacts ; que la circonstance que certaines personnes présentes au sein de l'atelier le 1er février 2005 n'aient pas été les témoins de cet incident est sans portée utile ; que, dès lors, compte tenu du niveau de responsabilité de l'intéressé, et alors même que sa valeur professionnelle n'était pas en cause, ces faits étaient de nature à justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire ; qu'en prenant une décision de mutation à la succursale de Limoges, le gouverneur de la Banque de France n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette le recours pour excès de pouvoir formé par M. X n'implique aucune mesure d'exécution; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Banque de France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais de procès non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de condamner M. X à verser à la Banque de France la somme de 1 000 € sur le même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : M. X est condamné à verser à la Banque de France la somme de 1 000 € en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

3

No 07BX00345


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ZAPATA
Rapporteur ?: M. Frédéric DAVOUS
Rapporteur public ?: M. GOSSELIN
Avocat(s) : SELARL J.H. MALOSSE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre (formation à 3)
Date de la décision : 13/11/2008
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 07BX00345
Numéro NOR : CETATEXT000019801679 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-11-13;07bx00345 ?
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