La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/11/2008 | FRANCE | N°06BX01130

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre (formation à 3), 14 novembre 2008, 06BX01130


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 30 mai 2006, présentée pour l'ASSOCIATION COMMUNALE DE CHASSE AGREEE (ACCA) DE MONTAIGU DE QUERCY dont le siège est sis mairie de Montaigu de Quercy (82150), représentée par son président en exercice, par Me Lagier, avocat ;

L'ACCA DE MONTAIGU DE QUERCY demande à la cour :

1° d'annuler le jugement n° 053993, en date du 23 mars 2006, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa tierce opposition contre un précédent jugement n° 031324, rendu le 21 septembre 2005, par lequel il avait annulé la décisi

on du préfet de Tarn-et-Garonne du 19 décembre 2002 refusant à M. et Mme X l...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 30 mai 2006, présentée pour l'ASSOCIATION COMMUNALE DE CHASSE AGREEE (ACCA) DE MONTAIGU DE QUERCY dont le siège est sis mairie de Montaigu de Quercy (82150), représentée par son président en exercice, par Me Lagier, avocat ;

L'ACCA DE MONTAIGU DE QUERCY demande à la cour :

1° d'annuler le jugement n° 053993, en date du 23 mars 2006, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa tierce opposition contre un précédent jugement n° 031324, rendu le 21 septembre 2005, par lequel il avait annulé la décision du préfet de Tarn-et-Garonne du 19 décembre 2002 refusant à M. et Mme X le retrait de leur propriété du territoire soumis à son action ;

2° de condamner M. et Mme X à lui verser la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2008 :

- le rapport de Mme Demurger, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Vié, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par jugement du 21 septembre 2005, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du préfet de Tarn-et-Garonne du 19 décembre 2002 refusant à M. et Mme X le retrait des terres dont ils sont propriétaires à Montaigu de Quercy du territoire de chasse de l'ASSOCIATION COMMUNALE DE CHASSE AGREEE (ACCA) DE MONTAIGU DE QUERCY, ensemble la décision du 21 février 2003 rejetant le recours gracieux des intéressés, au motif que ces décisions étaient fondées sur des dispositions législatives, en l'occurrence les articles L. 422-10 et L. 422-13 du code de l'environnement, incompatibles avec les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par le jugement attaqué du 23 mars 2006, le tribunal a admis la recevabilité de la tierce opposition formée au jugement susmentionné du 21 septembre 2005 par l'ACCA DE MONTAIGU DE QUERCY, laquelle n'avait pas été appelée en la cause, mais l'a rejetée au fond, en substituant toutefois au moyen d'annulation initialement retenu celui tiré de l'incompatibilité des mêmes dispositions législatives avec les stipulations combinées de l'article 11 et de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 422-10 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-698 du 26 juillet 2000 relative à la chasse : « L'association communale est constituée sur des terrains autres que ceux : 1° Situés dans un rayon de 150 mètres autour de toute habitation ; 2° Entourés d'une clôture telle que définie par l'article L. 424-3 ; 3° Ayant fait l'objet de l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse sur des superficies d'un seul tenant supérieures aux superficies minimales mentionnées à l'article L. 422-13 ; (...) 5° Ayant fait l'objet de l'opposition des propriétaires (...) qui, au nom de convictions personnelles opposées à la pratique de la chasse, interdisent, y compris pour eux-mêmes, l'exercice de la chasse sur leurs biens (...) » ; que l'article L. 422-13 du même code dispose : « I. - Pour être recevable, l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse mentionnés au 3° de l'article L. 422-10 doit porter sur des terrains d'un seul tenant et d'une superficie minimum de vingt hectares (...) V. - Des arrêtés pris, par département, dans les conditions prévues à l'article L. 422-6 peuvent augmenter les superficies minimales ainsi définies (...) » ;

Considérant qu'il est constant, d'une part, que les terres dont M. et Mme X sont propriétaires à Montaigu de Quercy représentent une superficie totale de 9 ha 79 a, inférieure au seuil d'opposition en vigueur dans le département de Tarn-et-Garonne, d'autre part, que les intéressés n'ont jamais fait état de convictions personnelles hostiles à la pratique de la chasse, et n'ont donc pas entendu fonder leur demande sur le 5° de l'article L. 422-10 précité du code de l'environnement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général (...) » ; que l'article 11 de ladite convention stipule : « Toute personne a droit (...) à la liberté d'association (...) L'exercice des droits ainsi prévus ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ; qu'aux termes, enfin, de l'article 14 de la même convention : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » ;

Considérant que, si les dispositions précitées des article L. 422-10 et L. 422-13 du code de l'environnement permettent aux seuls propriétaires de terrains d'un seul tenant d'une superficie supérieure à un seuil déterminé localement par arrêté préfectoral, ainsi qu'aux détenteurs de droits de chasse sur de tels terrains, de soustraire ceux-ci à l'action de l'association locale de chasse agréée pour des motifs étrangers aux convictions d'ordre éthique, la privation des droits de chasse que doivent supporter, quant à eux, les propriétaires ou détenteurs de droits de chasse ne remplissant pas cette condition de superficie sont compensées par la possibilité qui leur est offerte de pratiquer la chasse sur l'ensemble du territoire de l'association de chasse agréée, et trouve sa justification dans l'intérêt général attaché à l'encadrement technique de la chasse et à la gestion rationnelle du patrimoine cynégétique, lequel rend nécessaire d'éviter le morcellement des territoires de chasse ; que l'affiliation obligatoire de ces propriétaires ou détenteurs de droits de chasse à l'association de chasse agréée territorialement compétente, résultant des mêmes dispositions et qui constitue le corollaire de l'incorporation des terres dans le territoire soumis à l'action de cette association, poursuit également ces objectifs d'intérêt général, à la satisfaction desquels elle n'est pas moins indispensable ; que, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme X, lesdits objectifs ne peuvent être atteints par la seule mise en oeuvre des schémas départementaux de gestion cynégétique prévus par l'article L. 425-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-157 du 23 février 2005, au demeurant postérieure aux décisions contestées ; que les articles L. 422-10 et L. 422-13 dudit code ne sauraient dès lors, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, être regardées comme incompatibles avec les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ACCA DE MONTAIGU DE QUERCY est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa tierce opposition au jugement du 21 septembre 2005 ; qu'elle est, par suite, fondée à demander, d'une part, que ledit jugement soit déclaré non avenu, d'autre part, le rejet de la demande présentée au tribunal administratif de Toulouse par M. et Mme X ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'ACCA DE MONTAIGU DE QUERCY, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à M. et Mme X la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de condamner M. et Mme X à verser à l'ACCA DE MONTAIGU DE QUERCY une somme de 1 300 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 053993 du 23 mars 2006 est annulé.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 031324 du 21 septembre 2005 est déclaré non avenu.

Article 3 : La demande présentée par M. et Mme X dans le cadre des instances mentionnées aux articles 1er et 2 ci-dessus ainsi que leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : M. et Mme X verseront à l'ASSOCIATION COMMUNALE DE CHASSE AGREEE DE MONTAIGU DE QUERCY une somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

4

N° 06BX01130


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 06BX01130
Date de la décision : 14/11/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme FLECHER-BOURJOL
Rapporteur ?: Mme Florence DEMURGER
Rapporteur public ?: M. VIE
Avocat(s) : LAGIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-11-14;06bx01130 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award