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17/11/2008 | FRANCE | N°06BX02145

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 17 novembre 2008, 06BX02145


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 9 octobre et 27 novembre 2006, présentés pour M. Gérard X, domicilié ... ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 juillet 2006 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération des 3 et 4 octobre 2002 du conseil général de la Réunion portant approbation du plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés ;

2°) d'annuler cette délibération ;

3°)

d'enjoindre au département de la Réunion de produire les documents déclarés communicables par la c...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 9 octobre et 27 novembre 2006, présentés pour M. Gérard X, domicilié ... ;

M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 juillet 2006 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération des 3 et 4 octobre 2002 du conseil général de la Réunion portant approbation du plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés ;

2°) d'annuler cette délibération ;

3°) d'enjoindre au département de la Réunion de produire les documents déclarés communicables par la commission d'accès aux documents administratifs dans son avis du 31 janvier 2005 ;

4°) de mettre à la charge du département la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 ;

Vu la convention de Stockholm du 23 mai 2001 ;

Vu le traité sur l'Union européenne ;

Vu la directive européenne n° 75/442/CEE du 15 juillet 1975 ;

Vu la directive européenne n° 91/689/CEE du 23 décembre 1991 ;

Vu la directive européenne n° 2000/76/CE du parlement européen et du conseil du 4 décembre 2000 ;

Vu la directive européenne n° 2001/42/CE du parlement européen et du conseil du 27 juin 2001 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 ;

Vu la loi n° 95-101 du 2 février 1995 ;

Vu le décret n° 93-1410 du 29 décembre 1993 ;

Vu le décret n° 96-1008 du 18 novembre 1996 ;

Vu les arrêtés du 20 septembre 2002 relatifs aux installations d'incinération et de co-incinération de déchets ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2008 :

- le rapport de Mme Aubert, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Margelidon, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X demande l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération des 3 et 4 octobre 2002 du conseil général de la Réunion portant approbation du plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le tribunal administratif a omis de statuer sur les moyens invoqués par M. X à l'encontre de la délibération en litige et qui n'étaient pas inopérants, tirés de l'absence, dans le plan adopté, de mesures de réduction des déchets et de chiffrage du coût des modes de gestion des résidus résultant de l'incinération et de la pollution des nappes phréatiques de l'île provoquée par l'utilisation de mâchefers en sous-couche des routes ; que ce jugement doit, dès lors, être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, que si M. X soutient que le public et les élus n'ont pas été informés des risques pour la santé humaine et pour l'environnement que présentent l'incinération des déchets et l'utilisation des mâchefers pour réaliser la sous-couche des routes, aucune disposition législative ou réglementaire alors en vigueur n'imposait à l'administration d'informer le public et les élus sur ces risques dans le cadre de l'élaboration d'un plan départemental d'élimination des déchets ménagers ; que le requérant ne peut utilement se prévaloir de la convention de Stockholm du 23 mai 2001, des articles 169 et 191 (anciens articles 153 et 174) du traité sur l'Union européenne, des directives n° 75/442/CEE du 15 juillet 1975, n° 91/689/CEE du 23 décembre 1991 et n° 2000/76/CE du parlement européen et du conseil du 4 décembre 2000, qui sont dépourvus d'effets directs en droit interne et ne prévoient pas, en tout état de cause, que l'administration délivre de telles informations, dans le cadre de l'élaboration du plan ; que si la directive n° 2001/42/CE du parlement européen et du conseil du 27 juin 2001 prévoit de soumettre les plans d'élimination des déchets à une évaluation environnementale, les Etats membres disposaient, pour transposer cette directive en droit interne, d'un délai allant jusqu'au 31 juillet 2004, et cette transposition n'avait pas encore été effectuée en droit français à la date à laquelle a été approuvée la délibération en litige ; qu'une telle obligation d'information ne résulte pas plus de l'article L. 2141-1 du code général des collectivités territoriales, relatif au droit des habitants d'une commune d'être informés des affaires de celle-ci, que des lois n° 75-633 du 15 juillet 1975 et n° 95-101 du 2 février 1995, respectivement codifiées aux articles L. 541-1 et suivants et L. 121-1 et suivants du code de l'environnement ; qu'elle ne résulte pas davantage des arrêtés du 20 septembre 2002 relatifs aux installations d'incinération et de co-incinération des déchets ; que la loi constitutionnelle relative à la charte de l'environnement n'a été votée que le 1er mars 2005, postérieurement à la délibération en litige ; que le moyen tiré du non-respect, par le département, de son obligation d'information doit, dès lors, être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 7 du décret n° 96-1008 du 18 novembre 1996 dans sa rédaction alors en vigueur : « L'autorité compétente, après avoir recueilli l'avis de la commission consultative, soumet le projet de plan pour avis : a) au conseil général ... b) au conseil départemental d'hygiène ; c) à la commission consultative chargée de l'élaboration et de l'application du ou des plans d'élimination des déchets industriels spéciaux ... territorialement compétente pour la zone du plan ... » ; qu'aux termes de l'article 8 du même décret : « Le projet de plan est soumis à enquête publique ... » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de plan d'élimination des déchets ménagers, sur lequel le conseil départemental d'hygiène et le conseil général de la Réunion ont respectivement émis un avis le 27 novembre 2000 et le 30 octobre 2001, a été soumis à enquête publique du 18 mars au 21 mai 2002 ; que, d'une part, les dispositions précitées de l'article 7 du décret du 18 novembre 1996 n'imposent pas que le conseil général soit saisi pour avis avant le conseil départemental d'hygiène et la commission consultative ; que, d'autre part, le conseil départemental d'hygiène n'avait pas à être saisi de nouveau pour avis avant la deuxième enquête publique, qui a eu lieu du 18 mars au 21 mai 2002 et qui a porté sur un dossier identique à celui soumis à une première enquête publique organisée du 30 mars au 30 mai 2001 et que le département avait jugé irrégulière, faute d'avoir été précédée de l'avis de son conseil général ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 du décret du 18 novembre 1996 dans sa rédaction alors en vigueur : « Le dossier d'enquête comprend : a) Une notice explicative précisant l'objet de l'enquête, la portée du projet de plan et les justifications des principales mesures que celui-ci comporte ; b) Le projet de plan » ; qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de plan et la notice explicative constituant le dossier de l'enquête exposent les mesures envisagées pour réduire les déchets à la source ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire applicable à la procédure d'élaboration des plans départementaux de gestion des déchets ménagers n'impose à l'administration de mentionner, dans le dossier d'enquête, les risques que présente l'incinération des déchets pour la santé humaine et l'environnement, ces risques étant évalués dans le cadre de la procédure d'autorisation à laquelle est subordonnée l'exploitation des incinérateurs prévus par le plan ; que le dossier d'enquête n'avait pas plus à chiffrer le coût de la gestion des REFIOM (résidus d'épuration des fumées d'incinération des ordures ménagères) dont le plan prévoit le stockage dans un centre de stockage de déchets ultimes relevant du plan régional d'élimination des déchets industriels spéciaux ni celui du risque purement hypothétique de pollution des nappes phréatiques par l'utilisation de mâchefers non conformes à la réglementation en vigueur ; que le moyen tiré de l'insuffisance du dossier soumis à l'enquête publique doit, dès lors, être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant, en premier lieu, que si M. X soutient que le département n'a pas tenu compte des réserves relatives à l'utilisation des mâchefers et aux risques que présentent les résidus toxiques résultant de l'incinération et, notamment les dioxines, dont le commissaire enquêteur a assorti son avis favorable, il ressort des pièces du dossier que ces réserves n'ont pas été formulées au sujet du projet de plan mais de l'aménagement ultérieur des incinérateurs que le plan prévoit ; que le moyen tiré du non-respect de l'avis du commissaire enquêteur doit, dès lors, être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que le plan approuvé par la délibération en litige expose les mesures envisagées pour réduire les déchets à la source ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire applicable aux plans départementaux de gestion des déchets ménagers n'impose à l'administration de mentionner, dans le plan, les risques que présente l'incinération des déchets pour la santé humaine et l'environnement non plus que le coût de gestion des déchets ultimes et de lutte contre la pollution susceptible de résulter d'une utilisation des mâchefers ou par une exploitation des incinérateurs prévus par le plan dans des conditions non conformes à la réglementation en vigueur ;

Considérant, en troisième lieu, que le plan approuvé par la délibération en litige prévoit d'éliminer les déchets ménagers du département par méthanisation ou compostage des déchets organiques biodégradables, épandage et méthanisation des boues des stations d'épuration, incinération des déchets non valorisables et utilisation en sous-couche des routes des mâchefers issus de l'incinération ; que si M. X soutient que l'incinération des déchets ménagers et hospitaliers, les eaux usées et les fumées dégagées par les incinérateurs, l'épandage des boues issues des stations d'épuration et l'utilisation des mâchefers en sous-couche des routes présentent des risques importants pour la santé humaine et l'environnement, ces modes d'élimination et de stockage des déchets, qui ne sont pas prohibés par la législation et la réglementation en vigueur, devront être mis en oeuvre dans le respect des normes applicables, notamment, aux unités d'incinération, à l'épandage des boues, à l'utilisation des mâchefers et au stockage des déchets hospitaliers ; qu'ainsi, en retenant l'incinération comme principal mode d'élimination des déchets, tout en laissant une large part aux autres modes de traitement des déchets, le conseil général de la Réunion n'a pas commis d'erreur de droit ni entaché sa délibération d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande ni de procéder à la mesure d'instruction demandée par le requérant, que M. X n'est pas fondé à demander l'annulation de la délibération des 3 et 4 octobre 2002 du conseil général de la Réunion portant approbation du plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de M. X tendant à l'annulation de la délibération des 3 et 4 octobre 2002 du conseil général de la Réunion portant approbation du plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, dès lors, les conclusions du requérant tendant à ce qu'il soit enjoint au département de la Réunion de lui communiquer les documents déclarés communicables par une décision de la commission d'accès aux documents administratifs du 31 janvier 2005 doivent être rejetées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le département de la Réunion, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. X la somme qu'il demande sur le fondement de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion du 20 juillet 2006 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. X tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

2

No 06BX02145


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 06BX02145
Date de la décision : 17/11/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DE MALAFOSSE
Rapporteur ?: Mme Sylvie AUBERT
Rapporteur public ?: M. MARGELIDON
Avocat(s) : SELARL D'AVOCATS ASSOCIES HOARAU LACAILLE LALLEMAND

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-11-17;06bx02145 ?
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