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17/11/2008 | FRANCE | N°07BX00059

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 17 novembre 2008, 07BX00059


Vu la requête, enregistrée le 8 janvier 2007 sous le n° 07BX00059, présentée pour M. Pierre X, demeurant ... ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 30 novembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1990, 1991 et 1992 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) d'ordonner la décharge des impositions contestées ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête, enregistrée le 8 janvier 2007 sous le n° 07BX00059, présentée pour M. Pierre X, demeurant ... ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 30 novembre 2006 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1990, 1991 et 1992 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) d'ordonner la décharge des impositions contestées ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu, enregistrée le 27 octobre 2008, la note en délibéré présentée pour M. X ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2008 :

- le rapport de Mme Boulard, président ;

- les observations de Me Argenson, avocat de M. X ;

- et les conclusions de M. Margelidon, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement dont M. X fait appel, le tribunal administratif de Bordeaux lui a refusé la décharge des rappels d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti pour les années 1990, 1991 et 1992 à la suite d'une vérification de comptabilité dont il a fait l'objet au titre de son activité non commerciale d'études techniques ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par une décision prise le 9 juin 2008 après l'enregistrement de la requête de M. X, le directeur des services fiscaux de la Guadeloupe lui a accordé un dégrèvement d'un montant de 29 669 euros correspondant à la réduction au taux de 40 % de la majoration initialement appliquée au taux de 80 % dont ont été assortis les droits supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de 1990 ; que, dans cette mesure, les conclusions de la requête sont devenues sans objet ;

Sur la procédure d'imposition et la prescription :

Considérant, en premier lieu, que M. X soutient ne pas avoir reçu la charte des droits et obligations du contribuable vérifié avant l'engagement de la vérification de sa comptabilité, comme le prévoit l'article L. 10 du livre des procédures fiscales ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que l'avis de vérification du 13 septembre 1993, qui lui a été adressé, mentionnait explicitement qu'étaient joints à celui-ci la charte des droits et obligations du contribuable vérifié et l'additif à cette charte ; qu'à supposer même que ces derniers documents aient, en réalité, fait défaut, M. X n'établit pas avoir accompli les diligences nécessaires pour en obtenir communication ; qu'ainsi, le moyen tiré d'une prétendue irrégularité des opérations de contrôle doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. X conteste relever, au titre de l'année 1990, de la procédure d'évaluation d'office prévue par les dispositions de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales ; qu'il résulte cependant de l'instruction que sa déclaration au titre de 1990, signée à la date du 26 septembre 1991, a été déposée dans le service des impôts le 1er octobre 1991 après l'envoi de mises en demeures dont la première, datée du 10 juin 1991, lui a été notifiée le 18 juin suivant par un pli recommandé avec accusé de réception au lieu d'exercice de son activité professionnelle ; que cette notification est régulière, dès lors que M. X n'établit pas que le signataire de l'accusé de réception n'était pas autorisé à recevoir ce pli ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, aucune erreur n'affecte les mentions de cette mise en demeure ; que, dans ces conditions, ses bénéfices non commerciaux, qu'il a déclarés plus de trente jours après la notification d'une première mise en demeure, pouvaient être régulièrement évalués d'office au titre de 1990 ;

Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article 1658 du code général des impôts autorisent les préfets à déléguer aux directeurs des services fiscaux et à leurs collaborateurs ayant au moins le grade de directeur divisionnaire leur pouvoir d'homologation des rôles établis par ces chefs de service ; que les arrêtés pris en application de ces dispositions n'ont pas à désigner nominativement les fonctionnaires recevant cette délégation de pouvoir et les collaborateurs des directeurs des services fiscaux qu'ils mentionnent n'ont pas à recevoir une autre délégation émanant de leurs chefs de service ; qu'il résulte de l'instruction que le rôle ayant mis en recouvrement les impositions contestées a été signé à la date du 20 décembre 1996 par un directeur divisionnaire agissant en vertu d'un arrêté du préfet de la Guadeloupe du 25 avril 1995 qui donnait délégation de pouvoir au directeur des services fiscaux de ce même département et à ses collaborateurs ayant au moins le grade de directeur divisionnaire pour rendre exécutoires les rôles des impôts directs ; que, par suite, le signataire du rôle dont procèdent les impositions en litige était compétent pour le rendre exécutoire, alors même que cet acte visait un autre arrêté préfectoral de délégation ; que la circonstance que les avis d'imposition aient été notifiés au contribuable le 6 janvier 1997 ne suffit pas à établir que la signature du rôle serait intervenue à une date plus tardive que celle du 20 décembre 1996 portée sur ce document ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'imposition est régulièrement établie, au regard des règles de prescription d'assiette, qui sont celles en l'espèce de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle a été mise en recouvrement avant l'expiration du délai de répétition, la date de mise en recouvrement à prendre en compte, dans le cas d'un impôt établi, comme ceux en litige, par la voie d'un rôle, étant celle de la décision administrative l'homologuant ;

Considérant que M. X soutient que la prescription d'assiette était acquise au titre de l'année 1990 ; que les redressements afférents à cette année ont fait l'objet d'une notification en date du 20 décembre 1993 ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment des attestations émanant des services postaux qui sont sur ce point convergentes, que le pli contenant cette notification a été présenté à l'adresse du contribuable le 23 décembre 1993 et que celui-ci en a été avisé ; qu'il a effectivement retiré en janvier 1994 le courrier tenu à sa disposition par les services postaux, ce que corroborent les termes de sa réponse du 2 février 1994 ; qu'ainsi, la notification de redressement, adressée en temps utile avant la fin de l'année 1993, a pu valablement interrompre la prescription ; que le délai de reprise n'était donc pas expiré lorsque l'imposition dont il s'agit a été mise en recouvrement par un rôle homologué, comme il est dit ci-dessus, le 20 décembre 1996 ;

Considérant, en cinquième lieu, que M. X se prévaut de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, en ce que le montant des impositions mises en recouvrement diffère du montant qui lui a été notifié des conséquences financières des rehaussements proposés ; que, toutefois, ces dispositions, alors réservées à la procédure contradictoire, ne trouvent pas à s'appliquer au bénéfice évalué d'office au titre de 1990 ; que ce moyen est donc inopérant pour ce qui concerne cette année ; que, pour l'année 1991, le montant indiqué est très légèrement inférieur à celui mis en recouvrement, soit un écart d'environ 1 %, et, pour l'année 1992, légèrement supérieur, soit un écart de 2,5 % ; que ces écarts, qui ne sont pas de nature à influer sur le comportement du contribuable, informé avec une approximation suffisante des conséquences financières des redressements, n'affectent pas la régularité de la procédure d'imposition ;

Considérant, en sixième lieu, que la notification du 20 décembre 1993 se borne, quant à la réintégration dans les bénéfices imposables de M. X d'un « profit sur le Trésor », à indiquer la nature et le montant de ce chef de redressement dans un tableau récapitulatif des rectifications apportées aux résultats ; que, si ces mentions ne méconnaissent pas les exigences de motivation posées par l'article L. 76 du livre des procédures fiscales en matière d'impositions établies d'office, elles sont insuffisantes au regard de celles posées par l'article L. 57 à l'égard des impositions établies au terme d'une procédure contradictoire, comme c'est le cas, en l'espèce, pour les rappels effectués au titre de 1991 et 1992, les raisons pour lesquelles les sommes en cause sont regardées comme constitutives d'un profit taxable n'étant pas indiquées ; que la double circonstance invoquée en défense par l'administration que le dispositif de la « cascade » prévu par l'article L. 77 du livre des procédures fiscales présente un caractère obligatoire et que la réintégration opérée serait neutre au regard des résultats imposables, ne l'affranchit pas de son obligation de motiver la réintégration d'un profit sur le Trésor, laquelle est indépendante de l'application dudit article L. 77 ; qu'il suit de là que M. X est fondé à demander la décharge des droits et pénalités procédant de ce chef de redressement, d'un montant en bases de 109 261 F au titre de 1991 et de 85 186 F au titre de 1992 ;

Sur le montant des bénéfices non commerciaux :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 93 du code général des impôts, relatif aux bénéfices des professions non commerciales : « Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession (...). Il tient compte des gains ou pertes provenant (...) de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession (...) » ; qu'en vertu de l'article 99 du même code, les contribuables soumis au régime de la déclaration contrôlée doivent tenir un document appuyé des pièces justificatives correspondantes, comportant la date d'acquisition ou de création et le prix de revient des éléments d'actif affectés à l'exercice de leur profession, le montant des amortissements effectués sur ces éléments, ainsi qu'éventuellement le prix et la date de cession de ces mêmes éléments ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au contribuable de démontrer que les dépenses qu'il a exposées sont nécessitées par l'exercice de sa profession et, lorsqu'il souhaite inclure dans la base de ses revenus imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux les gains et pertes afférents à la détention d'un élément d'actif non affecté par nature à l'exercice de son activité non commerciale, de justifier, d'une part, que cet actif est inscrit au registre de ses immobilisations professionnelles, dans les conditions prévues à l'article 99 susmentionné, d'autre part, que cette détention est utile à l'exercice de ladite activité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X exerçait au cours de la période en litige, son activité dans des locaux situés rue du docteur Cabre à Basse-Terre ; qu'il n'apporte pas d'éléments de nature à justifier ni que les dépenses se rapportant aux immeubles situés dans cette même commune, rue Perrinon et rue Maurice Marie-Claire, seraient nécessitées par l'exercice de sa profession, ni même que la détention de ces immeubles, lesquels ne sont pas affectés par nature à l'exercice de son activité non commerciale, serait utile à cette activité ; que, par suite, ni les frais se rapportant auxdits immeubles, ni les pertes qu'ils auraient occasionnées ne peuvent, au regard de la loi fiscale, et quelles que soient les inscriptions portées sur le registre des immobilisations, être imputés sur les revenus professionnels du requérant ; que, sur le terrain de la doctrine administrative, M. X n'est pas fondé à se prévaloir de la réponse ministérielle du 22 novembre 1982 à M. Joxe, député, dès lors qu'il n'entre pas dans les prévisions de cette doctrine qui traite d'un actif commercial ;

Considérant, en second lieu, s'agissant de la réintégration du profit sur le Trésor dans son bénéfice rehaussé selon la procédure d'évaluation d'office au titre de 1990, que M. X, qui supporte la charge de la preuve, ne précise pas en quoi la nature des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et ses propres modes de comptabilisation feraient obstacle à l'imposition d'un tel profit ; que ne suffit pas à en apporter la preuve le fait qu'il n'ait « pas opté pour une comptabilité de type commercial » ; qu'enfin et s'il se prévaut de ce qu'il a contesté les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés, il ne soutient pas que ceux-ci auraient été dégrevés ;

Sur les pénalités :

Considérant que les rappels de droits réclamés au titre de 1990 et 1991 ont été assortis, outre les intérêts de retard, des majorations prévues par l'article 1728 du code général des impôts ; que la majoration restant en litige au titre de 1990, compte tenu du dégrèvement susmentionné, est de 40 %, taux prévu par le 3 de l'article 1768 lorsque le document que le contribuable est tenu de souscrire « n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai » ; que la majoration appliquée aux rappels réclamés au titre de 1991 est de 10 %, taux prévu par le 1 de l'article 1728 lorsque la déclaration est souscrite tardivement ;

Considérant que la notification de redressement du 20 décembre 1993, après avoir détaillé, par année, les défaillances du contribuable au regard de ses obligations déclaratives, lui précise la nature, le taux et le montant des pénalités envisagées en citant le texte applicable ; qu'une telle motivation est suffisante au regard des dispositions combinées de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 et de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ; que le requérant ne peut utilement se prévaloir, à l'égard des pénalités, de la doctrine administrative ; que le délai d'au moins trente jours prévu par l'article L. 80 D entre la communication de la motivation des sanctions et la notification des avis d'imposition a été, en l'espèce, respecté ;

Considérant que, comme il est dit ci-dessus, la déclaration professionnelle de M. X au titre de 1990 n'a pas été déposée dans les trente jours suivant la réception de la mise en demeure qui lui a été notifiée le 18 juin 1991 ; qu'ainsi, les rappels effectués au titre de 1990 étaient passibles de la majoration de 40 % ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la copie, versée aux débats par le ministre, de la déclaration souscrite par M. X au titre de 1991 et signée par lui à la date du 30 juin 1992, que cette déclaration a été déposée tardivement le 15 juillet 1992 ; qu'est ainsi légalement justifiée l'application de 10 % aux rappels effectués au titre de 1991 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X est seulement fondé à demander la décharge des droits et pénalités restant en litige procédant de la réduction de ses bases d'imposition d'un montant de 109 261 F au titre de 1991 et de 85 186 F au titre de 1992 ; qu'il est, dans cette mesure, fondé à demander la réformation du jugement attaqué ;

Sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser la somme de 5 000 euros que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les bases de l'impôt sur le revenu assignées à M. X au titre des années 1991 et 1992 sont réduites des sommes respectives de 109 261 F et de 85 186 F et il est accordé à M. X décharge des droits et pénalités procédant de ces réductions.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus de la requête est rejeté.

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No 07BX00059


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 07BX00059
Date de la décision : 17/11/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Composition du Tribunal
Président : Mme BOULARD
Rapporteur ?: Mme Dominique BOULARD
Rapporteur public ?: M. MARGELIDON
Avocat(s) : ARGENSON

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-11-17;07bx00059 ?
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