La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/12/2008 | FRANCE | N°05BX00869

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 31 décembre 2008, 05BX00869


Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2005, présentée alors pour M. Jacques X, domicilié ..., M. Pierre Y, domicilié ... et M. GUILHEM Z, domicilié ..., par Me Parmentier, avocat au Conseil d'Etat ; MM. X, Y et Z demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0302378 du 8 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser, avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 1985, respectivement les sommes de 33 699,16 euros, 40 129,76 euros et 23 627,15 euros en indemnisation du préjudice qu

'ils ont subi à la suite des décisions par lesquelles le ministre de l'...

Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2005, présentée alors pour M. Jacques X, domicilié ..., M. Pierre Y, domicilié ... et M. GUILHEM Z, domicilié ..., par Me Parmentier, avocat au Conseil d'Etat ; MM. X, Y et Z demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0302378 du 8 mars 2005 par lequel le Tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser, avec intérêts au taux légal à compter du 26 juin 1985, respectivement les sommes de 33 699,16 euros, 40 129,76 euros et 23 627,15 euros en indemnisation du préjudice qu'ils ont subi à la suite des décisions par lesquelles le ministre de l'agriculture a refusé de reconnaître l'état de catastrophe naturelle au titre des périodes de gels constatées durant l'hiver 1984-1985 dans les département de la Gironde et du Lot-et-Garonne ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser lesdites sommes avec intérêts et d'ordonner la capitalisation desdits intérêts à compter du 15 décembre 2004 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu le code des assurances ;

Vu le code forestier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2008 :

* le rapport de M. Kolbert, président-assesseur ;

* et les conclusions de M. Lerner, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 13 juillet 1982 modifiée devenu ensuite l'article L. 125-1 du code des assurances : « Les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'Etat et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles sur les biens faisant l'objet de tels contrats ... Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles ... les dommages matériels directs ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté ministériel » ; que ces dispositions ont été à nouveau modifiées par les I et II de l'article 34 de la loi n° 92-665 du 16 juillet 1992 qui ont notamment précisé que seuls les dommages matériels directs « non assurables » étaient susceptibles d'être regardés comme les effets des catastrophes naturelles ; que le III du même article a précisé que ces modifications « sont applicables aux décisions prises à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours du mois de janvier 1985, de nombreuses plantations de pins maritimes situées dans plusieurs communes des départements du Lot-et-Garonne et de la Gironde ont été partiellement ou totalement détruites par un épisode de gel intense ; que le refus opposé le 18 octobre 1985 au syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest par le ministre de l'agriculture et de la forêt, de constater l'état de catastrophe naturelle a été annulé par une décision en date du 12 décembre 1990 du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, au motif que ne pouvait alors, sans erreur de droit, être opposée au syndicat, la circonstance que les dommages matériels subis du fait du gel avaient un caractère assurable ; que, par la suite, le ministre, qui était demeuré saisi de la demande du syndicat par l'effet de l'annulation contentieuse, et qui avait été, entre-temps, également saisi d'une demande identique par M. Jacques X, propriétaire indivis de certaines des parcelles concernées, a, pour rejeter à nouveau ces demandes, légalement cette fois, retenu le même motif, compte tenu de l'entrée en vigueur, depuis lors, des dispositions modifiées de l'article L. 125-1 du code des assurances, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat, statuant au contentieux par deux décisions du 17 janvier 1996 ;

Considérant que pour demander la mise en cause de la responsabilité de l'Etat à raison de la perte de chance de bénéficier d'une indemnité d'assurance couvrant les pertes subies à l'occasion de cet événement climatique, M. Jacques X au nom de l'indivision formée avec M. Charles X et Mme Annie X, ainsi que le GROUPEMENT FORESTIER CARLOBOIS, représentée par Mme GUILHEM Z et Mmes D, E et F, héritières de M. Y, exploitant individuel, se prévalent de l'illégalité du refus initial du ministre de l'agriculture de constater l'état de catastrophe naturelle dans la zone concernée, qui les aurait privés de la possibilité de mettre en oeuvre, auprès de leurs assureurs respectifs, la garantie prévue par les dispositions précitées, et ce, avant l'intervention de la loi du 16 juillet 1992 ; qu'il résulte de l'instruction et notamment des études et mesures produites par les appelants, que l'épisode de gel survenu en janvier 1985 dans la forêt landaise doit, eu égard aux températures extrêmes, entre -20° et -30° centigrades, qui ont été atteintes et qui se sont maintenues dans l'ensemble de la région sur une dizaine de jours, être regardé comme présentant le caractère d'intensité anormale auquel était conditionnée la mise en oeuvre des dispositions précitées de l'article L. 125-1 du code des assurances, en sa rédaction applicable à la date du premier refus opposé par le ministre, de déclarer l'état de catastrophe naturelle ; que, dans ces conditions, et contrairement à ce qu'ont décidé les premiers juges, les intéressés étaient fondés à demander la mise en cause de la responsabilité de l'Etat à raison de l'illégalité de ce refus qui les a privés d'une chance sérieuse d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice par leur assureur ;

Considérant qu'à titre de réparation de leur préjudice, M. X, le GROUPEMENT FORESTIER CARLOBOIS et les héritières de M. Y sont chacun fondés à demander le versement d'une somme calculée par référence au montant de l'indemnité d'assurance à laquelle ils auraient pu prétendre si l'état de catastrophe naturelle avait été déclaré, cette indemnité étant elle-même déterminée à partir du coût du reboisement, en fonction de leur composition, des parcelles détruites par l'épisode climatique en cause, sous déduction, sauf pour les parcelles en semis, de la valeur de revente des bois morts, dite « valeur de sauvetage » ; que le ministre ne conteste utilement ni l'importance, ni la composition des parcelles boisées détruites au cours de l'épisode de gel, non plus que la valeur de reboisement résultant d'un barème établi par le syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest, à savoir 4 000 francs à l'hectare pour les semis, 8 500 francs à l'hectare pour les pins de 20 ans, 9 300 francs à l'hectare pour les pins de 22 ans et 10 500 francs à l'hectare pour les pins de 25 ans ; qu'en outre, il sera fait, compte tenu des éléments fournis par M. X devant les premiers juges et non contestés par le ministre, une juste appréciation de la valeur de sauvetage venant en déduction du coût du reboisement en la fixant à 35 % de ce coût ;

Considérant que, compte tenu des règles ainsi définies, l'indemnité à laquelle M. X, au nom de l'indivision X, peut prétendre à raison de la perte de 24 ha 29 a 15 ca de pins de 22 ans, doit être fixée à 21 403,83 euros ; que l'indemnité due au GROUPEMENT FORESTIER CARLOBOIS, à raison de la perte de 2 ha 67 a 10 ca de semis et de 12 ha 88 a 40 ca de pins de 20 ans, doit être évaluée à 12 528, 87 euros ; qu'enfin, celle due aux consorts Y, à raison de la perte de 25 ha 23 a 55 ca de pins de 25 ans, doit être estimée à 28 584,19 euros ; que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter non, comme ils le réclament, du 26 juin 1985, date de la demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle par le syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest, mais du 24 décembre 1998, date de réception de leur première demande indemnitaire auprès du ministre de l'agriculture ; que ces intérêts porteront eux-mêmes intérêts à compter du 15 décembre 2004, date de la première demande de capitalisation, puis à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les appelants sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué et la condamnation de l'Etat au versement des indemnités sus-mentionnées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État, qui, dans la présente instance est la partie perdante, le versement à M. Jacques X, au GROUPEMENT FORESTIER CARLOBOIS et aux consorts Y, d'une somme de 500 euros à chacun, au titre des frais exposés par les appelants et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0302378 du Tribunal administratif de Bordeaux en date du 8 mars 2005 est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à M. Jacques X, représentant l'indivision X, une indemnité de 21 403,83 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 1998. Ces intérêts seront capitalisés au 15 décembre 2004 puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : L'Etat versera au GROUPEMENT FORESTIER CARLOBOIS une indemnité de 12 528,87 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 1998. Ces intérêts seront capitalisés au 15 décembre 2004 puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 4 : L'Etat versera à Mmes Françoise Y épouse D, Monique Y, épouse E, et Sandra D, épouse F, héritières de M. Pierre Y une indemnité de 28 584,19 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 1998. Ces intérêts seront capitalisés au 15 décembre 2004 puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 5 : L'Etat versera à M. X et au GROUPEMENT FORESTIER CARLOBOIS une somme de 500 euros à chacun, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il versera également à Mmes Françoise Y épouse D, Monique Y, épouse E et Sandra D épouse F, une somme globale de 500 euros sur le même fondement .

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

4

N° 05BX00869


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 05BX00869
Date de la décision : 31/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BRUNET
Rapporteur ?: M. Eric KOLBERT
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : SCP H. DIDIER ET F. PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-12-31;05bx00869 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award