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31/12/2008 | FRANCE | N°06BX01936

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre (formation à 3), 31 décembre 2008, 06BX01936


Vu la requête, enregistrée le 11 septembre 2006 sous le n° 06BX01936, présentée pour l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA, représentée par M. Salata, en qualité de gérant, demeurant 35 rue Jean Cocteau à Blagnac (31700), par Me Olivier BENOIT, en qualité de mandataire liquidateur, domicilié 17 rue de Metz, BP 7132 à Toulouse (31071 Cedex 7) et par Me Luc FOURQUIE, en qualité d'administrateur judiciaire, domicilié 40 bis boulevard des Récollets à TOULOUSE (31400), par Me Merger, avocat ; l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement

n° 0401594 du 22 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Toulo...

Vu la requête, enregistrée le 11 septembre 2006 sous le n° 06BX01936, présentée pour l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA, représentée par M. Salata, en qualité de gérant, demeurant 35 rue Jean Cocteau à Blagnac (31700), par Me Olivier BENOIT, en qualité de mandataire liquidateur, domicilié 17 rue de Metz, BP 7132 à Toulouse (31071 Cedex 7) et par Me Luc FOURQUIE, en qualité d'administrateur judiciaire, domicilié 40 bis boulevard des Récollets à TOULOUSE (31400), par Me Merger, avocat ; l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0401594 du 22 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à lui verser une somme de 77 228,44 euros, qu'elle estime insuffisante, en réparation des préjudices subis ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 235 053,76 euros en réparation du préjudice professionnel et une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2008 :

- le rapport de Mme Dupuy, conseiller,

- et les conclusions de M. Lerner, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le Garde des sceaux, ministre de la justice et l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA, entreprise individuelle, ont conclu les 24 août 1999 et 1er septembre 2000 des contrats de concession de main-d'oeuvre en milieu carcéral portant sur les ateliers de façonnage des établissements pénitentiaires de Toulouse Saint Michel et de Montauban ; qu'en méconnaissance des stipulations contractuelles desdites conventions, l'administration pénitentiaire a, à plusieurs reprises, fermé l'atelier de la maison d'arrêt de Toulouse Saint Michel sans prévenir son cocontractant, et a refusé au concessionnaire, le 9 janvier 2004, l'accès à l'atelier de la maison d'arrêt de Montauban ; que les premiers juges ont, d'une part, estimé que la responsabilité de l'Etat était engagée à raison des fautes ainsi commises dans l'exécution des contrats, d'autre part, évalué le préjudice subi par l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA au montant total de 77 228,44 euros ; que l'entreprise requérante demande à la Cour de réformer le jugement en tant qu'il a limité au montant susmentionné de 77 228,44 euros, qu'elle estime insuffisant, la réparation mise à la charge de l'Etat ;

Sur les fins de non-recevoir opposées par le Garde des sceaux, ministre de la justice :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : « La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge » ; que la requête d'appel ne se borne pas à reproduire la demande formulée devant les juges de première instance ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le Garde des sceaux, ministre de la justice, tirée du défaut de motivation de la requête, doit être écartée ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA a été mise en liquidation judiciaire le 12 mars 2004 ; que la liquidation judiciaire d'une entreprise a pour effet que cette entreprise se trouve de plein droit représentée par son liquidateur ; que, dès lors, M. Salata, gérant de l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA, et Me FOURQUIE, administrateur judiciaire de l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA, n'ont pas qualité pour représenter ladite entreprise ; que cette circonstance est toutefois sans incidence sur la recevabilité de la requête de l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA qui est également représentée à l'instance par Me BENOIT, en qualité de mandataire liquidateur ;

Sur les conclusions à fin de réformation du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'évaluation du préjudice lié à une perte d'activité :

Considérant que pour évaluer le préjudice subi par l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA du fait des fermetures inopinées de l'atelier de la maison d'arrêt de Toulouse Saint Michel, les premiers juges ont fixé à cinquante jours la durée totale de ces fermetures et ont retenu un effectif de trente détenus ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte des termes du contrat de concession de main-d'oeuvre du 24 août 1999 que quarante détenus devaient être mis à disposition de l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA au sein de l'atelier de façonnage de la maison d'arrêt ; que c'est ainsi à tort que les premiers juges se sont fondés, alors qu'ils ne disposaient d'aucun autre élément relatif au nombre de détenus effectivement employés, sur le nombre de trente détenus pour apprécier le préjudice subi par l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA ;

Considérant, d'autre part, que l'entreprise requérante a produit une liste des jours de fermeture de l'atelier de la maison d'arrêt de Toulouse Saint Michel et des attestations établies par deux surveillants de cet établissement dont il résulte que les fermetures de l'atelier ont été très nombreuses au cours des années 2001 et 2002 ; qu'en outre, dans ses écritures de première instance, le Garde des sceaux, ministre de la justice a admis la réalité de quarante-trois journées de fermeture ainsi que l'existence de fermetures inattendues liées à la pénurie d'agents de surveillance ; que malgré la demande qui lui en a été faite, le Garde des sceaux, ministre de la justice n'a pas produit le registre officiel des ateliers de la maison d'arrêt de Toulouse Saint Michel qui aurait permis de déterminer avec exactitude le nombre de jours de fermeture ; que, dans ces conditions, il y a lieu de se référer à la liste des fermetures dressée par l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA, qui recense cent-quatorze jours ; que, cependant, compte tenu de ce que seules les fermetures inopinées de l'atelier ouvrent droit à indemnisation, les périodes du 13 août 2001 au 31 août 2001 et du 20 décembre 2002 au 24 janvier 2003, au titre desquelles l'administration affirme sans être sérieusement contredite avoir préalablement informé le concessionnaire, ainsi que les cinq jours non ouvrables figurant par erreur sur ladite liste, ne sauraient être pris en compte pour déterminer le préjudice subi par l'entreprise ; que, dans ces conditions, la durée totale des fermetures inopinées doit être fixée à soixante-douze jours ;

Considérant qu'eu égard à ce qu'il vient d'être dit ci-dessus, et compte tenu de ce que les détenus étaient employés à raison de six heures par jour et que les prestations étaient facturées par l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA au prix unitaire de 12 euros, lesdits établissements ont subi une perte de 207 360 euros ; qu'il y a lieu de porter en déduction de ce montant celui des salaires, s'élevant à 3, 05 euros de l'heure par détenu employé, et des charges sociales, s'élevant à 15, 8 % des salaires, que l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA n'a pas eu à verser, soit une somme de 61 031 euros ; qu'il sera, dès lors, fait une juste appréciation de l'indemnité susceptible de réparer le manque à gagner lié aux fermetures imprévues de l'atelier de la maison d'arrêt de Toulouse Saint Michel en allouant à l'entreprise requérante une somme de 146 329 euros ;

Considérant, enfin, que le tribunal a fixé au montant de 1 015, 44 euros, non contesté en appel, l'indemnité réparant le manque à gagner subi par l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA du fait du refus d'accès à l'atelier de la maison d'arrêt de Montauban qui lui a été opposé le 9 janvier 2004 ; que, dès lors, le préjudice causé à l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA lié à la perte d'activité doit être évalué au montant total de 147 344,44 euros ; qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué en ce sens ;

En ce qui concerne les autres chefs de préjudice :

Considérant, en premier lieu, que s'il est vrai que l'impossibilité d'accéder à l'atelier de la maison d'arrêt de Montauban a mis l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA dans une situation difficile vis-à-vis de l'un de ses clients, en raison du retard de livraison qu'elle a occasionné, il ne résulte pas de l'instruction que l'entreprise aurait perdu ce client ; qu'ainsi, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que la réalité du préjudice commercial allégué n'était pas établie ;

Considérant, en second lieu, que s'il résulte de l'instruction que les fermetures fréquentes de l'atelier de la maison d'arrêt de Toulouse Saint Michel ont entraîné des retards de livraison, et, en conséquence, des réactions de mécontentement de la part de certains clients de l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA, il n'est pas démontré que ces faits auraient porté atteinte à la crédibilité de l'entreprise requérante ; que c'est par suite à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande indemnitaire relative à ce chef de préjudice ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA est fondée à demander la réformation du jugement du 22 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à lui verser une somme de 77 228,44 euros en réparation des préjudices subis et à solliciter le versement d'une indemnité d'un montant total de 147 344,44 euros ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser une somme de 147 344,44 euros à Me BENOIT, mandataire liquidateur de l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Toulouse du 22 juin 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me BENOIT, mandataire liquidateur de l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l'entreprise ETABLISSEMENTS SALATA est rejeté.

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N° 06BX01936


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 06BX01936
Date de la décision : 31/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BRUNET
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre DUPUY
Rapporteur public ?: M. LERNER
Avocat(s) : MERGER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2008-12-31;06bx01936 ?
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